Invitation à plonger dans votre enfance télévisuelle
Bonjour, les tout-petits! Permettez-moi de vous saluer comme le faisait Bobino pour lancer cette chronique qui fera surgir en vous de magnifiques souvenirs d’enfance. Je vous parle cette semaine d’une exposition dont le titre dit tout de ses ambitions: De Pépinot à la Pat’ Patrouille – Notre enfance télévisuelle.
Depuis le 2 septembre, le Musée canadien de l’histoire (MHC) à Gatineau propose une célébration de notre génie national à créer des émissions jeunesse de grande qualité. Pas moins de 100 émissions produites en français et en anglais sont évoquées.
Au-delà de 80 costumes originaux, 33 productions audiovisuelles regroupant une centaine d’extraits, une dizaine de thèmes abordés et… une souris verte!
C’est 70 ans d’histoire qu’on nous raconte. Dès l’ouverture de la télévision de Radio-Canada en 1952, il y a des émissions pour enfants. En français, c’est Pépinot et Capucine qui donne le ton. Menoum! Menoum!, quelle émotion de revoir les pimpantes marionnettes de Pépinot, Capucine, l’Ours et PanPan.
Du côté de CBC, la première émission s’intitule Let’s see, avec les marionnettes Uncle Chichimus et Hollyhock.
Au fil du parcours, des tonnes de souvenirs nous reviennent. Incroyable, le pouvoir d’évocation d’un costume. Les comédiens Guy Sanche, Pierre Thériault et Marc Favreau, qui ont incarné Bobino, Monsieur Surprise et Sol, sont disparus depuis des années, mais la vue de leurs costumes, si différents l’un de l’autre, nous ramène directement à notre enfance. Pareil avec l’inoubliable robe de Fanfreluche que la comédienne Kim Yaroshevskaya, qui a eu 99 ans cette semaine, portait comme un étendard pour accéder à l’imaginaire.
Et quand ce ne sont pas les costumes qui nous font de l’effet, ce sont les nombreux extraits d’émissions cultes comme La Ribouldingue, Le Pirate Maboul, Grujot et Délicat, et tant d’autres. Ils nous rappellent combien nous avons été chanceux d’être biberonnés par des acteurs de grand talent aux multiples registres, pensons aux Jean-Louis Millette, André Montmorency, Gisèle Mauricet, Lise Lasalle, Clémence DesRochers, Jacques Létourneau, Paul Buissonneau.
Je parle des émissions de mon temps, mais les plus jeunes que moi retrouveront aussi leurs personnages préférés. Kalinelle des Oraliens est là, Nic et Pic aussi, tout comme Capitaine Cosmos, l’éléphant du Elephant Show, Basil The Bear de Sesame Park, Bibi (sans Geneviève) et Cornemuse.
Comme on le voit, Radio-Canada et CBC sont les principaux partenaires de cette exposition, mais les concepteurs ont aussi inclus Télé-Québec, grande productrice d’émissions pour jeune public.
Le Musée canadien de l’histoire est allé plus loin que la simple présentation d’artéfacts et d’extraits provenant d’émissions jeunesse. On y aborde aussi le contenu de ces programmes et la manière dont ils sont conçus.
Au début, on était dans le divertissement. En raison du baby-boom, les enfants étaient nombreux à s’agglutiner devant la télé au retour de l’école, au grand plaisir de la maman au foyer occupée à préparer le souper. On rappelle qu’en 1960, 81% des ménages possèdent un téléviseur!
À partir des années 1970, les émissions se donnent des objectifs pédagogiques. On apprend par exemple aux enfants à nommer leurs émotions, on leur montre à cultiver le sens du partage. Viendront ensuite les émissions valorisant la saine alimentation, l’exercice physique, la motivation à aller à l’école.
On n’oublie pas non plus les émissions qui traitent des enjeux de l’adolescence comme Watatatow, Le Vagabond ou Degrassi. Même les parents qui sont à l’écoute avec leurs enfants peuvent en tirer quelque chose puisqu’ils sont souvent représentés dans les programmes.
Tous ces aspects sont illustrés par des extraits judicieusement choisis. Il est amusant de voir le contraste entre les parents sévères de la série Les cadets de la forêt et ceux nettement plus permissifs de Passe-Partout.
L’exposition traite également de toute la gamme des valeurs qui sont véhiculées dans les émissions jeunesse canadiennes: de la place des personnes handicapées à celle des minorités racisées en passant par la question de la protection de l’environnement et de celle de la langue. On remarquera que la chaîne anglaise de Radio-Canada compte beaucoup plus d’émissions jeunesse reflétant les valeurs autochtones à son antenne.
Une chose est évidente, la façon de faire des émissions jeunesse au Canada est très différente. Je me souviens que quand mon fils était enfant et que nous allions passer des vacances aux États-Unis, j’étais toujours estomaqué par le manque de raffinement des programmes pour enfants à la télévision américaine.
Quand j’entends dire que des jeunes à peine dans la vingtaine manient gun et couteau pour montrer leur puissance, je me dis qu’il y a plusieurs garçons là-dedans qui ont manqué quelques bons programmes qui leur étaient destinés lorsqu’ils étaient petits. La télé pour enfants faite chez nous véhicule de meilleures valeurs que ça, et cette exposition est là pour le démontrer hors de tout doute.
Avec ma description de tout ce contenu, je donne peut-être l’impression que cette exposition s’adresse surtout aux adultes, mais détrompez-vous. Les enfants y trouveront du plaisir. La scénographie ludique et colorée, les grands espaces pour circuler, les projections géantes, les bancs pour s’assoir transforment pratiquement les salles du musée en terrain de jeu.
Le personnel du Musée canadien de l’histoire a une grande expertise en muséologie pour enfants, le Musée canadien pour enfants qui loge sous le même toit est une réussite qui contribue à faire du MCH l’institution muséale la plus achalandée au Canada.
De Pépinot à la Pat’ Patrouille se termine par un charmant clin d’œil qui prend la forme d’un montage vidéo. Le visiteur se fait dire au revoir à la manière des émissions jeunesse: un clin d’œil, un signe de la main, un bisou, un beubye, un à la semaine prochaine, un bonjour les tout-petits, tout y passe.
On a juste envie d’y revenir. Ça tombe bien, l’exposition est à l’affiche jusqu’en septembre 2023.