La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

San Francisco-Los Angeles en train

Des sièges larges et confortables, même en classe économique. De grandes fenêtres qui nous donnent l’impression d’être aux premières loges des paysages traversés. Des passagers de différentes générations et aux accents variés. Bienvenue à bord du Coast Starlight, l’un des trains les plus mythiques des États-Unis.



Notre voyage débute sur des chapeaux de roues. Un autobus devait nous emmener de San Francisco à Emeryville, où le Coast Starlight fait escale. Mal informées, mon amie et moi nous retrouvons en panique dans un Uber vers Emeryville. Visiblement irritée par ces trop fréquentes méprises, l’agente d’information de la gare de San Francisco avait bien fini par nous indiquer où prendre l’autobus, mais le temps commençait à manquer. Et il n’est que 6h21…

Une fois là-bas, nous apprenons que le train a du retard. Nous partirons finalement trois heures après le départ prévu. Le temps de dénicher une bonne adresse où acheter des empanadas pour la route, de faire des provisions au dépanneur du coin et de regretter les précieuses heures de sommeil rognées pour arriver à l’heure.

En voiture!

L’embarquement se fait dans un certain chaos. Nous devons faire la file pour nous faire attribuer un siège. Le sympathique agent de bord nous indique où aller pour apercevoir l’océan.

À peine installée, je pars à la recherche du wagon-restaurant. Je traverse la voiture panoramique, où les sièges sont tournés vers les immenses fenêtres. Je réserve des places pour le souper. Le prix pour un repas trois services: 45$ US.

Le wagon panoramique, où les sièges sont tournés vers les immenses fenêtres. Photo: Marie-Julie Gagnon

En traversant les wagons pour retrouver le mien, j’observe les passagers. Qui est donc cette grande et jeune femme au style bien distinct? Ces messieurs à la barbe blanche qui papotent devant une bière? Ce couple disparate en est-il vraiment un?

Je fais un crochet par les toilettes avant de retrouver mon siège. Deuxième couac, après le retard: leur propreté. La poubelle n’a manifestement pas été vidée depuis le départ, à Seattle. Les autres toilettes visitées pendant le trajet m’inspireront le même dégoût. Heureusement, le confort des sièges me fait presque oublier cet inconvénient.

Sièges confortables même en classe économique. Photo: Marie-Julie Gagnon

Des champs de légumes aux champs pétrolifères

Jack London Square Station, en plein cœur d’Oakland. C’est l’autre gare la plus proche de San Francisco. Je perdrai rapidement le fil du trajet, aussi captivée par les conversations de mes voisins que par les bouts de vie glanés par la fenêtre.

Une maison et des champs. Photo: Marie-Julie Gagnon

Ici, des champs à perte de vue. Là, des maisons au milieu de nulle part. J’entends un homme raconter son divorce à une femme qui évoque ses problèmes de santé mentale. Un autre homme, à l’accent prononcé, discuter avec sa voisine, que j’avais prise pour son épouse en m’asseyant devant eux. Peut-être un futur couple?

Le paysage vallonné fait place à des points de vue vertigineux. Photo: Marie-Julie Gagnon

C’est environ une heure avant d’arriver à San Luis Obispo que le plus grand nombre de «wow!» fuse. Le paysage vallonné fait place à des points de vue vertigineux. Sommes-nous dans les Santa Lucia Mountains? Entre les montagnes et l’océan, la ville s’ajoute à ma longue liste de mes envies. Nous traversons des vignes et apercevons des vaches qui paissent le long de la voie.

D’étranges grues attirent mon attention. Tout autour, je vois apparaître le mot «oil» sur Google Map. Tout porte à croire que mes drôles de grues sont des pompes à huile de pétrole et que nous traversons un champ pétrolifère. Beaucoup moins pittoresque…

Tout porte à croire que mes drôles de grues sont des pompes à huile de pétrole et que nous traversons un champ pétrolifère. Photo: Marie-Julie Gagnon

Bon appétit!

