Retiens la vie, de Charles Aznavour

Je fredonne ses chansons par cœur, j’adore le timbre unique de sa voix, sa présence toute simple sur une scène; sa façon unique de camper une histoire en quelques couplets et quelques phrasés m’a toujours accrochée. Je n’ai toutefois pas encore lu sa trilogie biographique, qui a connu un succès de librairie, mais je termine tout juste son dernier livre, Retiens la vie, que j’ai parcouru avec un sourire et la même admiration pour cet homme qui a porté toute sa vie le destin de son peuple et travaillé sans relâche pour être tout simplement l’immense Charles Aznavour.

Ce n’est pas un grand livre, mais c’est, comme l’artiste, tout en simplicité et très riche de sens et de résonances. Il y parle brièvement et pudiquement de sa troisième femme, avec qui il vit depuis plus de 50 ans et qui préfère rester discrète. Il réfléchit à voix haute sur la réussite, le vieillissement, l’engagement, la xénophobie, les préjugés, les souvenirs, son statut d’artiste.

«Une star, moi? Vous voulez rire. Je suis un artisan consciencieux, qui souvent, vit l’angoisse du créateur [...]»

Le livre est parsemé de textes poétiques sur Bécaud, Johnny, Minelli ou Piaf, ou sur des émotions, des souvenirs.

«[...]
Laide Édith?
Mon Dieu!
Vous ne savez donc pas
Ce que la beauté veut dire
[...]»

D’autres pages recèlent de petits bijoux, des aphorismes ou de simples pensées, assez drôles et savoureuses:

«Quand je fais de l’insomnie, je me lève et je me raconte des histoires à dormir debout.»

Ou encore:

«Mon souhait pour l’avenir, c’est d’y être toujours présent.»

Et d’autres, plus sérieuses:

«Pour un seul homme
Qui peut instituer un régime tyrannique
Il en faut des millions pour le détruire.»

Aznavour parle également des préjugés, des méfiances et de l’ignorance de l’étranger et aborde, bien sûr, la tragédie arménienne qui a marqué le destin de son peuple et de sa vie. À 94 ans, Charles Aznavour reste combatif, continue d’interpeller, de questionner, de dénoncer, mais aussi d’espérer.

«Je le répète: s’il devait y avoir une suite à cette amorce de dialogue, je serais le premier à m’en réjouir et vous trouverez en moi ce fils d’une mère turque d’origine arménienne, heureux qu’enfin nos deux peuples se retrouvent sur le chemin de la compréhension, de l’amour et de la paix.»

Et pour le plaisir des mots, comme une sortie de scène en cabrioles, il nous laisse en fin de livre un florilège d’épitaphes assez amusantes:

«Celui qui dort sur son magot
Ne peut jamais dormir sur ses deux oreilles

Pour un compositeur "Je décompose"

Le poète  "À quoi servent ces vers qui ne riment à rien"»

J’ai lu son livre en pensant aux longues conversations avec Farid, un ami du Liban, qui lui vouait un véritable culte tant comme musicien que comme parolier. Il aurait aimé ce livre. Et si vous aimez Aznavour, vous y trouverez sans doute plaisir aussi.

En prime pour les fans, une émission de radio sur France Inter en décembre 2107 avec le chanteur et auteur.  À 94 ans, les occasions d’entendre Aznavour se raconter seront de plus en plus rares...

Pour écouter l'émission cliquez ici .

Raillé pour son physique et sa voix à ses tout débuts, Charles Aznavour a derrière lui 84 ans d’une carrière débutée comme enfant comédien. Il a conquis le monde avec ses chansons, mais il n’a pas l’intention d’en rester là. En décembre 2017, il faisait Bercy à Paris et entamait une tournée française avec encore de nouvelles chansons dans ses poches. Il est l’auteur de plusieurs livres autobiographiques, également publiés chez Don Quichotte: À voix basse, Tant que battra mon cœur et D’une porte à l’autre: souvenirs.

alt="retiens-vie-Aznavour"

Retiens la vie, Charles Aznavour, Éditions Don Quichotte, novembre 2017, France, janvier 2018, Canada, 144 pages, 24,95$.

L’Oasis d’Aboukir à Paris, le mur végétal chouchou des réseaux sociaux

En plein cœur du 2e arrondissement de Paris se dresse un mur végétal haut de 250 mètres. Baptisé l'Oasis d'Aboukir, cet espace de 250 mètres carrés compte 7600 plantes de 237 espèces différentes. Depuis son inauguration en 2013, ce lieu attire locaux et touristes, dont les photos suscitent bien des «oh!» et des «ah!» sur les réseaux sociaux.

