La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Pourquoi la lumière, toujours la lumière?

Je me suis reconnue dans certains propos de la très formidable et pertinente série télé de Véronique Cloutier intitulée L’ombre et la lumière.



Beaucoup de gens rêvent de briller, d’être vus, connus. D’aussi loin que je me souvienne, en plus d’écrire, j’aspirais à être devant la caméra. Brosse à la main en guise de micro, j’imitais Reine Malo de Bon dimanche dans le sous-sol de mon enfance à Sainte-Julie. J’animais ma pseudo-émission et ma petite sœur Sarah y faisait des chroniques. On refaisait le même genre de programme pour la «radio» en s’enregistrant grâce à mon Sanyo violet pastel sur des cassettes vierges piquées à notre père. Entre nos blocs de «contenu», on insérait de la musique de Léandre, Claude Barzotti ou de Samantha Fox. C’est rare que j’évoque ce souvenir parce que j’ai toujours eu honte d’avoir écouté cette musique (ben non!), plutôt honte d’avoir voulu être en ondes.

J’ai souvent eu l’impression – et même encore! – d’entendre une voix m’interpeler avec des préceptes judéo-chrétiens du genre: «C’est vaniteux de ta part de vouloir te montrer», «Tu te trouves intéressante à ce point? Ah, ouain, han…», «C’est narcissique! Sois modeste. Sois réaliste.» Ajouté à cela, il y avait la voix haut perchée d’une «copine» de classe qui me disait que, maigrichonne comme je l’étais, affublée, de surcroît, d’une tache de naissance apparente au visage, faire de la télé était impensable.

Alors, pourquoi donc ce désir de lumière? D’où venait-il?

Pas étonnant que je me sois tant reconnue dans certains propos de la très formidable et pertinente série télé de Véronique Cloutier intitulée L’ombre et la lumière disponible sur le volet Véro.tv de Tou.tv (premier épisode gratuit en décembre). Qu’il s’agisse de Michèle-Barbara Pelletier, Sébastien Tougas, Stéphanie Boulay, Michel Goyette, Manuel Hurtubise, Véronique Bannon, Mélissa Bédard, Joanie Gonthier, Kevin Bazinet, Karine Pelletier, Joël Legendre, Stéphane Rousseau, Sarah-Jeanne Labrosse, Marina Orsini, France Castel, tous ces invités qui ont un moment ou l’autre de leur vie été très présents au petit écran brillent par leur sincérité, fréquemment même par des aveux. «Véro» le mentionne souvent au cours de la série, c’est très courageux d’être aussi franc au sujet de cette envie de reconnaissance publique, des chutes et des relèvements que le métier comporte.

Photo: Facebook ICI Tou.tv

Tout en sobriété, naturelle et sans flafla, j’ai aussi trouvé que Véro à l’animation était d’une franchise remarquable, voire désarmante dans sa manière de confier son propre rapport à la lumière qui peut, oui, par moment, devenir malsain… Elle demeure consciente de sa chance d’être là où elle est, et ça aussi, elle l’admet d’emblée: «Je ne me permets pas de me plaindre. Je considère que je suis trop privilégiée pour me plaindre. Je considère que je peux être fatiguée, mais ma réalité va toujours être mieux que beaucoup de gens de par mon statut privilégié d’artiste populaire qui travaille beaucoup, qui fait des sous, qui est en santé, donc je ne me permets pas ça. Mais des fois, je suis tannée… je l’ai dit», déclare-t-elle.

Mention spéciale à Stéphanie Boulay, au troisième épisode. Ouf. Si vous aviez de l’estime pour l’artiste, vous en aurez d’autant plus pour l’humaine qui ne joue pas de game dans cette série. «Quand je perds le contrôle et que je deviens chiante parce que je suis passée à la tv en fin de semaine et que je me pense donc ben bonne, c’est à ma partie créatrice que je me replogue. C’est elle que je veux nourrir. Mais il y a toujours la fille en arrière qui veut briller et exister, tout en sachant que cette lumière-là peut la rendre malade… Je me sens mal d’en parler, je me sens comme si j’étais laide, je n’aime pas ce côté de moi. Il est exacerbé par certaines situations. Je me sens toujours inadéquate dans ce milieu-là, à tous les jours de ma vie», confie la jeune autrice-compositrice-interprète du duo des Sœurs Boulay.

Elle ne sait pas si elle fera ce métier toute sa vie. Habiter à la campagne, être entourée d’amour auprès de son chum et des enfants de ce dernier change beaucoup d’affaires. J’avoue que, comme Michèle-Barbara Pelletier, depuis la naissance des petits, aussi cliché que cela puisse paraître, c’est dans leurs yeux à eux que je veux d’abord briller. Plus que jamais aussi, j’ai envie d’être utile, de provoquer des changements positifs pour la société québécoise. Donc, oui, pour faire de la télé, de la radio, pour écrire des textes, pour être journaliste, chroniqueuse, animatrice, mais pourvu que ça fasse une différence, que quelqu’un quelque part touche au fruit de mon modeste engagement par l’entremise de mes tribunes. Mettre ma face quelque part pour mettre ma face quelque part, non, merci. Surtout que le prix à payer est parfois trop cher. À voir le traitement réservé à certaines personnalités médiatiques qu’on déboulonne à vitesse grand V sur les réseaux sociaux, dont Caroline Néron, par les temps qui courent, j’avoue que je ne regrette pas d’être une «C» plutôt qu’une «A» ou une «B» dans la grande bible des productions télé/radio.

On a beau vouloir être beaux, brillants, inspirants, connus, dans le fin fond de l’affaire, celles et ceux qui mériteraient tellement plus que quiconque d’être adulés partout où qu’ils aillent, invités dans les émissions, entendus et vus, je le répéterai toujours, ce sont les préposés aux bénéficiaires, les infirmières, les éducatrices en garderie...