Nous voilà à mi-chemin, attablées dans le wagon-restaurant. Comme c’est le cas dans plusieurs trains au long court, les tables sont partagées avec d’autres voyageurs. J’aime ces moments autant que je les redoute: on ne sait jamais sur qui on va tomber. Cette fois-ci, j’ai l’impression d’avoir gagné à la loterie du hasard. Le serveur invite la grande et jeune femme que j’avais repérée plus tôt dans le wagon panoramique à prendre place devant nous. Je n’avais pas remarqué ses piercings et ses tatouages. Ni qu’elle avait peut-être déjà été un «il». À moins que ce soit l’inverse? Elle se présente par son surnom – appelons-la S –, qui semble tout droit sorti d’un épisode de Degrassi.

Le wagon restaurant à San Luis Obispo. Photo: Marie-Julie Gagnon

Rapidement, la conversation prend une tournure intime. Elle a quitté New York quelques jours plus tôt pour entreprendre ce voyage spontané à travers les États-Unis. Son objectif: aller faire des graffitis dans différentes villes, dont Los Angeles, notre destination finale. «J’ai été battue par des policiers lors d’une manifestation à la suite de l’affaire George Floyd. Je viens de toucher 9000$ en dédommagement.»

Nous apprendrons qu’elle vivait alors dans la rue et que les manifestants sont nombreux, comme elle, à toucher d’importantes sommes après des abus des forces de l’ordre. Entre deux services – j’ai choisi le steak, sur sa recommandation, bof –, je l’aperçois glisser une bouteille de sauce piquante dans son sac. Impossible de ne pas esquisser un sourire devant son air faussement candide.

J’ai choisi le steak, bof. Photo: Marie-Julie Gagnon

À la gare de San Luis Obispo, les passagers peuvent descendre pendant quelques minutes. Le temps de croquer une scène de gare et je retrouve ma place à temps pour le dessert beaucoup trop sucré. À mon retour, S s’est évaporée.

La gare San Luis Obispo. Photo: Marie-Julie Gagnon

Où sommes-nous?

La géolocalisation de mon téléphone me donne une idée approximative des lieux traversés. Cette plage, aperçue avant que le soleil amorce sa descente? Celle de Santa Ynez River. Quand l’horizon s’enflamme sur la mer, mon iPhone m’indique être à Ocean Beach Park, puis à Lompoc, dans le comté de Santa Barbara.

Coucher de soleil à Lompoc, dans le comté de Santa Barbara. Photo: Marie-Julie Gagnon

À Santa Barbara, l’inévitable – et néanmoins horrible – chanson thème du soap des années 1980 portant le nom de la ville se met à jouer en boucle dans ma tête. Alors que la lumière se fait de plus en plus diffuse, je me promets de revenir ici aussi.

Il est près de minuit quand le train arrive à Los Angeles. Dans l’opulence de la gare Union, érigée en 1939, se jouent des scènes beaucoup moins télégéniques. Une femme agrippée à une poussette hurle à fendre l’âme. Des gens rôdent, l’air hagard.

L’opulence de la gare Union, érigée en 1939 à Los Angeles. Photo: Marie-Julie Gagnon

Les passagers sortent lentement, sans doute assommés par le voyage. Dehors, malgré toute la détresse du monde, la cité des anges nous ouvre les bras.

Informations pratiques:

  • Le voyage entier de Seattle à Los Angeles dure en théorie 35 heures et s’étire sur 2216 km. Le train traverse les États de Washington, de l’Oregon et de la Californie.
  • Le trajet entre San Francisco et Los Angeles s’effectue en une dizaine d’heures.
  • Coût du billet San Francisco-Los Angeles: 59$ US.
  • Le WiFi m’a semblé plutôt aléatoire. J’ai utilisé mes données pendant une bonne partie du trajet.
  • En plus des classes économique et affaires, il est possible d’opter pour une cabine dans des voitures-lits. Les wagons panoramiques sont en accès libres.
  • Porter Airlines proposera un nouveau vol direct entre Montréal et Los Angeles à compter du 27 juin 2024.

J’étais l’invitée de la San Francisco Travel Association. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.