Ficus, fuchsias, bergénias, géraniums… les plantes de l’Oasis d’Aboukir sont variées et changent de couleurs au fil des saisons, pour le plus grand plaisir des yeux. Cette création de Patrick Blanc, botaniste et inventeur du mur végétal, ne manque pas d’attirer l’attention. Depuis son aménagement en 2013, il est passé d’un mur de «pousses» à un espace végétal dense et touffu, ce qui le rend encore plus attrayant.

Le mur végétal en pleine croissance. Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir
Le mur végétal en pleine croissance. Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir

Ce projet répondait à une commande de la Ville de Paris, qui répondait elle-même à la demande d’un particulier. En effet, c’est le propriétaire du 83, rue d’Aboukir qui a d’abord contacté le maire de son arrondissement afin de savoir ce qu’il était possible de faire pour redonner un peu de «pep» à son quartier, laissé dans un triste état depuis le déclin de l’activité textile.

Photo: Facebook Paris sera toujours Paris
Photo: Facebook Paris sera toujours Paris

Le 83, rue d’Aboukir, situé à l’angle de la rue des Petits Carreaux, s’est avéré l’endroit idéal pour une opération charme. En plus du mur végétal, une petite place piétonne a été aménagée afin de permettre aux passants de savourer la beauté de l’endroit en toute quiétude.

Vu de l'intérieur, c'est pas mal non plus! Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir
Vu de l'intérieur, c'est pas mal non plus! Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir

Œuvre d’art en soi, le mur de Patrick Blanc est devenu une «véritable nouvelle star dans le quartier».

Comment ne pas s'extasier devant cette merveille? Photo: Guilhem Vellut, Flickr
Comment ne pas s'extasier devant cette merveille? Photo: Guilhem Vellut, Flickr

Un entretien quotidien… et coûteux!

Qui dit plantes dit arrosage. L’Oasis d’Aboukir est dotée d’un système d’arrosage quotidien qui se déclenche automatiquement toutes les 4 heures. À cela s’ajoute la coupe, de deux à trois fois par année, qui, elle, nécessite une nacelle élévatrice. Selon Maison à Part, le prix pour l’entretien annuel du mur végétal tournerait autour de 125 000 euros.

Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir
L'entretien de l'Oasis d'Aboukir nécessite une nacelle élévatrice. Photo: Facebook L'Oasis d'Aboukir

Une réunion près de la mer de Marie-Claire Blais

Avec Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais signe et conclut le dernier volet de la série Soifs, titre du premier volet paru en 1995. Pour fermer la boucle, l’auteure réunit, dans ce dixième roman de la série, tous les personnages qui ont jalonné les neuf romans déjà parus et situe l’action sur cette île où Renata, Daniel, Fleur et Carlos ont vécu des pans de leur histoire.

Pas facile d’aborder l’écriture de Marie-Claire Blais, et ses phrases qui s’étirent infiniment sur plusieurs pages, comme le flot anarchique des pensées et des événements qui s’enchaînent dans nos vies, parfois sans direction, mais avec un fil conducteur unique. Pour le lecteur non avisé, c’est carrément essoufflant, presque anxiogène; l’œil cherche une pause dans cette prose tapissée sur toutes les pages. Un point, un point-virgule, un début de paragraphe, un chapitre, le lecteur cherche un repère, une halte pour reprendre son souffle. Mais impossible, la phrase, immense, continue sa course, comme la vie des personnages et comme le fil de l’actualité qui se déroule en fond de toile et percute leurs vies entre des virgules qui ne vous laissent jamais détourner l’attention. Mais malgré ce jet continu, cette coulée de mots, l’écriture, elle, demeure puissante.

 

(…) comme s’il eut deviné les pensées de Daniel à l’égard de Suzanne, quand Daniel répondit de deux voix incomparables, en littérature, nous n’allions entendre qu’une seule, celle de l’homme, d’Adrien, Daniel regrettant aussitôt de s’être si franchement exprimé, quand Suzanne semblait encore commander en lui le silence et la pudeur, quant à son œuvre de poète qui serait selon elle impropre à la publication, même si on avait déjà publié de ses livres, elle n’écrirait plus, expliquait-elle à Daniel, non, non, mon petit Daniel, lui avait-elle dit, je laisse cette tâche à Adrien, qui écrit mieux que moi, et pendant ces heures privilégiées où Daniel, autrefois, déjeunait avec Suzanne sur les terrasses près de la mer, la vie s’était écoulée de seconde en seconde, pensait Daniel, il savait que désormais il ne pourrait plus s’écrier en prenant les mains de Suzanne dans les siennes, vous écrirez encore, vous ne cesserez jamais d’écrire, il n’était alors qu’un jeune homme vénérant la maturité dans l’écriture de Suzanne, et la nature voluptueuse et charmante d’une femme qui le dépassait en âge et en connaissances, et dont la présence, en ces jours où il écrivait son premier livre, était l’accompagnement d’un ange, (…)

