La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Voyager en période de pandémie: les pour et les contre

On vit dans un drôle de monde où même ceux qui vendent des voyages nous disent de ne pas voyager.



La journée où le premier ministre François Legault intime aux habitants des zones rouges de rester chez eux pendant quatre semaines supplémentaires, je reçois un communiqué de presse de la British Columbia Hotel Association et de Tourism Vancouver Island, qui unissent leurs forces pour tenter de convaincre les snowbirds du pays de séjourner sur l’île la plus à l’ouest du pays. Le prix des forfaits au soleil n’ont pas été aussi bas depuis des lustres, mais l’incertitude, tous domaines confondus, n’a jamais été aussi élevée. Êtes-vous constamment tiraillé, vous aussi?

Oui, on aurait tous besoin d’être requinqués par des vacances au soleil et d’oublier les derniers mois. Oui, on les mériterait, ces moments de farniente. Oui, ça nous enrage de constater l’insouciance de certains alors qu’on se ramène constamment à la raison (et à la maison). Et oui, on ressent un grand sentiment d’impuissance en voyant les entreprises touristiques piquer du nez.

En contrepartie, on reste conscients de l’impact possible de la moindre incartade. On se dit que toutes les personnes vulnérables devraient pouvoir accéder à des soins adéquats si nécessaire, chose qui risque de se corser si le nombre de personnes atteintes de la COVID ne diminue pas. Que tout le monde mérite d’être en sécurité, toutes générations et classes sociales confondues, ici comme ailleurs. Que les vacances, c’est bien, mais rester en vie, c’est encore mieux…

Nous avons la responsabilité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter la transmission de ce foutu coronavirus, même si cela implique de se faire «bronzer» devant le petit écran cet hiver plutôt que sous les tropiques. Mais… Il y a tant de mais. On en a parfois plein le c** d’être bon élève pendant que d’autres chantent au karaoké ou font la fête comme à l’époque où notre présent aurait eu des allures de science-fiction. On trépigne, on piaffe, on rage: on se demande si tout cela vaut vraiment les efforts déployés.

La ligne jaune de nos vies a été remplacée par des points d’interrogation. On n’a aucune idée où la route nous conduira. On avance, on s’arrête, on recule. Tant de questions freinent nos élans! Surtout, il n’y a pas de «bonne» réponse. Pas encore. On avance à tâtons depuis des mois en cherchant «le moins pire». Une chose m’apparaît de plus en plus claire, cependant: on ne reprendra pas nos vies tout à fait là où on les a laissées.

En attendant, que faire quand on ne rêve que de s’éloigner de cette route pleine de brouillard? Pour vous aider à y voir plus clair, je partage avec vous la liste des pour et des contre que j’ai dressée par une nuit d’insomnie. Certains points pèsent bien sûr plus lourd que d’autres. Il me semble tout de même important de regarder la situation dans son ensemble.

Alors, pourquoi partir et pourquoi ne pas partir en vacances à l’extérieur du Québec en ce moment?

Pourquoi partir et pourquoi ne pas partir en vacances à l’extérieur du Québec en ce moment? Photo: Jorge Vasconez, Unsplash

Les pour:

- On en a bien besoin.

- On a travaillé fort.

- On les mérite, ces vacances.

- Les petits prix.

- Il y a beaucoup moins de touristes!

-  La flexibilité actuelle: on peut modifier ou annuler presque toutes les réservations.

-  Pour contribuer, à notre échelle, à améliorer le sort de ceux qui gagnent leur vie grâce au tourisme.

- Parce que certaines compagnies d’assurances couvrent maintenant la COVID. Que des voyagistes incluent même une assurance dans leurs forfaits (mais pour une durée limitée). Ou que des destinations, comme la République dominicaine, proposent un programme d’assistance médicale aux touristes, pris en charge par le gouvernement.

- C’est bon pour la santé mentale.

- On n’est pas éternel.

- Pour toutes les raisons qui nous incitent à partir habituellement: la grisaille, le froid, la curiosité, pour se récompenser, l’envie de découvrir une nouvelle culture, pour aller rendre visite à des amis ou à la famille...

Les contre:

- L’incertitude avec un grand I: on n’a aucune idée de ce qui se passera dans un mois... ni même dans deux jours. Des lieux peuvent fermer, des vols, être annulés… Tout peut changer, à tout moment.

- La quarantaine exigée au retour et, dans certains cas, à destination.

- Le gouvernement du Canada recommande toujours d’éviter tout voyage non essentiel.

- Si nous vivons dans une zone rouge, les déplacements vers un autre pays ne sont pas plus conseillés que ceux vers une autre région.

- Le gouvernement canadien a affirmé à maintes reprises qu’il n’y aura pas de vols de rapatriement si la situation redevient critique, la pandémie et ses conséquences étant maintenant connues de tous.

-  Les éventuels a priori envers des voyageurs qui arrivent d’un coin de pays montré du doigt pour son grand nombre de cas.

- Les petits caractères. C’est une chose de souscrire à une assurance, c’en est une autre d’être malade à destination. Les frais engendrés par une éventuelle hospitalisation liée à la COVID-19 pourraient-ils dépasser la couverture?

- Si les hôpitaux débordent, les assurances ne pourront pas faire de miracles. Le meilleur agent de voyages de la Terre non plus.

- On a bien besoin de vacances... mais tout le monde a besoin d’être en santé.

On a bien besoin de vacances... mais tout le monde a besoin d’être en santé. Monteverde, Costa Rica. Photo: Isabelle Juskova, Unsplash

Évidemment, la décision de partir ou non revient à chacun. Tout le monde n’a pas les mêmes contraintes, les mêmes responsabilités, ni la même résistance face au stress et à l’imprévu.

Si vous choisissez de voyager, assurez-vous toutefois de connaître toutes les modalités de vos réservations et les détails de vos assurances. Faites affaire avec un bon conseiller en voyages détenant un certificat délivré par l’Office de la protection du consommateur, qui pourra vous aider en cas de pépin avant et pendant le voyage (dans la mesure du possible, bien entendu). Si vous le pouvez, rendez-vous dans une clinique privée pour faire un test de dépistage (plutôt que de prendre la place d’une personne présentant des symptômes dans une clinique publique) avant le départ malgré les frais élevés et même si ce n’est pas obligatoire, en gardant en tête que la maladie peut se déclarer quelques jours après un contact avec une personne infectée. On espère que les essais effectués à Toronto et à Calgary au cours des dernières semaines conduiront à une démocratisation des tests rapides dans tous les aéroports au pays, mais cela pourrait prendre du temps.

Dans la mesure du possible, isolez-vous avant le départ et évitez les déplacements constants une fois à destination. Respectez les règles sanitaires, mais utilisez aussi votre gros bon sens. Faites-en plus que pas assez – pour vous, mais surtout pour les autres. Décrochez, oui, mais sans oublier le contexte actuel.

L’ultime question à se poser reste sans doute, selon moi: à la lumière de tout ce qu’on sait, mais aussi de ce qu’on ne sait pas encore, le jeu en vaut-il la chandelle? J’espère sincèrement que la réponse pourra pencher plus facilement vers le «oui» avant 2022.