Mangez local 2 !: les 8 saisons du Québec

Deux ans après le premier tome de Mangez local !, la nutritionniste Julie Aubé récidive avec Mangez local 2 !, un livre alléchant qui permet d’harmoniser notre alimentation avec le rythme des «huit saisons» qui caractérisent le Québec agricole.

On le sent, la tendance, accentuée par la pandémie, est là pour de bon: «Il y a un enthousiasme collectif à se régaler des saveurs d’ici et à soutenir les gens extraordinaires qui vitalisent notre territoire», peut-on lire dans ce deuxième tome.

Si, dans son premier ouvrage, Julie Aubé prenait les lecteurs par la main pour les encourager à intégrer tranquillement plus d’aliments d’ici à leur menu, elle continue sa mission dans ce deuxième livre avec plus de recettes, de nouveaux trucs et des idées pour mieux se nourrir des saisons à l’année.

Huit saisons dans l’assiette

Pour répondre à cet intérêt grandissant pour les aliments d’ici, cette mordue du Québec sépare cette fois son livre en huit temps pour mieux coller à la réalité agricole qui, selon elle, propose «tout un monde entre le début d’une saison et la transition vers la suivante». Elle parle par exemple des têtes de violon ou des asperges du début du printemps, puis de la rhubarbe et des fraises qui sont là à la fin de cette même saison.

C’est au rythme de cette «valse à huit temps» que la nutritionniste partage ses trucs de conservation des aliments «de passage» afin qu’on les savoure à l’année, et propose ses idées pour les cuisiner. Gâteau aux prunes pour le «temps des couleurs», poireaux vinaigrette au «temps des grâces», pétoncles sur lait de maïs au «temps des sucres» et asperges façon tapenade au «temps des semis» font par exemple partie du menu de Mangez local 2 !.

C’est ainsi, au fil des pages, qu’on aura complété un autre tour du calendrier qui aura goûté ce que le Québec a de meilleur à offrir.

Le roman policier en Amérique française T.3: 2011-2020, Norbert Spehner

Compilé par la sommité Norbert Spehner, Le roman policier en Amérique française T.3: 2011-2020 met en valeur la très grande qualité (ainsi que la quantité) de l’édition du polar francophone au Québec.

À la découverte des auteurs d’ici

Il y a quelques années, j’ai animé un salon du polar afin de conseiller les lecteurs et les lectrices en fonction de leurs goûts et préférences. Quel plaisir de rencontrer des gens férus de polars, de romans policiers et de romans noirs! Toutefois, j’ai perçu combien la «littérature de genre» québécoise était très peu connue. On parlait à profusion du «polar qui vient du froid», puis des œuvres islandaises. Cette production foisonnante s’ajoutait aux romans policiers américains, anglais et français. Quelle déception pour un passeur littéraire fier de la littérature québécoise de constater qu’à part quelques têtes d’affiche comme Chrystine Brouillet et Patrick Senécal, les Québécois ne connaissaient pas, ou très peu, les auteurs d’ici et la qualité de leurs œuvres!

Cependant, comme le dirait un certain capitaine, «les sceptiques seront confondus»…, et de belle manière, par le troisième tome du panorama bibliographique compilé par la sommité qu’est Norbert Spehner.

Intitulé Le roman policier en Amérique française 2011-2020, l’ouvrage met en valeur la très grande qualité (ainsi que la quantité) de l’édition du polar francophone au Québec.

Dans cette suite aux deux premiers tomes, nous retrouvons la production des dix dernières années en Amérique francophone. Cela nous permet de profiter de l’opinion d’un expert sur les romans policiers, romans noirs et polars de cette deuxième décennie du 21e siècle. Ce spécialiste a rassemblé autour de chaque livre une série de chroniques et de critiques que l’on pourra également consulter. C’est comme disposer d’un libraire spécialisé pour nous tout seul. Et pas le moindre!

Que retrouve-t-on dans cet ouvrage?

