Des pages de lumière en novembre
Souffrez-vous du manque de lumière? Je sais… Dans l’attente de la neige et des sports hivernaux qui aident à faire passer la «souffrance», lire sous une lampe de luminothérapie, ça fonctionne. À condition d’avoir des lectures enthousiasmantes. Ici, trois titres d’exception qui ne demandent qu’à se faire prendre entre vos douces mains.
Maudit silence de Chloé Sainte-Marie et Jean Morisset, L’Hexagone
Je ne connaissais pas Jean Morisset, mais Chloé Sainte-Marie à elle seule est une source de lumière. Leur album-livre ne pouvait être qu’à l’image de la vibrante artiste dont on écoute la voix à travers les deux disques qui accompagnent les textes, les poèmes, les chroniques d’histoire de Morisset, géographe et grand voyageur devant l’Éternel qui se consacre exclusivement à l’écriture depuis plus de vingt ans.
L’identité et l’histoire des peuples des Amériques sont au cœur de son œuvre. À ses mots s’arriment dans une douce ferveur contagieuse ceux de collaborateurs relevés de la trempe de James Noël, Nancy Huston et Joséphine Bacon. Et… de l’au-delà (oui, oui), même Jack Kerouac et Louis Riel sont au rendez-vous. Le tout mis en musique par l’inégalable Yves Desrosiers.
Aussi, les 27 pistes de ce projet qu’ils ont mis six ans à façonner et polir font entendre à travers la voix envoûtante de Chloé pas moins de 14 langues, issues de nations des trois Amériques. Pas banal, ça!
Le secret de la force surhumaine, Alison Bechdel, Denoël Graphic
Parmi les créatrices que j’aimerais un jour rencontrer figure l’auteure et dessinatrice américaine Alison Bechdel, que je me plais à faire découvrir aux copines depuis une bonne décennie. Sans vouloir me vanter, c’est chaque fois une réussite!
En plus d’avoir fait sensation avec Fun Home, son premier titre au sujet de l’histoire de son père homosexuel refoulé et de son enfance aux côtés d’un papa œuvrant notamment dans les pompes funèbres, c’est à elle qu’on doit le fameux code de Bechdel proposant en trois questions de mettre en évidence la surreprésentation des protagonistes masculins ou la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction.
Affaire inédite: Le secret de la force surhumaine a pu cette année concourir au prix Médicis du roman étranger, une forme de consécration pour la BD tout entière. Avec beaucoup d’autodérision, celle qui donne dans l’album autobiographique aborde sa relation particulière avec le sport, y compris l’obsession qui l’a poursuivie toute sa vie, forme de masochisme et de repos tel qu’elle l’exprime si bien. Plusieurs se sentiront concernés, à condition de savoir rire de soi.
Perdre la tête de Heather O’Neill, Alto
La charmante Heather, dont l’imagination sans limite s’arrime toujours si bien avec son originalité, revient avec un nouvel opus qui oscille encore entre le déjanté, la candeur, la pertinence et le savoir-faire.
Cette écrivaine anglo-montréalaise (elle parle français, bien sûr) qui confie chaque fois sa langue shakespearienne à la traductrice et écrivaine Dominique Fortier a cette fois imaginé la folle histoire de deux copines dans le Montréal de la dernière moitié du 19e siècle.
D’abord, il y a Marie Antoine, unique fille (légitime!) gâtée et charismatique d’un baron du sucre qui rencontre un jour la sombre et brillante Sadie Arnett, puis il y a ensuite cette amitié amoureuse, dangereuse et tumultueuse si intense qu’elle ne laissera aucun lecteur de glace. D’autant plus que leur chimie changera le cours de l’histoire. Jamais je n’avais lu pareille histoire d’amitié! Je ne suis pas tout à fait remise encore. J’y repense, j’analyse, je compare avec d’autres amitiés connues et célèbres. Il y a quelque chose ici comme une singularité thématique qui n’a pas son égal.