Traverser le Canada en train!
Il est passé 1h quand nous montons à bord du Canadien à Toronto, trois heures après l’heure prévue. Malgré la fatigue, je suis excitée comme une puce. J’ai beau avoir traversé le pays une première fois il y a sept ans, je sais que ce voyage sera différent. Car l’essentiel de l’expérience du Canadien n’est pas d’imprimer un maximum de cartes postales dans sa mémoire, mais bien de partager ces instantanés avec des passagers des quatre coins de la planète.
La vie à bord est rythmée par les repas. L’aventure commence au petit déjeuner, le premier matin, alors que le serveur nous indique où prendre place dans la voiture-restaurant. Quelques minutes plus tard, un couple se joint à nous. Nous apprenons qu’ils sont originaires des Territoires du Nord-Ouest et qu’ils descendront à Edmonton, d’où ils entameront un road trip jusque chez eux. Au diner, nous causons voyage avec un couple de Caroline du Nord, et au souper, des Allemands nous confient avoir du mal à trouver des bières canadiennes qui correspondent à leurs goûts.
Le lendemain, je tente d’expliquer maladroitement à un couple de Néo-Zélandais en quoi la situation des Premières Nations canadiennes est différente de celles des Maoris chez eux. Plus tard, autour d’une partie de cartes, je réponds aux multiples questions d’un ado australien à propos de l’importance du français au Québec. Je ne sais pas combien de fois, d’ailleurs, je dois expliquer que ce n’est pas parce qu’on détient un passeport canadien qu’on maîtrise forcément la langue de Shakespeare dès l’enfance au Québec.
La vie à bord
Entre les repas, nous allons tantôt nous réfugier dans notre cabine, tantôt jouer au UNO dans le wagon commun. J’avoue apprécier particulièrement le confort de notre chambre pour deux, avec lits superposés. Nous disposons d’un lavabo et d’une toilette. La douche est partagée avec les autres passagers du wagon.
La première chose que j’ai demandée à l’agent de bord après avoir déposé les bagages? Garder les couchettes accessibles toute la journée. Normalement, ce dernier doit transformer la chambre en salon, redéployant les lits le soir venu. Le train ayant sur moi l’effet d’un puissant somnifère, il n’est pas question de quitter mon cocon tant que je ne me suis pas offert une bonne cure de sommeil! Les siestes sont nombreuses, les premières heures.
Des étapes et des retards
Le Canadien traverse le pays de Toronto à Vancouver (ou vice-versa) en quatre nuits et trois jours. Plutôt que d’acheter un seul billet, cette fois-ci, j’ai morcelé le trajet afin de pouvoir passer trois jours à Saskatoon, une ville que je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter. Si j’ai pris grand plaisir à ma découverte de la métropole de la Saskatchewan, je dois dire que l’expérience du Canadien marque beaucoup plus quand on ne quitte pas le train. Les liens tissés avec les autres passagers s’approfondissent au fil des jours, et l’enthousiasme fluctue, mais prend toujours le pas sur l’ennui.
Autre détail important à considérer: les fréquents retards. Les rails n’appartenant pas à VIA Rail, les trains de marchandises – dont les rails sont la propriété – ont priorité. Ainsi, le train se retrouve immobilisé sur la voie de contournement à maintes reprises pendant le voyage afin de laisser passer les trains de marchandises. De quoi faire tourner en bourrique les plus impatients! La situation peut irriter, particulièrement quand s’offrent des escales de quelques jours dans différentes villes. On ne sait jamais vraiment quand on arrivera... ni quand on partira.
