La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Tous au Nord!

Vous l’avez sans doute remarqué vous aussi: les destinations nordiques ont la cote depuis quelques années. L’Islande n’a jamais été aussi à la mode et les reportages sur le Grand Nord se multiplient. Irons-nous jusqu’à troquer nos vacances d’hiver au chaud pour des vacances d’été au frais?



La question peut sembler exagérée, mais elle reflète tout de même ce qui se dégage de mes lectures des derniers mois. Pendant ITB Berlin, le plus important rendez-vous professionnel du tourisme, qui s’est déroulé au début du mois, une nouvelle de l’Agence France-Presse reprise par de nombreux médias mentionnait même «le grand froid» dans le titre de son article portant sur les tendances. L’offre de plus en plus étoffée des pays du Grand Nord y était soulignée, tant du côté de la Laponie que du Groenland, par exemple. «Une des tendances les plus marquées de l’année sera la multiplication des hôtels igloo, faits de blocs de glace sculptés, et de tout confort», peut-on lire dans l’article.

Kulusuk, Groenland. Photo: Markus Trienke, Flickr
Kulusuk, Groenland. Photo: Markus Trienke, Flickr

Groenland, Norvège, etc.

En Europe, l’engouement pour le Nord est bien palpable. Au début de 2018, le Groenland s’est retrouvé en première position de la liste des destinations tendance de Voyageurs du monde. Lonely Planet l’avait pour sa part inclus à son palmarès de 2016. D’autres coins de pays nordiques ont aussi trouvé leur place sur les listes les plus prestigieuses du monde au cours des dernières années. C’est le cas d’Oslo, en Norvège, et de l’Islande, qui se classent respectivement 26e et 34e des 52 places to go in 2018 du quotidien The New York Times.

Il suffit de suivre ceux qu’on appelle les «influenceurs» sur Instagram pour constater la prolifération de photos présentant des paysages enneigés, des aurores boréales et autres expériences hivernales, parfois même en plein été. La Laponie semble avoir conquis plusieurs blogueurs de voyage français au cours des derniers mois, dont Itinera Magica, JDroadtrip et Novo Monde. On ne va plus, désormais, en Islande seulement l’été. Adeline, de Voyages etc., vient d’y passer trois semaines entières, garnissant son compte Instagram de nombreux clichés enneigés.

Photo: Victor Montol, Flickr
Islande. Photo: Victor Montol, Flickr

Surf et croisières

Aux Lofoten, îles du nord de la Norvège, au-dessus du cercle arctique, le surf a ses adeptes… en plein hiver. Imaginez attaquer les vagues à la même latitude que le nord de la Sibérie et de l’Alaska, alors que la neige tombe doucement… C’est grâce à l’influence du Gulf Stream, courant océanique chaud, qu’il est possible de surfer même quand le mercure affiche - 15°C. Munis de combinaisons intégrales, les mordus jurent que le seul moment où le froid se fait sentir est une fois hors de l’eau.

Les irréductibles glissent aussi sur les vagues toute l’année à Tofino, en Colombie-Britannique, où la température de l’eau se maintient à 10 degrés été comme hiver. Comme en Norvège, le plaisir des plus expérimentés est accentué par la présence de vagues beaucoup plus importantes pendant la saison froide.

Les croisiéristes semblent eux aussi conquis par le Nord. Pendant l’été, les itinéraires avec escales au Groenland et au nord du Canada gagnent en popularité. Adventure Canada, le Ponant et One Ocean Expeditions font partie des compagnies phares à sillonner ce secteur.

Surf à Tofino. Photo: Skye Chilton, Flickr
Surf à Tofino. Photo: Skye Chilton, Flickr

Ski et chasse aux aurores boréales

Depuis quelques années, Club Med mise beaucoup sur le ski. Le nouveau Club Med de Charlevoix, dont l’ouverture est prévue vers la fin de 2020, en est un bon exemple. Loin du cliché du G.O. en Speedo, le nouveau village de Val Thorens, dans les Alpes françaises, fait couler beaucoup d’encre avec sa formule «tout inclus» sous la neige. Pas encore assez exotique? Le Club Med Beidahu, dans le nord-est de la Chine, mise aussi sur les sports de glisse.

L’attrait du Nord reste toutefois, pour plusieurs, lié à un vieux rêve: celui de voir des aurores boréales au moins une fois dans sa vie. Les surfeurs de l’Arctique des îles Lofoten ont d’ailleurs souvent droit à ce spectacle 100% nature le soir venu.

Au Québec, l’auberge Waastooskuun Inn, inaugurée en août 2016 à Chisasibi, à la Baie-James, propose de profiter de l’expérience dans une salle vitrée. Dans le nord du Manitoba, il est possible de manger des repas concoctés par les meilleurs chefs du pays dans un restaurant éphémère, RAW Churchill, planté dans le lieu historique national Fort Prince-de-Galles, tout en admirant les aurores boréales. Très exclusif, l’événement a lieu à certaines dates seulement.

Le projet du Club Med au Massif. Photo: Groupe Le Massif
Le projet du Club Med au Massif. Photo: Groupe Le Massif

Le Grand Nord québécois et canadien

Les Québécois, qui doivent composer avec un hiver rigoureux, sont-ils moins tentés par ce type d’expérience que les Européens? On serait porté à le croire. Bien souvent, les vacances d’hiver nous servent à prendre une pause du froid et l’été, on tente plutôt de maximiser le temps passé au chaud. De plus, l’accès au Nord semble plus compliqué qu’en Europe, même au sein de notre propre province. Aucune route ne permet de rejoindre Kuujjuaq et le prix des billets d’avion reste exorbitant.

En 2016, le magazine Géo a tout de même publié un long reportage sur le Nunavik. Plus récemment, dans le magazine Explore, le journaliste David Webb pressait pour sa part les lecteurs d’ajouter les terres au-delà du 55e parallèle sur leur liste de destinations à découvrir absolument. Plusieurs médias québécois s’y aussi sont intéressés, notamment Radio-Canada, qui y a consacré une série au début de 2018. La blogueuse Anne Sellès, qui vient de s’y installer pour un an, livre quant à elle ses impressions sur son blogue personnel et dans HuffPost Québec.

Comme le prix d’un billet d’avion équivaut à celui d’un aller-retour pour une destination asiatique, le mieux reste pour plusieurs d’utiliser les points accumulés avec Aéroplan. Le coût élevé du transport est d’ailleurs la raison pour laquelle Tourisme Nunavik mise surtout sur les forfaits d’aventure.

À l’ouest du Canada, la nouvelle route quatre saisons reliant Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, à Tuktoyaktuk, sur les rives de la mer de Beaufort, devrait par ailleurs donner des envies de road trips aux plus curieux au cours des prochaines années. «Tuk, comme tout le monde la surnomme, espère attirer des milliers de visiteurs de plus dès l’été prochain», rapporte Radio-Canada International. Avis aux intéressés: de Montréal, il faut prévoir environ 85 heures selon Google Maps. D’Inuvik, le trajet vers Tuktoyaktuk est de 2h39.

Et si c’était, justement, cet accès difficile qui rendait les destinations nordiques encore plus excitantes pour les voyageurs? C’est bien connu: les lieux «qui se méritent», comme le veut l’expression consacrée, titillent les globe-trotters en mal de nouveautés. En cette époque où dormir à l’hôtel apparaît banal pour certains, roupiller dans un igloo ou chez un habitant inuit dans un cadre qu’aucun «ami» n’a encore instagramé peut charmer. Encore faut-il avoir envie de porter le parka plutôt que le bikini…


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