Où sont les femmes?
Linda Barry, Julie Doucet, Moto Hagio, Chantal Montellier, Marjane Satrapi et Posy Simmonds. Retenez ces noms. Il s’agit de bédéistes de partout, dont Doucet (L’Affaire Madame Paul), originaire de Saint-Lambert. Il s’agit de femmes de grand talent. Il s’agit de créatrices qui seront finalement (!!!) mises en nomination au célèbre Festival de la bande dessinée d’Angoulême qui semblait en début d’année avoir oublié la présence des femmes dans le neuvième art. Où sont les femmes? chante d’ailleurs toujours Patrick Juvet – qui est bel et bien vivant – contrairement à la rumeur des derniers jours qui a enflammé les réseaux sociaux. Aucune créatrice ne figurait initialement dans la liste des quarante créateurs dont les albums sont en compétition officielle pour le prix 2016. Des concurrents comme Riad Sattouf, en lice cette année pour l’Arabe du futur 2, et grand gagnant l’an dernier pour le premier tome, en guise d’appui aux femmes, se sont d’ailleurs retirés pour donner leur appui à leurs collègues féminines. Le hashtag #WomenDoBD a aussi été créé sur Twitter. Bon. Brassons-en des affaires en 2016. Ça avance. Un peu.
L’année des femmes
Mais ça augure bien puisque dans le secteur culturel, de grandes figures féminines seront mises de l’avant cette année, à commencer par un magnifique documentaire du Suédois Stig Björkman sur l’actrice Ingrid Bergman. Ingrid Bergman : In her own words (Jag Är Ingrid) est né d’une conversation que le réalisateur a eue avec Isabella Rossellini, qui lui a demandé: «Et si on faisait un film sur maman?» Comment refuser? L’homme, qui avait déjà entrepris un tel projet autour du cinéaste Lars Von Trier, a rassemblé des notes du journal de la talentueuse vedette de Casablanca et de Sonates d’automne et a entrepris une série d’entrevues avec ses proches et d’anciens collaborateurs. Le résultat est saisissant, empreint de sincérité, flatteur certes, mais jamais racoleur. De toute façon, dans ses portraits, comme celui écrit sur Woody Allen, Björkman est capable d’objectivité et de nuances. Quant à Isabella Rossellini, juste de la revoir à l’écran, sincère et authentique, moderne avec, comme sa maman, un soupçon de mélancolie inspirant, je craque. À voir, dès ce vendredi 8 janvier au Cinéma du Parc.
Ceux qui ne connaissent pas encore Sarah Kane, figure mythique de la dramaturgie anglaise morte tragiquement en 1999 à l’âge de vingt-huit ans – elle s'est pendue dans les toilettes d’un hôpital de Londres où elle avait été admise –, seront troublés de constater la similarité de sa trajectoire avec celle de la Québécoise écrivaine Nelly Arcan, en voyant au Théâtre La Chapelle une reprise de 4.48 Psychose, terminée par Kane quelques semaines à peine avant sa mort. Présenté à compter du 27 janvier dans une traduction française de Guillaume Corbeil et une mise en scène de Florent Siaud, ce texte fort et lucide, toujours actuel sur une femme qui regarde la mort en face, une femme en marge, amoureuse, troublée, défiante, sera interprété par Sophie Cadieux, qui excelle dans ces univers sensibles, complexes et violents à la fois.
L’année Hillary?
Bien vivante celle-là..., et très Américaine pour sa part, Hillary Clinton apparaîtra sous une forme plus «vulgarisée», du moins plus démystifiée, à travers le regard de deux journalistes de La Presse, Richard Hétu et Alexandre Sirois, qui font paraître Madame America – 100 clés pour comprendre Hillary Clinton, qui pourrait cette année devenir la première présidente des États-Unis. Qu’on aime ou pas sa manière de faire, ses discours, ses notes discordantes, ses contradictions ou son sérieux, difficile de ne pas voir chez elle une figure d’intelligence, de distinction et d’entêtement. Ce livre des éditions La Presse, qui présentera la dame comme on l’a rarement lu, est attendu pour le 18 janvier. Et si elle est élue, invitera-t-elle Céline Dion, sa petite cousine de la fesse gauche, à chanter lors de sa soirée d’investiture? Ça, le livre ne le dit pas, mais en attendant, le retour de notre Céline nationale sur les planches du Québec durant l’été 2016 crée beaucoup d’attentes chez ses fans. Cet événement risque en effet de marquer l’année culturelle. En souhaitant que la santé de René Angelil lui permette d’être à son plein potentiel…
À la télévision québécoise aussi, ce sont nos actrices qui ont la cote, à commencer par Julie Perreault, qui occupe le rôle de premier plan de la nouvelle enseignante de 30 vies sur ICI Radio-Canada télé. Puis, sur le réseau TVA, elle reprendra dès le 11 janvier le collier de ses Jeunes loups dans la peau de Claudie St-Laurent. C’est sans doute Les pays d’en haut qui sera LA série de l’année avec un rôle majeur pour Sarah-Jeanne Labrosse qui incarne la fameuse Donalda, campée dans la première série par Andrée Champagne, qui avait dix-sept ans lorsqu'elle a obtenu ce rôle qui l’a propulsée. Il serait fort étonnant que Sarah-Jeanne Labrosse, contrairement à sa prédecesseure des années 50, se mette recevoir à la maison Radio-Canada des denrées et couvertures de la part de téléspectateurs qui la prendront en pitié… Espérons que cette nouvelle année ne voie pas éclore trop de Séraphin Poudrier sur nos ondes et tribunes québécoises. Un seul, et fictif, dieu soit loué, c’est bien assez!
À la vie, à la mer
Puisque l’année commence avec des femmes, j’aimerais souligner le décès d’une écrivaine de Sept-Îles que j’affectionnais particulièrement et qui va me manquer beaucoup. Myriam Caron nous a quittés le 3 janvier des suites d’un cancer du cerveau. Elle amorçait la quarantaine, elle avait une plume formidable, des idées ingénieuses, un sourire craquant, une passion pour le surf, pour l’eau et un sincère amour de la vie. Elle laisse derrière elle des romans, des projets, des amis, une famille, un fils… et cette phrase comme pour donner le ton à l’année: «Mords dans la vie, quand l'occasion se présente, saute dessus, niaise pas.» Ciao Mimi. Xx
Je craque pour…
Tout le monde m’en parlait, je n’avais jamais entendu la musique de l’auteur-compositeur-interprète américain Sufjan Stevens. Voilà que c’est fait et c’est tellement bon que j’embête vraiment la maisonnée à force de faire rouler Carrie & Lowell en boucles et à tue-tête. Oui, il est question de mort, de renaissance, de souvenirs, de ceux qui partent parfois et qui ne reviendront pas. C’est triste parfois, mais même dans la mélancolie, il y a un éclat qui donne envie de continuer la route, coûte que coûte, le regard un peu différent.