La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Et pourquoi pas une nouvelle nobélisée canadienne?

Certaines personnes ont des frissons durant le repêchage des joueurs de la Ligue nationale de hockey (j’en connais un tannant qui ne se contenait plus hier), d’autres, c’est en attendant l’annonce des lauréats des grands prix littéraires, dont le plus prestigieux, le Nobel de littérature, ma LNH à moi. On connaîtra donc la personne gagnante, ce jeudi 8 octobre, un peu avant 7h, au Québec.



Tadadadam! Cette année, le nom d’Anne Carson, une Canadienne de Toronto, a été prononcé comme possible lauréate. Vous n’êtes peut-être pas sans savoir que dans l’univers du Nobel, on extrapole autant que dans celui des repêchages et des échanges au hockey. Les immenses salaires en moins. Le montant de la bourse équivaut à environ un million de dollars US. Ce n’est quand même pas des pinottes. Les écrivains ont vu bien pire…

Dans l’Histoire du Nobel, c’est plus souvent des hommes qui remportent la cagnotte. Ça augure bien pour les femmes, d’autant plus qu’un duo féminin vient de remporter le Nobel de chimie. La Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, deux généticiennes, ont mis au point des «ciseaux moléculaires» capables de modifier les gènes. Elles deviennent les sixième et septième femmes à remporter un Nobel de chimie depuis 1901.

Mais revenons-en à Anne Carson, dont le nom a dû retentir dans les sessions Zoom du jury du Nobel puisqu’il apparaît dans les textes en marge du Nobel chez des journalistes du monde entier.

Photo: Facebook Vintage Books & Anchor Books

Je peux vous dire qu’elle est née à Toronto, le 21 juin 1950, qu’elle y réside toujours, et qu’elle a pour immense force, parce qu’il s’agit bien de cela, d’être capable de mêler l’adorable non-fiction – dont il y a un retour en force en ce moment –, la prose et la poésie.

Son livre Eros the Bittersweet (Éros le doux-amer), paru en 1986, a reçu cette année le prix Princesse des Asturies, l’une des plus prestigieuses distinctions d’Espagne, ce qui a parfois aussi une incidence positive sur la victoire d’un écrivain.

Selon l’Associated Press, le jury de ce prix avait déclaré qu’Anne Carson «a atteint un niveau d’intensité et de solvabilité intellectuelle qui la place parmi les écrivains les plus remarquables de l’époque actuelle».

Plus le nom circule, plus on parle de ses livres, plus ils sont relus, plus il y a de chances qu'un jury comme celui du Nobel soit attiré vers l’auteur…

Elle a longtemps été professeure à l’Université McGill et demeure trop peu connue au Québec, notamment parce qu’elle n’a pas été tellement traduite en langue française, ce qui ne l’a pas empêchée de remporter le Grand Prix du festival Metropolis bleu en 2016. D’ailleurs, de son propre aveu, dans une entrevue accordée à Catherine Lalonde dans Le Devoir en 2016, elle déclarait que sa poésie ne pouvait pas être traduite.

Moins exigeante, voire plus accessible que Carson, la Canadienne Margaret Atwood figure aussi – comme toujours – parmi les pressentis. L'Américano-Caribéenne Jamaica Kincaid, le Kényan Ngugi wa Thiong'o, les Français Maryse Condé et Michel Houellebecq, ou encore l'Américain Thomas Pynchon, alimentent aussi les rumeurs.

Photo: Facebook Margaret Atwood

Distanciation covidienne oblige, on s’en doute, la cérémonie de remise «physique» de prix, le 10 décembre, normalement suivie du dîner de gala Nobel, a été annulée. Pour cette 113e remise, les lauréats des six domaines honorés recevront pour la première fois leurs prix dans leur pays de résidence. Malgré tout, l’intérêt médiatique suscité demeure, ainsi que les ventes de livres qui suivent généralement l’annonce. Le nom du lauréat fait ensuite jaser partout dans le monde entier, ce qui n’est pas rien. En ces temps de confinement, l’heure est d’autant plus à la lecture, donc, pas de doute à y avoir, les librairies devront faire de bonnes provisions pour satisfaire leur clientèle en ce sens.

Notons aussi que depuis trois ans, il souffle toujours autour de la remise de ce prix un satané vent de controverse, qui a commencé en 2016 avec la victoire de Bob Dylan, qui n’était pas considéré comme un écrivain pour plusieurs. Puis, en 2017, on apprenait la condamnation pour agressions sexuelles d'un des membres du jury. Échaudé, le Nobel de littérature avait annulé le prix en 2018, avant de nommer deux lauréats en 2019, dont l’écrivain autrichien Peter Handke, créant ainsi la polémique en raison de ses positions sur l’ex-Yougoslavie. Voilà où nous en sommes.

Bonne chance à nos Canadiennes. La seule fois où le Nobel de littérature a été remporté par le Canada, c’est la grande Alice Munro qui l’avait eu, en 2013, avec raison. On serait dû.