27 août 2020Auteur : Claude Deschênes

Robert Blondin. Pluriel de Luc Gonthier

On parle toujours des mêmes personnes dans les médias. C’est tellement plus facile, pas besoin d’expliquer qui elles sont puisqu’elles sont connues. Moi, j’aime le défi de faire connaître des gens qui sont moins dans la lumière. C’est pourquoi je veux vous entretenir de Robert Blondin, qui fait l’objet d’une biographie publiée aux éditions Somme toute. Même si cet homme cumule plus de 60 ans de carrière dans le monde des communications, il n’a pas la notoriété d’un Jacques Languirand ou d’un Joël Le Bigot. Et pourtant!



Ce relatif anonymat n’a pas empêché Luc Gonthier de raconter sa vie, de sa naissance à Magog en 1942 jusqu’à l’écriture des biographies de Gilles Duceppe (Bleu de cœur et de regard, Hurtubise, 2017) et Marcel Sabourin (Tout écartillé, Somme toute, 2018), en passant par ses débuts comme annonceur à New Carlisle en Gaspésie et une carrière de 37 ans à Radio-Canada, essentiellement comme réalisateur.

«Peu importe qui vous êtes, je fais le pari que sa vie vous étonnera…», écrit Luc Gonthier dans son prologue, convaincu du potentiel de son sujet. À preuve, il a titré son livre Pluriel à cause des multiples facettes de ce personnage qui ne cesse en effet de nous étonner au fil des 200 pages du bouquin.

Si vous avez beaucoup écouté la radio de Radio-Canada les soirs de semaine et de fin de semaine, de 1970 à 1990, le nom de Robert Blondin vous est familier. Lecture de chevet, Chers nous autres, La grand’jase, Le voyage, Le bonheur, L’aventure sont autant d’émissions où il a officié.

Les concepts qu’il imagine ont toujours l’heur de bousculer la tradition radio-canadienne, autant dans les sujets traités que dans la manière de les amener en ondes.

En 1978, le réalisateur Blondin sort son duo d’animateurs (Michel Garneau et Armande Saint-Jean) des studios feutrés de la Maison Radio-Canada pour leur faire animer La grand’jase, six heures de radio, en direct du Grand Café, rue Saint-Denis, devant un public pas toujours docile. En 1984, à l’occasion de la Transat-Tag Québec-Saint-Malo, c’est d’un bateau qu’il produit son émission Mer et monde, une première à Radio-Canada. En 1992, il donne la parole aux hommes dans Entr’hommes, concept développé avec le psychanalyste Guy Corneau, une série qui mènera à la création du Réseau Homme Québec, un mouvement par la suite exporté en Europe.

Ses émissions très axées sur la pensée et la réflexion plaisent à la CRPLF (Communauté des radios publiques de langue française), pour qui il fera entre autres Cartier, un opérock pour souligner les 350 ans de Montréal.

Luc Gonthier ne s’intéresse pas qu’aux faits d’armes de l’homme de radio, il aborde ses échecs, recense ses contributions au monde du cinéma (on le retrouve au générique de films de Jacques Godbout, Alain Chartrand, Marcel Simard, et plusieurs autres), et à la littérature (quatre romans, huit essais, deux biographies).

Son portrait évoque aussi Blondin le peintre, le flûtiste, le navigateur, le plongeur, l’éleveur de lapins en Estrie, le fondateur d’une commune à Westmount. On est pluriel, ou on ne l’est pas! Sans complaisance, il traque aussi les forces et les faiblesses de cet excessif en tout, leader naturel qui doute, jaloux qui butine, père paternaliste, épicurien qui vit mal avec son poids.

Si ces quelques bribes ne suffisent pas à vous convaincre que Pluriel mérite d’être lu sur le seul nom de Robert Blondin, sachez aussi que sa vie est traversée de noms connus qui ajoutent à l’intérêt du récit: Juliette Béliveau, avec qui il a partagé la scène, la chanteuse Louise Forestier, qu’il a presque mariée, l’humoriste Pierre Légaré, qui est un fidèle ami depuis le projet Cartier, Boris Cyrulnik, qu’il a contribué à faire connaître des Québécois, et bien sûr l’animatrice Sophie-Andrée Blondin, qui l’a fait grand-père.

Ouais, pas banale, sa vie!