Dans un premier temps, Norbert Spehner trace un portrait de cette décennie, non seulement sur les publications, mais aussi sur les principaux facteurs qui ont marqué les dix dernières années du monde du polar québécois.

On y apprend, par exemple, qu’il se publie une cinquantaine de polars québécois annuellement et que, selon l’auteur, une trentaine sont de calibre international.

Aussi, il nous donne des raisons d’être optimistes en faisant le tour des talents qui se sont révélés durant cette période.

À ce tour d’horizon, il ajoute la nomenclature des séries mettant en scène des personnages récurrents, des maisons d’édition, des prix et de la critique littéraire ainsi que les débuts de l’exportation des romans policiers d’ici vers l’Europe.

Dans les 280 pages suivantes, on retrouvera, par ordre alphabétique d’auteurs, la liste de leurs romans publiés au cours de la dernière décennie. Pour une bonne majorité des œuvres, Spehner nous résume l’intrigue; pour certains, il nous fait part de sa critique personnelle et il ajoute la liste des critiques publiées dans les journaux, les magazines ou les blogues.

De plus, pour ceux et celles qui voudraient se constituer une bibliothèque des titres majeurs de cette décennie, Spehner présente une trentaine de titres de romans sous le titre évocateur de «La Crème du Crime».

Pour garnir encore plus les étagères de votre bibliothèque personnelle, l’auteur a ajouté trois listes d’une dizaine de titres sur les «Scènes de Crime» des romans dont l’action se situe à Montréal, à Québec et dans les régions.

Dépassant la nomenclature des romans pour le lectorat en général, Norbert Spehner jette également un regard sur le polar destiné à la jeunesse, sur la bande dessinée, les séries télévisées, les films. Le tout est complété par certaines traductions en français de plusieurs auteurs canadiens-anglais.

Avant de parcourir deux index (une pour les auteurs et l’autre pour les critiques), nous retrouvons la liste des finalistes aux différentes distinctions et prix distribués au Québec.

Un outil précieux

En ce qui me concerne, autant comme critique que comme auteur, et encore plus comme lecteur, je nous considère chanceux de bénéficier de cette somme de travail immense sur un domaine qui passionne bien des lecteurs. À ma connaissance, bien peu de pays ont ce privilège immense de retrouver l’histoire et l’analyse critique de ses polars couvrant une décennie. Comme lecteur, je m’y réfère souvent, comme passeur littéraire, il me sert de référence et comme critique, eh bien, c’est mon instrument de travail au quotidien.

Comme les émissions littéraires se font tellement rares et que les nouveaux livres disparaissent des tablettes des librairies à une vitesse quasi indécente, ce recueil devient alors un carrefour où retrouver le roman qui nous a échappé lors de sa sortie ou un point de vue critique sur un livre disparu des présentoirs des nouveautés de nos librairies.

Posséder les trois tomes de ce panorama du roman policier en Amérique française, c’est tenir entre ses mains une partie importante de la littérature québécoise. Amateurs de polars, voici un outil précieux pour ne jamais manquer de bonnes lectures, et ce, sous la signature du meilleur connaisseur du roman policier au Québec.

Bonne lecture!

Le roman policier en Amérique française T.3: 2011-2020, Norbert Spehner. Illustré par Pascal Colpron. Éditions Alire. 2022. 487 pages

Vivre dans un moulin

On retrouve de plus en plus de presbytères et d’anciennes églises transformés en résidences. Les moulins à vent se font plus rares. Il en existe néanmoins un à Val-David. Tour du propriétaire.

Ne cherchez pas le moulin érigé sur les berges du ruisseau Doncaster dans les vieux livres d’histoire. Bien que son architecture s’inspire des années du régime français, sa construction ne remonte qu’à 1949.

Photo: Centris

On doit cet ouvrage insolite à une certaine Georgette Du Péré, née en 1907. L’artisane du cuir, qui a appris son métier auprès de son père dans le quartier Hochelaga à Montréal, souhaitait s’installer en montagne. L’entrepreneur général Hormidas Marinier a fait de son rêve une réalité.

