Où sont les femmes en théâtre (bis)?
Commençons par mon retour sur avenues.ca!
Lambert, bébé dodu de dix mois, me permet de reprendre la plume sur Avenues.ca aux côtés de mes distingués collègues et de notre épatante rédactrice en chef qui, elle, me reprend à bord sans me culpabiliser d’être partie materner, sans m’avoir remplacée – parce que tout le monde est remplaçable, je l’ai assez entendu! –, bref, sans me le faire payer d’une manière ou d’une autre. Parce que oui, oui, ne sursautez pas, plusieurs femmes, pigistes de surcroît, qui font carrière dans les médias ou ailleurs en 2017 ne peuvent pas enfanter en paix. Il arrive que des entreprises «remercient» celles qui «choisissent» de mettre certains contrats de côté pour quelques mois de maternité. La pression est forte sur les travailleuses qui veulent devenir mères. Au début des années 2000, lors d’une entrevue d’embauche comme journaliste, une patronne m’a demandé si j’avais des petits ou si je prévoyais en avoir sous peu, me faisant savoir sans aucun scrupule que ça jouerait en ma défaveur pour l’obtention de l’emploi et, tant qu’à y être, dans ma jeune carrière de journaliste… Merci, donc, Françoise Genest, d’avoir patienté et, aussi, de les aimer, mes flos. Heureuse de vous retrouver sur cette éclairante Avenue, lectrices et lecteurs!
Théâtre: le bal des absentes
Tant qu’à dénoncer des injustices sociales, je commence aujourd’hui avec des révélations inquiétantes. Les Femmes pour l’équité en théâtre (FET) ont présenté cette semaine des données statistiques produites avec rigueur (250 heures de travail de recherche pour créer 145 pages de compilation et d’analyse) pour montrer le nombre désolant de femmes à l’écriture et à la mise en scène dans les programmations des cinq dernières années des principaux théâtres francophones, à Montréal et à Québec. Quel est ce verdict désolant sur lequel peu de médias ont rebondi? De 2012 à 2017 donc, seulement 20% à 30% de talents féminins ont pu se faire voir et entendre. La revue de théâtre Jeu en faisait état le 10 septembre dernier sous la plume de Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent, en collaboration avec Marie-Christine Lê-Huu et Marilyn Perreault, tout comme la journaliste Catherine Lalonde dans Le Devoir du 12 septembre.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils sont très préoccupants dans une société supposément paritaire et ouverte comme la nôtre. Hum. Hum.
Pourtant, les fabuleuses écoles de théâtre d’ici n’ont jamais eu de problèmes à recruter des femmes ou à remettre des diplômes à des finissantes en écriture ou en mise en scène qui, on s’en doute, se bousculent aux portillons des théâtres pour travailler, espérant avec raison gagner leur vie décemment dans la pratique de leur art. Que se passe-t-il?
Ayant moi-même couvert la scène théâtrale dans une autre vie au Journal de Montréal, je peux affirmer que ce n’est pas faute de grands talents chez nous, grand Dieu, non! Vite de même, plein de noms me viennent en tête, associés à des productions de haut calibre, de celles innovantes, singulières, porteuses de propos universels, reflétant une vision du monde riche, lucide et juste.
Quand je pense aux œuvres théâtrales qui m’ont donné des frissons ces dernières années, en premier lieu, elles sont associées à des créatrices: des Jennifer Tremblay, Fanny Britt, Brigitte Haentjens, Brigitte Poupart, Évelyne de la Chenelière… Et j’en nomme parmi les plus connues, parce qu’il y en a tant d’autres auxquelles il faudrait être capable de songer rapidement.
J’en viens à croire qu’il y a pas mal de personnes qui – ils n’oseront jamais le dire – ne s’intéressent tout simplement pas à des textes ou à des mises en scène de femmes. Comme si ce qu’elles créaient était léger, s’apparentant à ce qu’en littérature on appelle vulgairement de la «chick lit»… Des pièces au goût sucré de fraise tagada avec des filles en peine d’amour qui s’épanchent pendant deux heures et demie avec entracte sur le sort de leur nombril. Quel mépris!
Cachez ces «petites choses»
Je remarque avec désolation que quand on parle de la dramaturgie des femmes, on dit souvent d’elle qu’elle est de l’ordre de l’intime; qu’elle traite des «petites choses», du quotidien, de l’amour et de la famille… Même affaire dans le monde des lettres en général. Quand un homme le fait, on dit de son intimité à lui qu’elle a une belle et pertinente portée universelle, qu’elle fait rire ou réfléchir. Pfff!
Comment pouvons-nous nous priver des réflexions, des idées, de l’onirisme et de la sensibilité de la moitié de la population? Le discours culturel ambiant me semble ainsi incomplet. Encourager cette forme d’obscurantisme et de machisme, c’est s’emprisonner dans une société hermétique qui se targue pourtant de faire rayonner ses talents par-delà ses frontières.
D’abord, avant de penser à bâtir les ponts pour que ces gentes dames de la création puissent traverser tête haute et splendide chez nos voisins, invitons-les donc à semer ici, instaurons une règle de parité créative, comme celle exigée en politique au sein de certains gouvernements. Ça ferait des petits, il me semble.
JE CRAQUE POUR…
Empruntez un musée!, une nouvelle offre de prêt en bibliothèque
Quelle belle affaire excitante: les abonnés des Bibliothèques de Montréal et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) peuvent depuis cette semaine se procurer gratuitement un laissez-passer valide pour deux personnes pour accéder aux expositions du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et du Centre d’histoire de Montréal. Il n’est pas exclu que d’autres musées se joignent à l’aventure. Une carte d’abonné adulte est nécessaire pour l’emprunt d’un laissez-passer. Il est aussi possible d’en réserver un sur bibliomontreal.com ou sur banq.qc.ca. La période de prêt est de trois semaines et les frais de retard sont les mêmes que pour un livre. À nous les musées!