La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Les brûlures d’une muse

La seule bonne nouvelle dans le terrible incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, c’est que ceux qui ne la connaissaient pas – car il y en a! – la découvriront enfin, elle, parmi les plus célèbres muses architecturales de l’Histoire. Et ceux qui ne l’appréciaient plus vraiment, telle une vieille conjointe dont on oublie la splendeur, par habitude, la regarderont avec des yeux de nouveaux mariés. Ils sont nombreux… Ce n’est pas le 15 avril qu’il fallait la pleurer et l’aimer, c’est tous les jours du monde, quand elle veillait sur la Ville Lumière, appartenant au décor, comme les vieilles pantoufles de l’amoureuse, abandonnées sous le lit d’une chambre à coucher endormie pour toujours.



Pour l’aider à émerger de ses cendres, allez relire Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, grand classique de la littérature française paru en 1831. Retrouvez Esmeralda, Frollo, Gringoire, Trouillefou, Quasimodo, Phœbus, etc. C’est aussi disponible en livre audio, si jamais…

Pour les lecteurs dont les goûts les amènent ailleurs, l’écrivaine Jeanne Bourin, fascinée par le Moyen-âge et par la cathédrale, la fait exister dans plusieurs de ses histoires dont son fabuleux roman La Chambre des dames qui se déroule à l’époque de Louis IX, au 13e siècle.

Et bien sûr, depuis toujours, les poètes ont vu en ce monument une source inépuisable d’inspiration. Parmi ceux-ci, le poète et écrivain Louis Aragon, qui, en plus d’y faire référence dans son roman Aurélien (1944), y va de quelques vers dans Paris 42, poème composé pour contribuer à sa façon à la Résistance: «Qui n’a pas vu le jour se lever sur la Seine / ignore ce que c’est que ce déchirement/ Quand prise sur le fait la nuit qui se dément / se défend se défait les yeux rouges obscène/ Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant». Dans un autre style, Théophile Gautier et Gérard de Nerval ont aussi été sous le charme de Notre-Dame.

Si habile à s’adapter à tous les genres – signe d’intelligence –, Notre-Dame a aussi su inspirer des bédéistes. En 1940 dans The Hunchback of Notre-Dame, un comics de l’Américain Dick Briefer, ou plus récemment, en 2012, dans Notre-Dame, deux tomes français scénarisés par Robin Recht et dessinés par Jean Bastide.

Chantée et adulée

Les attachants personnages de Victor Hugo sont passés du roman à la scène dans moult comédies musicales – comment oublier notre version québécoise de Luc Plamondon et Richard Cocciante? Bien sûr, Édith Piaf, Léo Ferré et tant d’autres l’ont chantée, eux qui ont peut-être usé de leurs pouvoirs là-haut pour limiter les dégâts…

En dessins animés aussi, la cathédrale a séduit, du côté de Disney, bien sûr, avec le fabuleux Bossu de Notre-Dame, un peu avant l’an 2000.

Or, c’est sans aucun doute l’inoubliable interprétation d’Esmeralda par Gina Lollobrigida en 1956 dans le film du scénariste et réalisateur français Jean Delannoy qui a marqué les esprits des générations plus âgées. Superproduction franco-italienne volontiers kitsch, cette adaptation signée Jean Aurenche et Jacques Prévert (rien de moins!) fait aussi voir un Anthony Quinn plus grand que nature en difforme bossu.

S’il y a eu d’autres adaptations de l’œuvre d’Hugo au grand écran, elles n’auront jamais la même force et ne jouiront pas du même succès que cette dernière sur la scène internationale. Toutefois, la cathédrale sert souvent de décor comme dans Midnight in Paris de Woody Allen, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ou encore Charade de Stanley Donen. Aussi, bonne nouvelle, l'acteur anglais Idriss Elba a quant à lui annoncé l'an dernier qu'il allait réaliser pour Netflix une adaptation contemporaine du roman, dans laquelle il incarnerait Quasimodo.

La pièce Notre-Dame de Paris était présentée à Québec l'été dernier. Photo: (c) Alessandro Dobici

Un nez au milieu du visage

Fans de Matisse ou de Chagall, vous ne vous rappeliez peut-être pas la présence mystique de la cathédrale parisienne dans deux de leurs toiles respectives: Notre-Dame, une fin d’après-midi, en 1902, et 51 ans plus tard, Le monstre de Notre-Dame.

Chaque fois, dans ces tableaux comme dans tellement d’autres, dans un brouillard bleuté, poétique et onirique, elle apparaît, naturellement, comme un nez au milieu du visage, sans qu’on ne s’y attarde trop, parce que belle, certes, mais tellement souvent aperçue dans mille et un contextes. C’est tout ce qu’il y avait autour qui captait à priori l’attention, le regard sur ces œuvres: le style, le mélange des couleurs, le courant, l’esthétique, alléluia.

Sculpteurs aussi ont craqué pour sa majestuosité. Paul Claudel raconte que c’est dans cette cathédrale qu’il fut frappé d’une «révélation ineffable»: «en un instant mon cœur fut touché et je crus».

Étant lui-même une oeuvre architecturale de renom, en son enceinte, le bâtiment regorgeait de vitraux, peintures et sculptures. Fort heureusement, plusieurs sculptures externes avaient été expédiées en atelier quelques semaines avant les tragiques événements du 15 avril. Or, la structure sur laquelle elles reposaient n’existe plus, sans compter les fameuses gargouilles que les touristes ne pouvaient s’empêcher de chercher du regard à chacune de leurs visites.

Éloignée des tableaux d’une autre époque, mais vivante pour toujours en un sens, il semble qu’il soit encore possible de la retrouver telle qu’elle était, de la visiter même! Virtuellement, on s’entend. Ubisoft a réussi à reproduire le monument dans le jeu vidéo Assassin’s Creed Unity. En attendant la reconstruction promise par le président français Emmanuel Macron, elle demeure intacte, comme si le temps ne l’avait jamais altérée. Notre-Dame de Paris nous a fait une sacrée frousse. Avec un peu de patience, on pourra s’y engouffrer de nouveau, comme la première fois.

Fascinante affaire dont je n’ai pas fait mention plus haut, le roman de 1831 de Victor Hugo serait en rupture de stock dans de nombreuses librairies.  Aussi, l’intégralité des sommes amassés à la vente de l’édition de ce classique de la littérature publié en format Folio sera versée au fonds de souscription instauré par Macron.

S’il y avait plus de mobilisations financières de cet ordre envers d’autres causes qui touchent directement des vies humaines comme la famine dans le monde, il me semble que ça tournerait plus rondement. Je rêve en couleurs.

Je craque pour…

Gloria par The Lumineers

Révélée par «Ho Hey» en 2012, la formation américaine indie folk The Lumineers, basée à Denver, et qui s’apprête à sortir son troisième album en septembre, vient de dévoiler le premier single de sa nouvelle ère.

Intitulée «Gloria», cette pièce à la fois sombre et rythmée est la première de plusieursqui arriveront successivement et qui porteront chacun sur trois membres d’une famille qu’ils ont inventée avec originalité, les Sparks.

Wesley Schultz au chant et à la guitare, Jeremiah Fraites à la batterie et Neyla Pekarek au violoncelle et au chant accompagneront même ce nouvel opus d’un court-métrage mettant en scène chacun des morceaux.