Photo: Centris

Le bâtiment circulaire compte quatre étages, du sous-sol au grenier. L’extérieur est couvert de pierres des champs, qui ont été ramassées une par une le long des routes de campagne. La toiture, elle, se pare de bardeaux de cèdre. Les six pales du moulin tiennent bon, même si elles ne servent qu’à renforcer l’illusion et ne sont reliées à aucun engrenage.

Photo: Centris

Les planches de bois tapissent l’intérieur de la maison, lui donnant un air rustique.

Photo: Centris

L’artisan céramiste Michel Lavallée a effectué un travail de moine pour restaurer le moulin, laissé à l’abandon. Après l’avoir acquis en 2011, il a consacré trois ans à sa rénovation. Il a minutieusement conservé le cachet d’origine, mais s’est permis d’ajouter quelques éléments modernes, comme des planchers radiants.

Photo: Centris

Le moulin a aujourd’hui retrouvé son allure d’antan. Pour les curieux, il est présentement à vendre. Les détails sont ici.

L’Anneau, un nouveau symbole pour Montréal

Une œuvre monumentale transformera le visage du centre-ville de Montréal en juin prochain. L’anneau géant conçu par l’architecte-paysagiste Claude Cormier deviendra sans doute un emblème de la métropole.

23 tonnes et 29 mètres de diamètre: ce sont les dimensions impressionnantes de L'Anneau, l’installation qui flottera (littéralement) à quelques mètres au-dessus de l’esplanade de la Place Ville Marie dans quelques mois.

Quatre points d’attache et des structures émanant de l’anneau ancreront l’œuvre aux deux bâtiments qui le supportent. Image: claudecormier.com

Celle-ci sera suspendue en haut du nouvel escalier qui a été construit dans l’axe de l’avenue McGill College. Elle donnera d’un côté sur l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth et permettra d’apercevoir la croix du mont Royal de l’autre. Quatre points d’attache et des structures émanant de l’anneau ancreront l’œuvre immense aux deux bâtiments qui le supportent.

L’installation flottera (littéralement) à quelques mètres au-dessus de l’esplanade de la Place Ville Marie. Image: claudecormier.com

Le cercle en acier se taillera une place au centre-ville pour de bon, et non de façon temporaire comme c’est souvent le cas des aménagements urbains.

Le cercle en acier se taillera une place au centre-ville pour de bon, et non de façon temporaire. Image: claudecormier.com

Ivanohé Cambridge, propriétaire de l’esplanade, a confié ce mandat de 5 millions de dollars à Claude Cormier en décembre 2020. L’entreprise trifluvienne Marmen s’occupe pour sa part de sa fabrication.

L’œuvre sera doucement éclairée pour être visible de jour comme de nuit. Image: claudecormier.com

Comme le souligne Claude Cormier + associés sur leur site web, l’œuvre sera doucement éclairée dès septembre pour être visible de jour comme de nuit. «L’anneau dialogue[ra] avec la croix illuminée du mont Royal et les couronnements des édifices riverains. Cet effet de lune enrichi[ra] le ciel montréalais d’un symbole clair, franc, lisible», estime l’équipe.

L'Anneau sera suspendue en haut du nouvel escalier qui a été construit dans l’axe de l’avenue McGill College. Image: claudecormier.com

Claude Cormier n’en est pas à ses premières armes dans la métropole. L’architecte-paysagiste enjolive le quotidien des Montréalais depuis des années. On lui doit entres autres les boules multicolores sur la rue Sainte-Catherine Est, la cour du 1, square Phillips et le réaménagement de la frange nord du square Dorchester. L’esplanade et la forêt d’arbres roses du Palais des congrès font aussi partie de ses créations.

La dame de la rue des Messieurs, Jean Lemieux

Jean Lemieux, auteur de la série de polars mettant en scène l’énigmatique inspecteur André Surprenant, raconte, dans La dame de la rue des Messieurs, une superbe histoire d’amitié.

