Art souterrain, prise 10: belle job!
Question: à Montréal, est-ce qu’on a créé la ville souterraine parce que celle en surface était laide? Il fut un temps, ce n’était pas jojo de déambuler en bordure du Vieux-Montréal, où se trouve justement une bonne partie du réseau piétonnier souterrain. Depuis qu’on a revampé ce qu’on appelle maintenant le Quartier international, je trouve qu’il n’y a plus de raison de s’engouffrer dans les entrailles de la ville. Sauf une fois par année, quand Art souterrain bat son plein. Et c’est maintenant que ça se passe, jusqu’au 25 mars, au pire du règne de la garnotte et de la grisaille.
Depuis 10 ans, Art souterrain fait du Montréal souterrain une vaste galerie d’art qui s’étend sur six kilomètres. Merci à Frédéric Loury d’avoir inventé ça. Ça prenait bien un Français pour faire quelque chose de créatif avec ce réseau de tunnels qui relie les grands édifices du centre-ville et qui pique tant la curiosité des étrangers.
Cet événement veut, bien sûr, profiter de la fréquentation naturelle de ceux qui travaillent dans le secteur et des touristes en goguette, mais il s’adresse aussi à tout le monde.
Je vous en parle parce que le thème de cette année devrait vous interpeller. Il y est question du travail. Toutes les œuvres choisies par Frédéric Loury et ses commissaires invitées, Pascale Beaudet et Emeline Rosendo, s’intéressent à ce sujet qui prend tant de place dans nos vies, tellement qu’avenues.ca y consacre depuis peu une nouvelle section.
Dans cette exposition, le thème du travail est décliné de toutes sortes de manières: sociologique, politique, critique, satirique et ludique.
Quelques exemples... suivez le guide!
Pour ne pas payer trop cher nos vêtements, exploite-t-on des travailleurs de pays qu’on maintient dans un état de sous-développement? Avec ses petites figurines qui ressemblent à un jeu d’enfant, la réponse de l’artiste montréalaise Karine Giboulo est sans équivoque.
À quoi ça ressemble, une force ouvrière? L’œuvre Le sens de la vie du Français Florent Lamouroux nous en donne un aperçu en utilisant lui aussi le concept du jouet pour relire notre société.
Conclusion? Rien qu’à voir, on voit bien que les employés ont toujours la force du nombre.
Vous vous dites: «Ce n’est pas ma tasse de thé ce genre de préoccupation.» Attendez de visionner la vidéo de l’artiste d’Ottawa Cheryl Pagurek. Elle projette justement dans une tasse de thé ce qui se passe dans le monde et qui devrait nous préoccuper.
Sur un mode plus personnel, le photographe de Los Angeles Hugh Kretschmer met en image des sentiments qu’on a tous à un moment ou à un autre par rapport à la conciliation travail-famille ou à l’effet du stress au bureau. Comme quand la fumée ne peut même pas nous sortir des oreilles parce qu’on n’a plus de tête.
Marc-Antoine Côté, de Québec, aborde ça autrement. Il nous place devant ce qu’il appelle une montagne de travail. Son œuvre en métal, qui pèse 1150 kilos et compte des kilomètres de soudure, nous force à nous demander pourquoi, parfois, on se donne tant de peine.
Quant au Français Philippe Vaz Coatelant, il fait l’apologie de la paresse avec Lazy Cloud, une installation qui invite au farniente. Mais je vous le dis tout de suite, l’œuvre, composée de hamacs accrochés au plafond, est inaccessible.
Finalement, pour moi, la proposition la plus intéressante vient de Jan Banning, un Néerlandais installé à Utrecht. Il a fait le tour du monde pour photographier des fonctionnaires derrière leur bureau. Cette idée toute simple nous fait voyager. C’est fou de voir comment l’environnement du service public peut changer d’un pays à l’autre. À l’évidence, en matière de travail, notre planète n’a pas encore été complètement javellisée.
Je vous le dis, Art contemporain, c’est de la belle job. À visiter comme si l’on était un touriste en vacances dans sa propre ville.
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