La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Philanthropie en littérature: n’y aurait-il qu’Amazon?

La nouvelle est tombée le 14 novembre, le jour même de l’ouverture de la 41e édition du Salon du livre de Montréal: le Prix littéraire des collégiens est suspendu dans la foulée d’une controverse suscitée par l’annonce d’un partenariat avec Amazon. «La décision est la résultante directe de la réaction désolante de plusieurs acteurs du milieu du livre au Québec suivant l’annonce d’un appui majeur», annonçait Claude Bourgie-Bovet, cofondatrice du Prix et présidente de la Fondation Marc Bourgie, qui chapeaute l’événement annuel.



Comment ne pas être sous le choc quand on connaît un peu l’importance de ce prix remis annuellement depuis 2003 et attribué par des cégépiens de plusieurs institutions collégiales publiques et privées de la province, des jeunes qui délibèrent lors du Salon international du livre de Québec en avril afin de nommer un titre vainqueur, un titre québécois, il va sans dire?

Cette année, les cinq œuvres finalistes étaient (ça m’énerve d’écrire au passé) De synthèse de Karoline Georges (Alto), Les villes de papier de Dominique Fortier (Alto), Querelle de Roberval de Kevin Lambert (Héliotrope), Créatures du hasard de Lula Carballo (Le cheval d’août) et Ce qu’on respire sur Tatouine de Jean-Christophe Réhel (Del Busso). D’excellents choix, si vous voulez mon avis.

Or, en marge de cette annonce qui se devait réjouissante, un immense malaise s’est installé dans les festivités lorsqu’on a appris que le Prix était commandité cette année par Amazon, géant du commerce en ligne, de la vente de livres notamment, qui fragilise on s’en doute la survie des librairies indépendantes qui peinent, elles, à sortir leur tête de l’eau contre ce Goliath des ventes, et, avouons-le, qui travaillent avec ferveur, passion et peu de moyens à mettre de l’avant la littérature d’ici.

Grâce à ce prix et à la manière dont le font rayonner nos petites librairies, ces livres voyagent et font jaser. Grâce à ce prix, surtout, les jeunes de niveau collégial lisent et parlent littérature de chez nous, ce qui, en soi, est déjà une très belle affaire, n’est-ce pas?

Photo: Facebook Prix littéraire des collégiens
Le Prix littéraire des collégiens est suspendu dans la foulée d’une controverse suscitée par l’annonce d’un partenariat avec Amazon. Photo: Facebook Prix littéraire des collégiens

Soulèvement des nommés

«Faut-il rappeler la précarité du commerce du livre et de l’édition? Faut-il citer les méthodes inhumaines de ce géant de la vente en ligne, qui constitue un péril pour les petits commerçants et les milieux culturels?», exprimaient en chœur les auteures et auteurs en lice, appuyés par leur maison d’édition respective, le 13 novembre dernier dans une lettre ouverte parue dans Le Devoir. Certains ont même pensé retirer leur nomination, avant de conclure que cette décision pénaliserait surtout les collégiens et leurs propres éditeurs.

On ne sait pas combien Amazon donnait pour financer ça, ni les tenants et aboutissants de cette entente puisque ces données sont demeurées confidentielles à ce jour. Ce qu’on sait toutefois, c’est que contrairement aux autres partenaires et commanditaires du Prix, le Goliath des ventes n’était pas discret et s’affichait en gros titre, délicat comme un éléphant dans une pièce, aux côtés du logo du Prix.

L’organisation s’est défendue en affirmant que sans cette importante aide financière l’avenir de l’événement était en péril. Une position qui se défend; mais était-ce une raison pour succomber à l’appât du gain? Les offres de soutien ne devaient pas pleuvoir pour qu’on se rende là. Il n’y a pas à dire, l’existence de cette reconnaissance littéraire majeure ne devait pas faire un pli sur le ventre des autres donateurs d’importance approchés, si tel a été le cas.

Or, la question qui me turlupine surtout dans toute cette saga, c’est pourquoi une reconnaissance aussi rassembleuse, bénéfique à souhait pour la culture et l’instruction de notre relève, ne réussit pas à trouver du financement ailleurs que chez «l’ennemi»?

Ça n’a aucun sens d’en être rendu là alors qu’on s’évertue, preuves et statistiques à l’appui, à scander haut et fort à quel point nos taux d’analphabétisme et de décrochage scolaire sont inquiétants au Québec.

Alors que nos dirigeants sont fiers de vanter nos mérites culturels par-delà nos frontières en smoking dans les cocktails dînatoires, comment est-ce possible de ne pas mieux soutenir le Prix littéraire des collégiens qui, au fil des ans, a récompensé des Larry Tremblay, Marc Séguin, Jocelyne Saucier et tant d’autres, des créateurs qui ont non seulement été célébrés par ce Prix, mais qui voient aujourd’hui leurs œuvres adaptées à l’écran ou sur scène, faisant des petits comme ce n’est pas possible?

Si l’aide ne vient pas de là, où sont nos riches, riches, riches Québécois quand on a besoin d’eux concrètement, ici et maintenant, et que ça presse? Dans l’espace? Allô, ici la Terre, c’est le temps de donner au suivant…

Je craque pour… Lotus et Cali

Produite entièrement ici à Télé-Québec (assez rare, merci, en animation) par une petite équipe, cette nouvelle websérie animée visant à transmettre l’amour de l’écriture et de la lecture aux 6-8 ans est tout simplement savoureuse, drôle et attachante.

Avec, entre autres, les voix de Ludivine Reding (Lotus) et de Nicolas Charbonneaux (Cali), les images de ces brèves capsules ont été créées à partir des performances vocales des comédiens, qui ont donné leurs propres couleurs aux personnages.

Des enfants ont aussi été consultés au cours du développement de la série; alors, bref, on vise dans le mille. Jeux et charades sont également offerts gratuitement en complément pour les minis qui tomberont en amour avec la série.

On espère une deuxième saison, ça presse! Chez nous, une petite de cinq ans trépigne déjà d’impatience…

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Photo: squat.telequebec.tv