La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Rêver Pétra

Les attentes entraînent souvent des déceptions. Et si je ne ressentais rien en me retrouvant devant le Trésor de Pétra, après tant d’années à en rêver?



D’abord, il y a le désert. L’ancienne cité nabatéenne a pour écrin les montagnes de ce désert rocailleux si souvent vu au cinéma. Puis, il y a la transition entre le monde moderne et un passé empreint de mystère, qui s’effectue dès qu’on pénètre dans la gorge. Sans les voiturettes de golf qui transportent des passagers pressés ou à mobilité réduite, j’aurais pu me croire dans un autre siècle.

Photo: Marie-Julie Gagnon

Est-ce parce qu’elle a longtemps échappé au regard du monde occidental que Pétra continue de fasciner autant? Ou qu’Indiana Jones l’a propulsée au panthéon des fantasmes de tout voyageur à l’âme aventurière? Peu importe: je sais, au moment où je m’avance vers le Siq, sentier jadis sacré qui mène jusqu’à Al-Khazneh (le Trésor), que je n’ai rien à craindre. Je ressens déjà tous les symptômes physiques d’un coup de foudre. On ne traverse pas Pétra: c’est Pétra qui nous traverse et secoue chacune de nos cellules.

C'est ici que les visiteurs se retrouvent devant le Trésor. Photo: Marie-Julie Gagnon

La bouche ouverte, suspendue entre deux mondes, je me dis que l’expression «à couper le souffle» est, pour une fois, tout à fait appropriée. Comment ne pas s’ébaubir devant cette étroite route dont chaque tournant intrigue encore plus que le précédent? Non seulement le site ne me déçoit pas, mais avant même d’arriver au Trésor, je suis persuadée qu’il occupera une place à part dans mon histoire de voyageuse.

Comment ne pas s’ébaubir devant cette étroite route dont chaque tournant intrigue encore plus que le précédent? Photo: Marie-Julie Gagnon

En louvoyant entre les falaises de grès, une évidence s’impose: ce site grandiose est chargé d’une énergie particulière. J’ai une pensée pour cet Européen déguisé en Bédouin qui s’est faufilé dans la ville antique au début du 19e siècle, quand seuls les nomades du désert connaissaient son existence. Le parcours de l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt, qui a étudié l’arabe pendant deux ans à Alep après s’être fait passer pour un marchand indien, est lui aussi des plus captivants. Carnet de notes dissimulé dans le turban, il a mémorisé la position des lieux antiques qu’il rêvait de retrouver et voyagé sans carte. Après avoir convaincu un guide de l’emmener dans la cité, il a raconté ne pas avoir demandé à visiter palais et tombeaux pour ne pas éveiller les soupçons. «Je conseille aux futurs voyageurs de visiter ces lieux sous la protection d’une troupe armée, a-t-il alors écrit. Les habitants, eux, devront s’habituer à voir défiler des étrangers avides de connaissances.»

Ce site grandiose est chargé d’une énergie particulière. Photo: Marie-Ève Blanchard

Alors que le sentier se fait de plus en plus étroit apparaît la roche sculptée maintes fois vue en photo. La gorge se resserre; la mienne aussi. Chaque pas me rapproche d’un rêve d’adolescence. Chaque pas me rappelle pourquoi j’aime tant voyager. Chaque pas me donne l’impression d’avaler le paysage par les yeux.

Peu avant l'arrivée au Trésor. Photo: Marie-Julie Gagnon

Encore plus impressionnant devant la paroi de 76 mètres, le Trésor est peut-être l’apogée d’une visite à Pétra, mais certes pas le seul point d’intérêt. La rue des Façades mène au cœur de la ville antique. Côté sud, on aperçoit l’opulence des tombes qui abritent les restes des fonctionnaires et autres gens bien nantis. Côté nord, celles des moins fortunés ont été abîmées par des siècles d’exposition aux vents et aux inondations.

Le Trésor de Pétra. Photo: Marie-Julie Gagnon

Bien qu’il arbore un style romain, le théâtre a été érigé bien avant l’arrivée de ces derniers. Les plus courageux – et moins enclins au vertige – grimperont l’escalier aux marches décrépites qui mène à une vue à 360 degrés. D’autres sillonneront les autres sentiers qui conduisent à des tombeaux, à la rue des Colonnades, au Grand Temple…

Photo: Marie-Julie Gagnon

Une toute petite journée pour explorer le site m’apparaît bien peu pour un territoire quatre fois plus grand que l'île de Manhattan. Je repars malgré tout avec la satisfaction de m’être approprié un petit bout d’histoire et d’avoir pu superposer la réalité au rêve, bien au-delà de mes attentes.

Tombeau d'Aneishu à Pétra. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pratico-pratique:

  • Bien qu’il soit recommandé de se rendre tôt sur le site pour éviter la cohue et profiter d’une meilleure lumière, peu importe le moment de la journée, le site reste impressionnant.
  • Il est possible de louer des voiturettes de golf (avec chauffeur) ou de parcourir les quelques kilomètres qui séparent l’entrée du Trésor à cheval. Des rabatteurs proposent leurs services à différents endroits sur le site.
  • Dans le cadre de ses croisières sur la mer Rouge, CroisiEurope propose une excursion d’un jour en français pour découvrir Pétra. Environ deux heures et demie d’autobus sont nécessaires pour accéder au site depuis le port d’Aqaba. Pour en savoir plus sur la croisière, par ici.
  • Google Street View propose une visite virtuelle franchement chouette!

J’étais l’invitée de CroisiEurope, qui propose des croisières sur la mer Rouge jusqu’en mars.