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17 mai 2022Auteure : Emilie Laperrière

Une mode, la densification?

Le ministre des Transports François Bonnardel a créé une onde de choc dans le milieu municipal en qualifiant la densification de mode. Qu’est-ce que ça implique, au juste, la densification? Et quels visages peut-elle emprunter? Tour de la question.



En opposition à l’étalement urbain, la densification consiste à augmenter le nombre d’habitants par kilomètre carré dans un espace donné. Cette façon de faire permet de lutter contre les changements climatiques, en rapprochant les habitants de leur lieu de travail tout en réduisant la dépendance à l’automobile.

Le directeur général de l’organisme Vivre en Ville va plus loin. Dans une prise de position sans équivoque publiée le 14 avril dernier, celui-ci affirme que «sauf exception, s’opposer à la densification revient à se placer dans le camp de la destruction de la nature. C’est être pour les changements climatiques».

Il souligne que «construire compact égale nature intacte». En effet, pour éviter de détruire des milieux naturels et des terres agricoles, on n’a pas le choix de densifier les espaces urbains.

La ville dense constitue aussi une solution à la crise du logement. Le manque criant de logements abordables, mais aussi de logements, tout court, fait grimper le prix des habitations. Cela démontre d’ailleurs le caractère incontournable de la croissance des villes.

La densification permet en plus aux villes de rentabiliser leurs investissements en transports en commun et en infrastructures. Les citoyens y trouvent également leur compte: les quartiers compacts offrent une meilleure qualité de vie et des services de proximité. Ils deviennent attrayants, complets.

Et contrairement à ce que semble croire François Bonnardel, la densification n’implique pas toujours des tours de 12 étages. Voici trois différentes manières d’y parvenir.

Photo: Etienne Delorieux, Unsplash

Densification invisible

Densifier sans que ça paraisse? Oui, c’est possible. On parle alors de densité invisible. Cette approche intègre davantage de ménages dans les immeubles existants d’un quartier. Elle peut prendre la forme d’un nouvel appartement dans une maison en rangée ou d’une unité locative au sous-sol d’une maison familiale.

C’est ce qui s’est passé dans le quartier Kitsilano, à Vancouver. Les vastes résidences ont été morcelées en deux, trois voire cinq adresses. Le changement s’est d’abord fait illégalement, puis avec l’approbation de la Ville.

Ici, les grandes maisons, comme on en retrouve dans les quartiers cossus de Montréal, pourraient se subdiviser en petits appartements, très discrètement.

Photo: Etienne Delorieux, Unsplash

Densification cachée

Les unités d’habitation accessoires, comme un pavillon dans la cour ou une «maison de ruelle», entrent dans la densification cachée. Le nom vient du fait que ces unités secondaires, nichées derrière la maison, mais accessibles par la rue, permettent d’accroître la population d’un quartier sans le défigurer.

Ces appartements complets peuvent entre autres être utilisés par les personnes âgées de la famille, les enfants adultes ou les proches aidants. La densification cachée favorise ainsi la cohabitation multigénérationnelle.

Le pavillon secondaire pousse un peu partout aux États-Unis, en Colombie-Britannique et en Ontario. Certaines municipalités québécoises, comme Mont-Saint-Hilaire et Sainte-Catherine, ont autorisé sa construction.

On peut en outre agrandir les logements, en permettant par exemple l’ajout d’une annexe aux bâtiments.

Cette charmante demeure d’inspiration scandinave de 950 pieds carrés est située dans une cour arrière de Saint-Lambert. Photos : Maxime Brouillet

Densification douce

La densification douce peut s’appliquer de différentes manières. On peut envisager l’ajout d’un seul étage aux bâtiments déjà construits. Remplacer les maisons unifamiliales par des maisons en rangée, des duplex ou des triplex. Transformer une ancienne manufacture en plusieurs logements.

Ce genre de densification risque évidemment d’avoir un impact sur le visage des quartiers. C’est pourquoi elle doit être réalisée de façon réfléchie et s’adapter au milieu dans lequel elle s’insère. Surtout, elle doit offrir aux citoyens des aménagements mixtes, attrayants et verts, qui donnent envie d’y vivre.

Dans tous les cas, il faudra attendre de voir la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, qui devrait être dévoilée bientôt, pour connaître l’importance qu’accorde le gouvernement à la question.