 Si vous avez lu Soifs et les autres titres de la série, vous aimerez Une réunion près de la mer. Si vous n’avez pas fréquenté Marie-Claire Blais, à part Une saison dans la vie d’Emmanuel, paru en 1965, alors mieux vaut commencer la série par le premier titre, Soifs.

Recluse dans ses terres à Key West, où elle vit depuis de très nombreuses années, à l’abri de la vie publique dont elle a horreur, Marie-Claire Blais n’en reste pas moins branchée sur le monde qui l’entoure. Son parti pris pour les sans défense et les reclus de la société, que les soubresauts du monde ébranlent, teinte toute la série. En 1995, dans Soifs, les personnages évoluaient sous les contrecoups de la menace du sida, sur les drames des boat people. Dans Une réunion près de la mer, on retrouve encore une fois les crises du siècle qui ont secoué et secouent encore l’humanité dans lequel évoluent les personnages. Changements climatiques, terrorisme, Shoah, horreurs d’Auschwitz, Tchernobyl, tireurs fous, le monde traverse ses chaos qui, à leur tour, traversent les personnages.

À 78 ans, Marie-Claire Blais a toujours la même vigueur et vigilance dans l’écriture, mais cette magistrale écrivaine, lauréate de nombreux prix, reste un peu mystérieuse et difficile d’accès, tout comme son écriture, sauf, bien sûr, pour les conquis…

Marie-Claire Blais a publié son premier roman, La belle et la bête, en 1959. En 1965, paraît à Montréal Une saison dans la vie d’Emmanuel, qui propulse la jeune écrivaine. Le livre paraît à Paris en 1966 et remporte le prestigieux Prix Médicis. Considérée comme une des grandes écrivaines de sa génération, elle a reçu de très nombreux prix littéraires, dont plusieurs fois celui du Gouverneur général. Elle est membre de l’Académie royale de Belgique.

alt="Blais"

 

Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais, Éditions du Boréal, janvier 2018, 288 pages 29.95$

Place à la cuisine coréenne

Les XXIIIes Jeux olympiques d’hiver qui se déroulent en Corée du Sud sont une belle occasion de mettre la cuisine coréenne (encore davantage) «sur la mappe».

On la décrit comme étant simple et épicée, à base de piment, d’ail, de légumes et de fruits de mer. On dit que pour la déguster, on dépose souvent les plats au milieu de la table, afin de partager et pouvoir alterner les goûts. Parmi les spécialités de cette cuisine, on retrouve le kimchi, composé de légumes fermentés avec du piment fort dans des pots de terre, et qui accompagne tous les repas. On parle aussi souvent du bulgogi, qui désigne du bœuf ou du porc mariné puis grillé, du bibimbap, un bol de riz auquel on ajoute de la viande, des légumes et des œufs, et du gimbap, des rouleaux de riz entourés d’algues et qui auraient, semble-t-il, inspiré les sushis.

Le bibimbap du restaurant GaNaDaRa. Photo: Facebook Restaurant GaNaDaRa
Le bibimbap du restaurant GaNaDaRa. Photo: Facebook Restaurant GaNaDaRa

La cuisine coréenne en vedette

Partout dans le monde, la couverture médiatique en lien avec cette cuisine est en croissance depuis le début de la nouvelle année.

Ici, la fin de semaine dernière, sur la première chaîne de Radio-Canada, à Samedi et rien d’autre, Philippe Mollé a consacré sa chronique à la nourriture coréenne en évoquant les fameux barbecues coréens, la cuisine de rue et autres spécialités. Quelques heures plus tard, On n’est pas sorti de l’auberge a fait une place à la youtubeuse An Tran afin qu’elle dévoile les secrets de cette cuisine. Elle y parle entre autres de poulet frit, du fameux kimchi et de l’aspect communautaire de cette cuisine.

