2024 revue et corrigée: un grand cru!
Pour une 19e fois, le Théâtre du Rideau Vert réussit l’exploit de nous réconcilier avec l’année qui s’achève avec un 2024 revue et corrigée corsé et gouleyant. Un grand cru assemblé par la même redoutable équipe que l’an dernier!
L’élection déconcertante de Donald Trump, Trudeau et Legault qui se querellent sur l’immigration, la pénurie de logements qui dégénère en crise de l’itinérance, l’assommant gros bon sens de Pierre Poilievre, les inondations catastrophiques causées par Debby, le génocide israélien à Gaza, il n’y avait pas de quoi rire en 2024 sur notre planète qui surchauffe. Pour une 19e fois, le Théâtre du Rideau Vert réussit l’exploit de nous réconcilier avec l’année qui s’achève avec un 2024 revue et corrigée corsé et gouleyant. Un grand cru assemblé par la même redoutable équipe que l’an dernier!
Faire une bonne revue de l’année est un art. Il faut s’attarder aux bons événements, faire des croisements judicieux, oser être caustique sans être trop méchant, soigner les imitations, être drôle, mais pas que…
Au fil des ans, le Théâtre du Rideau Vert n’a jamais cessé de raffiner sa proposition, si bien que, depuis quelques années, je préfère immanquablement Revue et corrigée au Bye Bye. L’énergie qui émane d’un spectacle live est incomparable.
Le spectacle s’ouvre toujours avec entrain sur une chanson qui a marqué l’année. Non seulement commence-t-on de manière endiablée sur le plus fameux des airs du film Nos belles-sœurs, mais les cinq comédiens sont déguisés en personnages de Michel Tremblay. Pareil.
J’ai perdu des bouts du texte qui portait sur l’inflation, sujet de l’année s’il en est un, occupé que j’étais à reconnaître Monika Pilon, Marie-Ève Sansfaçon, Pierre Brassard, Benoit Paquette et Marc St-Martin sous leurs perruques, leurs rouges à lèvres et leurs robes rembourrées.
D’ailleurs, tout le reste du spectacle, j’ai été ébahi, encore une fois, par la rapidité des changements de costumes et la qualité d’exécution de ceux-ci. Suzanne Harel est vraiment une conceptrice de costumes exceptionnelle.
Tous les événements que j’ai nommés plus haut ont été abordés.
Dans le cas de Donald Trump, on a été assez gentil. On lui fait reprendre le grand succès de Roch Voisine d’il y a 35 ans, Hélène, qui devient Elon en référence à Elon Musk, le nouvel élu de son cœur.
Pierre Poilievre, lui, nous apparaît en justicier fâché, fâché avec une cape et des collants. Un Capitaine Gros Bon Sens secondé par un Jacques Gourde qui crie au scandale, évidemment. Pif, paf, pouf, nos deux super zéros tapent sur Trudeau, lui aussi déguisé en personnage de Marvel qu’on a baptisé Wokeman! Traitement de style BD, assez inoffensif, en comparaison à celui qu’on réserve à Montréal et sa mairesse, qu’on présente comme hilare et contente de l’être. Le défenseur de Montréal en moi ne l’a pas trouvé si drôle.
Faits marquants de 2024, les Jeux olympiques de Paris ont beaucoup inspiré les scripteurs. Ils se sont laissé aller à une parodie décapante de la description de la cérémonie d’ouverture à Radio-Canada. Cinq mois plus tard, on pouvait en rire même si on ressentait de nouveau le malaise.
En bon ancien Bleu Poudre qui ne ménage rien pour nous faire rire, Pierre Brassard a enfilé un justaucorps pour faire un Philippe Katerine de lui et chanter sa fameuse chanson Nu. Aussi lubrique sur la scène du Rideau Vert que ce le fût sur la passerelle Debilly le 26 juillet.
Mais comme à l’ouverture des Jeux de Paris, c’est Céline qui a ébloui le public le soir de la première de 2024 revue et corrigée. La personnification de Marie-Ève Sansfaçon, dans une robe évoquant celle que la maison Dior avait conçue pour le retour de Céline, a été éblouissante.
Toute aussi chargée d’émotion, l’apparition de l’autre chouchou des Québécois, Janette Bertrand, incarnée par Monika Pilon, à qui l’on fait dire un texte que notre Janette aurait pu écrire elle-même. Tout ça devant la murale que l’artiste Laurent Gascon a réalisée pour souligner son centenaire. C’est ce que j’appelle l’art de faire de beaux liens.
Tous les numéros ne sont pas d’égale valeur, notamment celui relevant les multiples inepties de François Legault qui lui ont valu de chuter dans les sondages, mais les bons sont tellement réussis, qu’ils nous rendent indulgents pour ceux qui tombent à plat.
Cette année, les scripteurs ont été particulièrement inspirés dans leurs bouturages humoristiques.
Exemple. L’annonce de la fin de Juste pour rire a inspiré une version pétaradante de Prière de ne pas envoyer de fleurs, où toutes les vedettes qui sont nées à ce festival viennent lâcher leurs vannes: de l’Oncle Georges à la méchante Marie-Lise Pilote, en passant par Ding et Dong et Raymond Beaudoin. Le numéro se termine par un happy ending puisque l’empire du rire a heureusement été sauvé.
Autre exemple. Comment arriver à parler de toutes les comédies musicales qui se sont marché sur les pieds cette année? En mélangeant les chansons et les interprètes des unes et des autres. Ça donne notamment La Poune qui se fait chanter «du plaisir» par Don Juan!
Dans la catégorie du meilleur croisement de sujets de la soirée, je donne la palme à la parodie de La soirée canadienne.
Comme la production n’a pas fourni de photos pour ce numéro, laissez-moi vous décrire cette scène d’anthologie.
D’abord, il faut savoir que la mythique émission du Canal 10 est revenue dans l’actualité en 2024 lorsque des tiktokeurs se sont mis à partager une archive mettant en vedette un Joël Legendre tout jeune poussant la chanson folklorique M’en revenant de Sainte-Hélène. À ce jour, on compte 3,7 millions de visionnements de ce segment datant de 1978.
À partir de ça, les auteurs du spectacle ont imaginé trois invités de Louis Bilodeau interprétant, devant un Paul Arcand impatient, des chansons à répondre qu’on connaît tous, mais dont on a changé les mots pour parler des départs fracassants de MC Gilles et Pierre-Yves McSween du 98,5 et le remplacement de Patricia Paquin par Maripier Morin à Rythme 105,7.
L’espace d’un moment, on renoue avec le plaisir candide de La soirée canadienne et de ses chansons du terroir. On se prend à taper des mains et à répéter le refrain en chœur.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas ri comme ça. Marie-Ève Sansfaçon et Monika Pilon sont tellement drôles dans leurs mimiques que, juste pour ce moment, ça vaut la peine d’acheter des billets. Elles nous refont aussi leur impayable imitation des sœurs Boulay.
Marc St-Martin, Benoit Paquette et Pierre Brassard sont toujours aussi bons, mais si l’on ajoute au bilan de ce spectacle les numéros pastichant Taylor Swift, Charlotte Cardin, et la Victoire de Montréal, on peut dire que cette année, ce sont les filles qui ont les morceaux de bravoure.
Bravo, les filles, grâce à vous, on gardera un bon souvenir de l’année 2024.