La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Expériences avec des animaux en voyage: où tracer la ligne?

Enfant, on a tous rêvé de nager avec des dauphins ou de monter un éléphant. Des séries comme Flipper et des histoires comme Dumbo l’éléphant ont laissé de fortes impressions chez plusieurs d’entre nous. Avec tout ce qu’on sait maintenant, devons-nous vraiment reléguer nos vieux rêves aux oubliettes?



Comme plusieurs, je me questionne beaucoup à ce sujet. Toutes les expériences impliquant des animaux devraient-elles être évitées? Comment résister à l’envie de prendre un paresseux dans ses bras? Et que dire des zoos, des refuges et des safaris?

Personnellement, je ne crois pas qu’il faille tout rejeter en bloc. Pour avoir par exemple visité le Zoo sauvage de Saint-Félicien des dizaines de fois et avoir visité ses coulisses à quelques reprises, je me sens à l’aise avec la manière dont les animaux sont traités, l’espace dans lequel ils évoluent et les missions d’éducation, de sensibilisation et autres projets de conservation mis de l’avant par le parc zoologique. Les frais exigés pour accéder à certains parcs africains dans le cadre d’un safari photo contribuent par ailleurs à protéger les animaux et leur habitat naturel. Par contre, prendre un animal sauvage dans mes bras ou participer à une activité où les animaux sont appâtés avec de la nourriture, pour moi, c’est non.

Ces lignes directrices que je me suis fixées sont cependant amenées à évoluer selon mes expériences et découvertes. Je regrette aujourd’hui d’avoir monté un éléphant en Thaïlande en 2001, mais à l’époque, personne ne semblait se poser de questions à ce sujet. Qui sait si, dans quelques années, une expérience qui me semble anodine aujourd’hui n’aura pas un goût amer?

«Je regrette aujourd’hui d’avoir monté un éléphant en Thaïlande en 2001.» Photo: Devaiah Mallangada Kalaiah, Unsplash

Je ne monte même plus de dromadaires, même s’ils sont utilisés depuis des siècles pour transporter des humains, tout comme des marchandises, parce que je ne me sens pas outillée pour détecter si l’animal est bien traité. PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) a notamment dénoncé le traitement des chevaux et des dromadaires en Égypte, où ils sont contraints de porter des touristes sur leur dos ou en charrette par une chaleur accablante, sans ombre ni eau.

Photo: Vaida Tamosauskaite, Unsplash

En Grèce, les ânes ont droit à un traitement similaire. Monté par les touristes et utilisé par les habitants des îles, l’animal est parfois maltraité par son propriétaire. Une vidéo dans laquelle on assiste à une telle scène a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux en 2018 et a contribué à dénoncer la situation. «Les ânes deviennent des machines: s’ils ne sont plus efficaces, on les jette», a rapporté France 24.

Les selfies avec des animaux

En 2017, la World Animal Protection a dénoncé la mode des selfies avec des animaux. Selon l’ONG, environ 40% des voyageurs interagissent de manière inappropriée avec ces derniers. Certains comportements ne sont pas seulement nuisibles à l’animal: ils peuvent aussi s’avérer dangereux pour nous. Des histoires de touristes attaqués par un fauve ou piétinés par des éléphants font régulièrement les manchettes.

L’ONG dénonce les agences qui emmènent des touristes vivre des expériences de ce type parce que les conditions dans lesquelles les bêtes sont gardées sont loin d’être toujours éthiques. Certaines entreprises vont même jusqu’à arracher des bébés paresseux, éléphants, tigres ou caïmans à leur mère. Sans parler de ceux qui sont gardés dans des espaces exigus et battus à la moindre occasion! Non, le touriste ne sait pas ce qui se passe quand il a le dos tourné…

La World Animal Protection a développé un «Code du selfie de voyage», qui donne quelques repères pour nous aider à tracer la ligne. En gros, quand nous sommes autorisés à toucher, tenir l’animal et qu’on l’attire avec de la nourriture, nous devrions passer notre tour. Mais quand il est loin, qu’il évolue dans son milieu naturel et qu’il n’entre pas en contact avec nous, c’est OK.

Je ne vous cacherai pas qu’il m’arrive parfois d’avoir de petits pincements au cœur. Lors de mon récent voyage en Australie, alors que j’étais complètement gaga devant les koalas aperçus dans leur milieu naturel, j’ai résisté à la tentation de me rendre dans l’un des endroits où il est possible d’en cajoler un, activité interdite dans certains États. En creusant un peu, j’ai ainsi découvert que comme pour les paresseux, le câlin d’un humain constitue une grande source de stress pour l’animal. Alors même si on me sort le classique «ils ont l’habitude» et autres arguments destinés à calmer notre conscience, je ne compte pas céder.

Il peut parfois être difficile de résister à l'envie de cajoler un koala! Photo: Jordan Whitt, Unsplash

À la lumière de ce que j’ai appris au fil des ans, il est aussi hors de question que je retourne nager avec des dauphins en captivité. Par contre, si je me baigne dans la mer et qu’ils s’approchent de leur plein gré, comme c’est arrivé à mon conjoint en Floride il y a quelques années, je ne me sauverai certainement pas!

P.S. – Non, ce n’est pas normal qu’un tigre se laisse caresser le temps d’une photo.

P.P.S. – Si le sujet vous intéresse, il faut voir le documentaire oscarisé The Cove, réalisé en 2009 par un ancien photographe de National Geographic, dans lequel on dénonce la pêche de 23 000 dauphins au Japon, destinés à être ensuite vendus à des aquariums ou à des boucheries. En 2018, la cinéaste japonaise Megumi Sasaki est retournée voir la petite ville où The Cove a été filmé et en a tiré le documentaire A Whale of a Tale. Ric O’Barry, l’entraîneur de Flipper, est pour sa part convaincu que le célèbre animal a intentionnellement bouché son évent pour mettre fin à ses jours à cause du stress subi par des années d’exploitation. (Merci à India Desjardins, qui m’a parlé de The Cove et du travail de sensibilisation de Ric O’Barry.)