Livres de la semaine
Le syndrome de takotsubo de Mireille Gagné
Avec sa plume, elle sculpte les mots en une fine ciselure qui donne une poésie chantante comme le ressac du fleuve, comme les oies blanches qui volent et meurent entre les lignes de ses poèmes. C’est cette finesse d’écriture, que j’avais aimée dans ses poèmes, que j’ai retrouvée dans ce recueil de nouvelles que signe Mireille Gagné et dont le titre, Le syndrome de takotsubo, n’a rien de banal. Pas banales, non plus, les 17 nouvelles, car si son écriture est aussi fine qu’une dentelle, rien n’est naïf ni dans le propos ni dans le choix des mots.
Le titre donc. Le syndrome de takotsubo, aussi appelé «syndrome du cœur brisé», a été initialement observé dans les années 1990 par des cardiologues japonais. Cette condition se définit par une forme rapide et transitoire de défaillance cardiaque aiguë, déclenchée par un stress, émotionnel ou physique, intense. À l’échocardiographie, elle se distingue par une ballonisation ventriculaire qui ressemble au takotsubo, mot désignant les pièges à goulot étroit servant à capturer les pieuvres.
Vous pouvez chercher sur les sites médicaux, Mireille Gagné dit vrai. Le syndrome de takotsubo existe bel et bien. Et c’est bien de cœurs brisés entre deux battements de vie et d’ailes dont il est question dans ses nouvelles. Des cœurs qui se brisent tout doucement ou avec fracas. On pourrait dire qu’il est beaucoup question de mort dans ces textes, il est surtout question de la fragilité de la vie, de l’âme et du cœur. Comme celui de ce veuf qui cherche l’image de sa femme à ses côtés et dont le cœur a pris la forme d’un takotsubo.
Comment un cœur en explosant peut-il faire autant de blessés?
Une femme tue son mari et meurt à son tour sous la sentence exécutée par le bourreau. Un transgenre se retrouvera aussi devant le bourreau. Une femme reçoit un diagnostic comme une sentence de mort, s’enfuit pour aller mourir dans la beauté, car comme elle dit sur la carte postale qu’elle a laissée: «Pour survivre, il faut vivre.»
Comprenez-moi bien, je n’aime pas les romans noirs jonchés de cadavres et de sang. Mais s’il est beaucoup question de mort, de bourreaux et de fuite dans les nouvelles de Mireille Gagné, il est aussi beaucoup question de vie, de ces instants précis où tout peut basculer, se fracasser, comme un cœur brisé. Mais il ne se brise pas toujours, il suffit parfois de s’approcher de l’abîme et de choisir de ne pas tomber, comme Gaétan, qui «ressent enfin de la joie».
Bon, vous l’aurez deviné, j’ai beaucoup aimé. Mireille Gagné est une fine plume, à lire et à découvrir. Sans compter que j’aime bien ce genre littéraire. Les nouvelles comme la poésie sont des bouchées de littérature à déguster comme des chocolats raffinés, un à la fois, au gré du temps.
Le syndrome de takotsubo, Mireille Gagné, Éditions Sémaphore, novembre 2018, 116 pages 17,95$
Lire notre texte sur le dernier recueil de poèmes de Mireille Gagné, Minuit moins deux avant la fin du monde.
Poète et nouvelliste, Mireille Gagné vit à Québec, où elle travaille dans le milieu culturel. Elle a publié trois recueils de poèmes aux Éditions l’Hexagone: Les oies ne peuvent pas nous dire (2010), Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas (2015) et Minuit moins deux avant la fin du monde (2018). Elle a également publié le recueil de nouvelles Noirceur et autres couleurs aux Éditions Trampoline (2010).