Jocelyne Cazin: On s’améliore ou on se détériore…

Me voilà assise à ma table de travail, et j’entends résonner dans ma tête la voix de Françoise Hardy qui chantait si bien: «ma jeunesse fout le camp…» Elle n’avait pourtant que 23 ans.



À presque 74 ans, ça fait déjà quelques bonnes années que je ne me demande plus si ma jeunesse fout le camp. Mais je considère qu’avoir encore la capacité de vous écrire ma relation avec la vieillesse est un immense privilège.

Eh oui! vieillir, c’est avoir le privilège de voir passer le temps!

Cela me dérange-t-il de vieillir?

Un jour, j’ai entendu à la radio la célèbre actrice française Jeanne Moreau répondre à cette question de l’interviewer:

«Vous, Madame Moreau, qui avez incarné la jeunesse, la beauté, la grâce, ça ne vous gêne pas de vieillir?»

De sa voix éraillée par trop de cigarettes, Madame Moreau lui répond du tac au tac: «Moi, monsieur, je ne vieillis pas, j’avance en âge!»

Depuis ce temps, j’ai moi aussi cessé de vieillir, et ça me dérange un peu moins J. Illusion, illusion, quand tu nous tiens!

Cela dit, je reconnais que plus les années passent, plus je cours après le temps, qui file franchement trop vite.

J’ai horreur du vide, je l’admets, donc mon agenda depuis ma retraite de TVA, en 2008, est assez bien rempli, merci! Je me suis bien organisée, je crois, pour ne pas avoir de temps mort. Ce moment viendra bien assez vite… (sic)

Pour l’heure, je préfère croire que la vieillesse ne rôde pas encore autour de moi, quoique, pour reprendre une expression populaire, je fais maintenant partie des Tamalou… eh oui!

Non, ce n’est pas un club africain J. «T’as mal où, aujourd’hui?» L’arthrose qui s’installe insidieusement dans mon corps sans y avoir été invitée se révèle être un signe de vieillissement. Il est effectivement rarissime d’entendre une personne de 50 ans ou moins se plaindre de cette affection qui touche plus de 1,2 million de personnes au Québec, dont une majorité de personnes de 65 ans et plus.

À mon âge presque vénérable, les coups de pied au derrière ont fini par me faire suffisamment mal pour que je comprenne enfin qu’il n’y a plus de temps à perdre, il y a trop de temps perdu. Oui, je sais que je vis sur du temps emprunté, ayant trop souvent abusé des bonnes choses, mais parce que la vie m’est encore clémente, j’essaie d’être plus généreuse envers moi-même.

Je suis sobre d’alcool depuis un plus d’un an, ce qui sans aucun doute me permet de faire mes longueurs de piscine, de jouer au golf et quoi encore!

Je reste active autant que faire se peut, car je suis très consciente que sans exercice, mon corps va s’ankyloser, et par conséquent, ma tête et les nombreux hamsters qui s’y baladent risquent de me jouer un sale tour.

Quand on me jalouse parce que je joue au golf, que je pars en vacances, que je vis en Floride, je réponds avec le sourire: «Vous savez, il y a quelques avantages à vieillir, surtout si on est en bonne santé.»

Soyons réalistes, le corps n’exulte plus comme avant. Toutefois, si on se détériore physiquement, l’avantage d’avancer en âge, c’est aussi d’avoir la possibilité de s’améliorer intellectuellement, mentalement. Même si je crois que, fondamentalement, on ne change pas, la personne que vous lisez actuellement a la ferme intention d’être sur la voie de l’amélioration. On s’améliore ou on se détériore. D’ici à la fin de mon mandat sur cette terre, j’aspire à être une meilleure personne. Je prends donc les moyens à ma disposition, je m’en sers comme des outils qui contribuent à être une version 2.0 de l’humain, soit plus équilibrée, plus épanouie, moins stressée, moins angoissée.

Mais rien n’est parfait, même pas moi. Je dois parfois respirer par le nez, faire une méditation spéciale pour ne pas «grimper dans les rideaux», comme on dit. Je ne sais pas si c’est la vieillesse qui nous rend plus sages, mais il est vrai que je choisis mieux mes batailles depuis quelques années, parfois avec de l’aide extérieure… Pourquoi pas!

Et avancer en âge, si on en a envie, c’est aussi prendre le temps d’être plus souvent au service des autres. D’ailleurs, un petit tour dans les associations de bénévoles m’a fait voir une grande majorité de cheveux gris à l’œuvre. Bien sûr, les retraités sont plus disponibles. Pourtant, j’avoue que je n’ai pas attendu l’âge de la retraite pour «bénévoler». C’est probablement l’exemple de ma mère qui m’a incitée à dire oui plus jeune, lorsqu’on me sollicitait pour telle ou telle cause.

Ai-je peur de mourir? Ces temps-ci, ce n’est pas la peur qui m’habite, mais la tristesse de voir partir deux amies qui avaient mon âge, mais pour qui la vie leur a glissé sous les pieds. La vie est parfois injuste.

Mais inévitablement, plus j’avancerai en âge, plus la faucheuse viendra m’enlever des êtres que j’aime. Alors j’ai décidé qu’aujourd’hui je vis comme si c’était le dernier jour de ma vie, parce que, oui, j’ai cette chance inouïe, soit celle de vieillir.

Après tout, la vieillesse ne devrait pas être une malédiction.

À propos de Jocelyne Cazin

Jocelyne Cazin est surtout connue pour avoir été journaliste d'enquête à la populaire émission J.E., aux côtés de Gaétan Girouard. Outre son travail de journaliste, animatrice et commentatrice, elle est l'autrice de quelques livres dont son plus récent, Funestes récoltes, un polar publié en septembre 2024.