La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Salon du livre de la Côte Nord… des lecteurs et des auteurs passionnés!

«C’est une pente abrupte, encore sur le bedrock. Pour mononc', c’est un monde de possibles. Comme toile de fond, il y a de la pierre, des arbres pis encore de la pierre.» Dans Murailles, Erika Soucy écrit à partir de ses souvenirs de la Côte-Nord, sa terre natale qui a façonné tellement d’imaginaires. Sylvie Drapeau, Gilles Vigneault, l’illustratrice Isabelle Arsenault, Louis-Jean Cormier, Natasha Kanapé Fontaine, Joséphine Bacon, etc. viennent de là. Pour moi, la Côte-Nord évoque la mer froide et vaste, l’armée de conifères aperçus par les hublots à l’atterrissage d’un avion et l’immensité du ciel qui m’impressionne chaque fois que j’y retourne. Surtout à la fonte des neiges.



Cette année, pour la 34e édition du Salon du livre de la Côte-Nord, à Sept-Îles, j’ai l’immense honneur d’être Présidente d’honneur. Ça se passera du 26 au 29 avril. Je succède à des auteurs comme Dany Laferrière, Dominique Demers, Patrick Senécal, Marie Laberge et Martin Michaud. Quand même.

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Je suis flattée, d’autant plus que j’aime me retrouver là-bas, avec des «délégations» d’auteurs et d’illustrateurs de Montréal, certes – on mobilise la presque totalité d’un Dash 8 à la gang, en partance de Trudeau –, mais aussi des quatre coins du Québec. On s’y retrouve tous ensemble à blablater, l’espace de quelques jours, au même hôtel, à manger aux mêmes tables, à participer à la même soirée grivoise (…), à lire des textes coquins, loin de nos proches et de nos habitudes. Il faut s’aimer fort, fort, je vous le jure. C’est presque comme être regroupés dans un resort, sans la chaleur (Côte-Nord oblige) et les buffets… quoiqu’il y a le resto chinois du coin, où on se retrouve immanquablement pour déguster soupes won-ton, pâtes bolognaises et tartes au citron. Celles et ceux qui ont le palais juvénile adorent. Les autres suivent le bal dans la rigolade.

Un salon et ses Gentils Organisateurs

Les organisateurs, dont la directrice Mélanie Devost, sont des G.O. d’une rare qualité, des vrais amoureux de lecture. Même le maire, Réjean Porlier, beaucoup plus charismatique que n’importe quel autre, est un groupie d’auteurs cherchant sans cesse à renouveler sa bibliothèque. Quant aux bénévoles aux petits soins qui passent leurs journées à nous conduire en minivan, ils remportent la palme d’or de la diplomatie, s’adaptant aux tempéraments, egos et angoisses dans le temps de le dire: «Monsieur Demers (Tristan), on va vous aider avec vos boîtes; Madame Bombardier (Denise), le rose vous va bien, ça vous rajeunit; Madame Claudia, on va vous les trouver, ces Gravol…» Une année, il y a même une charmante employée qui m’a accompagné des heures entières à l’urgence de l’hôpital local alors que je souffrais d’une violente infection pulmonaire. Enceinte, de surcroît...

Que dire des gens qu’on y rencontre? Je n’ai jamais été aussi émue que là-bas d’y découvrir des lecteurs avides, curieux, d’une sincérité incomparable. Parmi eux, des autochtones avec qui je fais également conversation et au contact desquels je réalise la force des textes ébranlants et lumineux des précieuses Natasha Kanapé Fontaine, Naomi Fontaine, Joséphine Bacon, Rita Mestokosho, Virginia Pésémapéo Bordeleau et autres grandes plumes qui contribuent à casser les stéréotypes à l’endroit des Premières Nations, à faire avancer leurs pairs.

Une fois c’t’un gars…

Sur la Côte-Nord comme ailleurs en région, les histoires et légendes sont plus grandes que nature, leurs habitants prennent un plaisir fou à les raconter aux «touristes», pour les voir sourire, pâlir, verdir ou s’emballer. Les «Saviez-vous qu’ici…», «Il semblerait que…» ou «Ma grand-mère m’a raconté que…» foisonnent, si bien que pour les créateurs, les coins de pays sont des sources inépuisables pour déclencher des amorces de fictions, sous un ciel aux variations de couleurs d’une franchise capable de doter n’importe quel texte d’une voix singulière. Je ne parle même pas des aurores boréales délirantes. Pas étonnant que mon amie feu Myriam Caron ait pu signer des romans aussi étonnants que Génération pendue ou Bleu. La belle sirène qui surfait devant chez elle… Elle est morte d’un satané cancer en 2016. Elle avait 41 ans. Je me surprends toujours à la chercher. La chaleur des gens console un peu.

Dommage que les vols soient si coûteux pour s’y rendre à partir d’autres régions du Québec. C’est insensé de voyager à gros prix à l’intérieur de sa propre province. Y aller à partir de Montréal, par exemple, c’est à peine meilleur marché qu’un vol Montréal-Paris. Idem pour les Îles-de-la-Madeleine, la Gaspésie, etc. Ça m’étonnera toujours. C’est cher, c’est long pour s’y rendre, mais nul doute qu’il s’agit là, chez les Nord-Côtiers comme ailleurs, de «ces pays lointains qui nous transforment tranquillement de l’intérieur», écrit aussi Soucy dans Les Murailles. Une belle image qui traduit bel et bien l’effet que fait la culture régionale. Avec la littérature à l’honneur, c’est encore plus vrai.

Je craque pour… Wolves Don’t Live By The Rules de Elisapie

Clip du premier extrait du nouvel album d’Elisapie qui sortira le 14 septembre… Elle l’a elle-même réalisé à partir d’images des années 1960 tirées de la vie dans le Grand Nord et qui montrent les changements qui s’amorçaient dans les communautés inuites de l’époque. Il s’agit certes d’un hommage à ses racines, mais aussi à la combativité de nos ancêtres, aux défricheurs. Un hymne à la vie nomade et spirituelle. Une sorte de clash intéressant avec le monde dans lequel on vit. La voix et le charisme profond de la racée chanteuse vont droit au cœur. Bouleversant.