Thomas Schneeberge, 70 ans, joue du piano au café Prückel, à Vienne. Un peu désabusé, pensant à autre chose, il rejoint ses amis après ses deux prestations musicales de 55 minutes. Le passage des années laissant des traces, il endure de petits malaises, souffre d’une baisse de virilité, même si les occasions de l’éprouver sont tellement rares. La routine de ses journées cache cette angoisse d’une mort lente... et anonyme.

Michèle Dagenais, une touriste québécoise, l’écoute avec attention. Après la représentation, elle aborde le pianiste et lui demande s’il donne des leçons. «Seulement aux personnes qui n’ont pas d’ambition», lui répond-il. Une réponse qui convient à cette femme qui, adolescente, a interrompu sa magistrale interprétation d’un grand classique devant une salle médusée pour lâcher un tonitruant «fuck you». Mais qu’est-ce que cette touriste est venue oublier dans cette Vienne aux effluves d’un romantisme un peu suranné?

En 1770, à Bonn, en Allemagne, nait Ludwig van Beethoven, qui deviendra un des derniers éminents compositeurs du classicisme viennois. Vers 1805, cet immense musicien compose sa sonate pour piano no 23, qui sera connue comme l’Appassionata, une des pièces les plus difficiles techniquement. Parallèlement au développement de la relation entre Michèle et Thomas, on assiste à l’ascension du virtuose auprès des mélomanes autrichiens.

Voici les trois personnages principaux de cette histoire, une rencontre entre un pianiste en fin de carrière, une femme rebelle de 65 ans qui décide de tout quitter pour se retrouver et une sonate de Beethoven qui représente une montagne presque impossible à gravir sans faux pas.

Une mesure à la fois, on apprend le passé de Michèle et de Thomas. Assis autour du piano ou dans un café, chacun raconte et interprète les crescendos de leur vie qui les ont amenés vers cette amitié ou cet amour qui se développe en toute harmonie. Jusqu’à cette chute de la dame dans la rue des Messieurs, qui transformera leur lien.

Enfance passionnante, geste de rébellion, mariages malheureux ou abruptement terminés, le pianiste pragois et l’ex-jeune prodige du Plateau Mont-Royal se découvriront au fil des notes et de leurs révélations. Et tout cela s’achèvera dans un voyage vers un passé qui se rapproche. Un passé qui apparaissait si lointain.

«Ce nowhere en Europe et cette absurde escalade d’une sonate injouable participent de la même démarche: recoudre sa vie, rapprocher les berges de la plaie, exorciser le mal pour finir ses jours tranquilles, d’un seul morceau.»

Jean Lemieux, médecin et auteur de polars, nous offre un roman tout en nuances, un récit sur un sentiment qui se développe entre deux âmes en peine, en peine de leur passé et en attente de leur présent.

Même si La dame de la rue des Messieurs semble être composé sur une portée, il n’est nullement nécessaire d’être un grand connaisseur de musique pour en apprécier toutes les subtilités. De Beethoven à Jim Morrison en passant par Charlebois et Donald Lautrec, la musique est un personnage principal, mais aussi une orchestration qui rythme cette très belle histoire d’amitié entre Thomas et Michèle.

L’histoire de ces deux amoureux de la musique se dessine comme une balade dans le passé, et ce, dans un style à l’image de son auteur: une langue élégante et accessible, une poésie simple et imagée et un rythme savamment découpé pour maintenir l’intérêt du lecteur. Jean Lemieux possède une écriture nuancée et juste assez riche et complexe pour assurer une lecture fluide et tout en nuances.

La dame de la rue des Messieurs est un roman qui vous transportera ailleurs, que ce soit à Prague, à Vienne, et même à Québec, tout en laissant quelques notes de symphonie vous charmer. Ce roman de Jean Lemieux fête l’amitié, l’amitié entre deux êtres, mais aussi entre la littérature et la musique. Avec en prime, une bien belle histoire!

Bonne lecture!

La dame de la rue des Messieurs, Jean Lemieux. Éditions Québec Amérique. 2022. 191 pages