La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Notre province de Courageuses

Je m’étais réjouie il y a quelques mois en apprenant que les Saoudiennes pourraient enfin avoir le droit de conduire à partir du mois de juin prochain.



J’avais suivi leur lutte, touchée par cette situation incroyable en 2018 et mise au parfum par la BD Conduite interdite de la Française Chloé Wary. Un mois avant leur autorisation officielle (enfin!) à prendre le volant, le régime de Riyad a arrêté le 15 mai dernier six militantes saoudiennes qui se sont battues pour ce droit. On trouve parmi elles des pionnières du féminisme saoudien, des femmes souvent issues de milieux aisés, diplômées, âgées de 60 à 70 ans. Je vous salue bien bas, mesdames Aïsha Al-Maenna, Madiha Al-Ajroush, Hessa Al-Sheikh et Aziza Al-Youssef.

La BD «Conduite interdite» de la Française Chloé Wary
La BD «Conduite interdite» de la Française Chloé Wary

Premier virage réussi

Ironique, quand même, cette situation en Arabie saoudite, alors que nos Courageuses du Québec, elles, remportaient le 22 mai une première manche dans leur bataille contre Gilbert Rozon, à qui elles reprochent des agressions ou du harcèlement sexuel, des faits qui parfois remontent au début des années 1980. D’autres courageuses pourraient s’ajouter à celles qui étaient sorties de l’ombre dans la foulée du mouvement #moiaussi de l’automne dernier, dont la comédienne Patricia Tulasne, grande Courageuse qui a beaucoup pris la parole dans les médias, et qui l’a d’ailleurs fait avec panache. C’est aussi elle qui a déposé la poursuite contre Rozon et qui l’a fait au nom du collectif des «Courageuses».

Photo: Facebook Patricia Tulasne
Photo: Facebook Patricia Tulasne

La belle affaire dans tout ça, c’est que c’est la première fois au pays qu’une action collective est autorisée contre un seul individu. La victoire n’est pas remportée, mais ce que j’en retiens tout de même, c’est qu’il y a eu écoute, réception, et, enfin, considération par le système de justice. Les procédures sont loin d’être terminées, mais que le juge Bisson se soit indigné contre les propos de l’avocat de Rozon, qui a utilisé mot «charme» dans le contexte de pouvoir dans lequel les faits reprochés se seraient produits, est déjà un drapeau rouge qui s’élève, un immense doigt d’honneur envers toute tentative de banalisation de témoignages d’agressions ou de harcèlement dans la présente affaire des Courageuses, mais pour d’autres dans le futur aussi. Ça ne passe plus, ça a le mérite d’être clair. Je l’espère. 

Un ultime cadeau à sa fille

Autre «courageuse», dans une tout autre affaire cette fois, l’artiste, auteure et illustratrice Geneviève Castrée (Geneviève Gosselin), qui était dans la trentaine et nouvellement maman d’une fillette de deux ans quand elle est décédée du cancer en juillet 2016. Dans les derniers mois de sa vie, elle a créé un ultime cadeau à sa petite, comme une dernière note laissée dans cet album jeunesse cartonné de 18 pages qui voit le jour aux éditions La Pastèque sous le titre Une bulle et dans lequel l’auteure et sa fille flottent dans une bulle qui les protège des autres, une bulle qui est aussi le monde de la maladie. Un jour, la bulle éclate… «Au cours de ses dernières semaines de vie, Geneviève s’est accrochée, avec dévouement et intense concentration, à l’idée de terminer ce livre pour notre fille. Je pense qu’elle espérait déjouer le sort, qu’elle dessinait sa survivance. Elle n’a pas pu se rendre au bout», écrit son conjoint à la fin du livre.

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Je ne trouverai jamais les mots pour exprimer avec justesse tout le bien que je pense de ce projet qui voit le jour et l’émotion qui m’habite en signant cette chronique. Il ne me reste plus qu’à vous conseiller fortement de vous rendre au lancement de l’album et au vernissage d’œuvres originales du livre, le 24 mai, dès 17 h, à la galerie-boutique La Pastèque, au 102, rue Laurier Ouest, à Montréal. Il y a une forme de magie dans cette création, c’est indéniable.

Je craque pour…

Tendre à la Maison Théâtre

Vous avez jusqu’au 27 mai pour voir la dernière création de la saison 2017-2018 de la Maison Théâtre. Intitulé Tendre, ce spectacle chorégraphique de 48 minutes créé sous la direction artistique et chorégraphique d’Estelle Clareton, avec les fabuleux interprètes Brice Noeser et Audrée Juteau sur la musique d’Éric Champoux, est tout simplement ravissant. «De la danse, juste de la danse, pas de mots!?» m’a chuchoté à l’oreille ma petite de cinq ans quelques secondes après le début du spectacle… Puis, comme tous les autres, elle a ri, elle a été émue, elle a surtout compris que le corps aussi a une voix, que les mouvements peuvent exprimer des sentiments. Ah! Plein de choses seront différentes pour elle désormais. Merci Tendre pour cette œuvre de haut calibre dans laquelle deux personnages étranges se trouvent liés par un grand élastique rouge. Pour les 4 à 10 ans.