Notre meilleur allié pour bien profiter du voyage: la capacité à s’adapter. L’état d’esprit est ce qui rendra l’aventure merveilleuse pour certains, et cauchemardesque pour d’autres. Mieux vaut enlever sa montre et se laisser porter par les événements et les rencontres que de voir ces arrêts forcés comme de pures pertes de temps. C’est le moment d’apporter ces livres qui traînent sur votre table de chevet depuis belle lurette et de télécharger cette série qui vous fait envie. Bien entendu, «l’écran» le plus intéressant reste tout de même la fenêtre! Ah! Et vous ai-je dit qu’il n’y a pas de Wi-Fi à bord et que les téléphones cellulaires ne captent aucun signal pendant plusieurs parties du trajet?
Les escales
Les arrêts, même très courts, permettent de changer d’air. À Hornepayne, en Ontario, nous marchons jusqu’à la gare construite en 1921 qui tombe en décrépitude. À Winnipeg, au Manitoba, nous explorons les environs de la gare – érigée par la même firme d’architectes que Grand Central, à New York – pendant deux bonnes heures.
Ayant eu l’occasion de visiter la ville à quelques reprises, je file me balader du côté du Musée canadien pour les droits de la personne, du marché de La Fourche, où l’on trouve à peu près tout, et du site historique national de La Fourche, géré par Parcs Canada.
À Saskatoon, nous arrivons en plein festival de jazz. L’atmosphère est à la fête. Construit par le Canadien Pacifique à l’époque du développement du chemin de fer, l’hôtel Delta Bessborough, où nous posons nos valises pour deux nuits, devient rapidement un point de repère. Si les quartiers Broadway et Riversdale me séduisent particulièrement, c’est le marché fermier qui me laissera la plus forte impression. C’est l’endroit où aller pour découvrir des produits locaux et manger en compagnie des locaux.
L’arrivée dans les Rocheuses est toujours soulignée par la symphonie des cliquetis d’appareils photo. Plus on s’approche des montagnes, plus il est difficile d’ignorer leur majesté. Alors on se poste à la fenêtre, la bouche ouverte, en se répétant à quel point on manque de vocabulaire quand les points d’exclamation se bousculent dans notre tête.
À Jasper, l’escale d’environ une heure donne immanquablement envie de revenir y passer quelques jours, voire plus. La charmante ville, dont le destin est aussi lié à l’histoire du chemin de fer, est encerclée de montagnes.
Puis, il faut se résigner: ce voyage aura une fin. Une fois en Colombie-Britannique, nous traversons la vallée de l’Okanagan et ses paysages désertiques par endroits. C’est dans le secteur que nous verrons un aigle survoler le train.
À l’approche de Vancouver, l’excitation reprend le dessus. Quel bonheur de retrouver cette ville entre océan et montagnes! C’est à ce moment qu’on doit dire au revoir à tous ces inconnus qui n’en sont plus. On se promet de recommencer. Les paysages ne changeront peut-être pas, mais notre regard, si.
Pratico-pratique :
- Il existe différents types de billets. En classe économique, on a droit à un simple siège comme dans les trains réguliers. En plus des cabines avec toilette et lavabo, on trouve des espaces collectifs avec lits superposés. Les prix varient bien sûr selon la période de l’année, la disponibilité et les promotions en cours.
- Les repas sont inclus si vous voyagez en cabine, tout comme les serviettes et la literie.
- Au menu, à bord: des plats variés, dont certains inspirés de produits des régions traversées. J’ai particulièrement aimé les œufs bénédictine, la chaudrée de palourdes et le carré d’agneau.
- À Vancouver, on trouve des hôtels de toutes les gammes de prix, de l’auberge de jeunesse à l’hôtel cinq étoiles. Cette fois-ci, j’ai opté pour le Pan Pacific Hotel, avec piscine et vue sur Coal Harbour, trouvé sur Hotels.com.
- La meilleure manière de repérer les bons prix pour effectuer cette traversée? En scrutant les rabais du mardi sur le site de VIA Rail.
Merci à VIA Rail, à Air Transat, qui offre trois liaisons entre Montréal et Vancouver pendant l’été, à Tourism Saskatchewan et à Hotels.com, grâce à qui ce voyage a été possible.