Goûter la Corée

Même sans billet d’avion, il est possible de savourer les spécialités coréennes. Le choix est vaste à Montréal, où on estime qu’il y a plus de 70 restaurants servant cette cuisine. Il faut dire que notre pays compte plus de 250 000 Coréens, qui ont apporté avec eux leur culture, dont la cuisine fait partie.

Grand chouchou des étudiants de l’Université Concordia selon la youtubeuse An Tran, le GaNaDaRa vaut le détour pour sa nourriture goûteuse et ses petits prix. De son côté, le nouveau restaurant Petit Séoul, sur Saint-Laurent, ravit les critiques gastronomiques. Les saveurs coréennes se rendent même jusqu’à Rimouski, où Migyeong Kim offre un peu de son pays grâce au restaurant Parfum de Corée.

Maintenant, tous à nos bibimbaps pour se mettre dans l’ambiance des Jeux!

Les assiettes du restaurant Petit Séoul ravissent les critiques gastronomiques. Photo: Facebook Le Petit Séoul
Les assiettes du restaurant Petit Séoul ravissent les critiques gastronomiques. Photo: Facebook Petit Séoul

Idola Saint-Jean, l’insoumise de Marie Lavigne et Michèle Stanton-Jean

L’excellente biographie Idola Saint-Jean, l’insoumise, que signent Marie Lavigne et Michèle Stanton-Jean, est un devoir de mémoire envers cette femme dont on connaît parfois le nom, mais guère l’histoire, et qui a lutté, tout au long de sa vie, pour les femmes du Québec. Car il faut bien le dire, l’Histoire et ceux qui la racontent ont pendant bien longtemps négligé, parfois ignoré, l’apport des femmes à la société.

Si vous pensez que la déferlante du #moiaussi a bouleversé la sphère sociale, imaginez ce qu’il en était de l’époque des suffragettes! De ces femmes qui, pendant parfois des décennies, ont fait la manchette pancarte au poing, réclamant le droit de vote pour les femmes. Pendant plus de 30 ans, Idola Saint-Jean se battra aux côtés d’autres femmes pour que les femmes obtiennent, notamment, le droit de vote. Après la victoire à Ottawa en 1918, elle vivra la cuisante défaite à Québec en 1922.

Mais elle ne baisse pas les bras et continue la lutte. Il faudra près de 20 ans de rebuffades, de tentatives échouées, de luttes quotidiennes auprès de toutes les instances pour que, finalement, en 1940 (à l’exception des femmes autochtones qui ne l’obtiendront qu’en 1969), les femmes du Québec obtiennent enfin leur droit de vote! Idola Saint-Jean a la victoire calme et humble, racontent ses biographes, elle sait que d’autres luttes restent à mener pour que les femmes cessent d’être subordonnées aux hommes, au travail comme dans la vie privée. En 1944, les Québécoises votent pour la première fois. Idola Saint-Jean dépose son bulletin avec émotion. Elle ne profitera pas longtemps de cette victoire, puisqu’elle s’éteint le 9 avril 1945.

Mais on ne peut pas résumer la vie et l’apport d’Idola Saint-Jean à la seule lutte pour le droit de vote. Publiée chez Boréal, la biographie, très bien écrite, raconte toutes les luttes de cette femme indépendante, autonome, qui a bravé les tabous et les interdits. Elle est de toutes les causes féministes et utilise toutes les tribunes pour faire évoluer les mentalités, promouvoir le féminisme et défendre le droit des femmes à l’égalité et à la liberté.

«Ni religieuse ni mariée, elle est une femme autonome qui se construit une carrière professionnelle hors des sentiers battus et assure seule sa subsistance. Comédienne, gardienne de la langue française, journaliste, militante, gestionnaire avertie de ses biens, Idola est une self-woman made. Par ses écrits et ses interventions radiophoniques, c’est la féministe la plus connue et la plus redoutée de son époque. Mais surtout, c’est une femme insoumise.»

Imaginez si elle avait eu les réseaux sociaux à sa portée! J’aurais certes été la première fan de sa page Facebook et j’aurais suivi, avec passion, un blogue qu’elle aurait signé et qui n’aurait pas manqué d’être provocateur et revendicateur. Qu’aurait-elle pensé du #moiaussi… ? Elle aurait sans doute été ravie de voir tout le chemin parcouru, et déterminée à franchir celui qu’il reste à parcourir.

alt="idola-saint-jean"

Idola Saint-Jean, l’insoumise, Marie Lavigne et Michèle Stanton-Jean, Éditions du Boréal, Octobre 2017, 384 pages – 32,95$