La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Marianne & Leonard: L’amour au temps d’Hydra

Comment s’appelle ce syndrome qui fait en sorte que les êtres qui nous attirent le plus ne sont généralement pas ceux qui nous font le plus de bien? S’il existait un vaccin contre cette attirance forte comme trois milliards de Georges St-Pierre au combat, on serait plusieurs à faire la file, non? D’un autre côté, ces moments d’exaltation suprême ne valent-ils pas toutes les larmes du monde qui viennent après les grandes sensations? C’est aussi à ça que m’a fait réfléchir le très épatant documentaire du Britannique Nick Broomfield intitulé Marianne & Leonard: Mots d’amour, présenté en salle à compter du 12 juillet.



En plus de jeter un éclairage pas banal sur un Cohen que beaucoup de ses fans connaissent déjà à travers sa musique souvent autobiographique, sa poésie, les livres et d’autres œuvres qui ont été faits à son sujet, vous aurez compris qu’il est question aussi d’elle: Marianne. LA Marianne de Now so long, Marianne / It's time that we began to laugh / And cry and cry and laugh about it all again.

Si on craque pour son charme ténébreux à lui, sa grâce naturelle, sa voix indescriptible, son élégance même dans la décadence et tout le reste qui émane de lui au premier coup d’œil (je n’ose même pas imaginer après quelques heures de proximité…), Marianne Ihlen, sa douce Norvégienne au visage lunaire, ne manque pas d’éclat non plus à travers les spectaculaires images et photographies d’archives qui nous la font découvrir, de sa rencontre coup de foudre avec Cohen à Hydra, en Grèce, en 1960, jusqu’à sa mort d’une leucémie, trois mois avant son éternel amour, en 2016.

Le belle Norvégienne de Cohen.

L’homme parmi les hommes

Entre ces débuts passionnés et leur finale complice, on les découvre à travers des témoignages sincères de proches qui les ont connus. Or, s’ils ont formé un couple, ils se sont aussi séparés. Cohen n’était pas du genre à rester longtemps au même endroit. Cohen, grand séducteur qui adorait les femmes, qui connaissait les mots qui font battre les cœurs, et qui, contrairement aux satanés beaux parleurs, les disait et les pensait, était de ceux qui attirent pour le meilleur… et pour le pire. Marianne y a goûté. D’autres avant et après elle, aussi, sans doute. Comme ça devait être grisant, elle est restée, jusqu’à en souffrir un peu. Avec son fils né d’une union précédente, elle est retournée d’où elle était venue, elle en a épousé un plus stable, sans doute plus terne aussi, mais cet homme, un ingénieur, est resté, lui. Tout de même, avec Cohen, Marianne a toujours gardé contact. Il prenait des nouvelles d’elle et de son enfant. Il la gardait comme muse jusqu’en concert, où il la racontait, où il l’a pleuré, l’obligeant un jour à faire une pause en plein milieu d’un concert.

En somme, Marianne & Leonard: Mots d’amour est un documentaire amoureux et une histoire d’amour vécue à une autre époque – c’était l’amour au temps d’Hydra –, bien avant les textos, les réseaux sociaux, les apparences trompeuses. Ce n’était peut-être pas mieux dans les années 1960-1970, avec les drogues débiles qui se prenaient comme de petits bonbons acidulés et dont Cohen lui-même abusait, mais il y avait une couche de sincérité de plus, un voile bohème ensorcelant qui rendait peut-être la vie moins dure, moins cynique. Quoique. Celles et ceux qui quittaient Hydra, sorte de repère d’artistes sans tabous, pour revenir à un rythme de vie plus normal, «dans le vrai monde», ne s’en remettaient pas. De ça aussi, il est tristement question dans ce documentaire. Il faut dire qu’à Hydra, c’était le paradis, et les images du film le transmettent à ravir. Cohen écrivait. Marianne l’admirait et le couvait. Quand Cohen quittait l’île, Marianne souffrait. On ne peut même pas lui en vouloir. L’homme craquait lui aussi. Ses états dépressifs, ses doutes, ses virées, ses égarements, sa quête spirituelle… de tout cela aussi il est question, rendant de manière authentique le créateur tant chéri.

En 2016, informé de la fin imminente de Marianne, Cohen lui envoya des mots précieux dont elle prend connaissance sur son lit de mort. Ces précieuses images font partie du film de Broomfield, à qui l’ont doit aussi les portraits de Kurt Cobain et de Whitney Houston. Je vous mets au défi de ne pas fondre en larmes.

«Nous sommes arrivés au point où nous sommes si vieux, nos corps tombent en lambeaux, et je pense que je te rejoindrai bientôt. Sache que je suis si près derrière toi, que si tu tends la main tu peux atteindre la mienne. Et tu sais que j’ai toujours aimé ta beauté et ta sagesse et je n’ai pas besoin d’en dire plus parce que tu sais tout cela. Je veux seulement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir, ma vieille amie. Mon amour éternel. Rendez-vous au bout du chemin.» 

Je craque pour… 

La série Les meurtres d’Alcasser 

Nouvelle docusérie espagnole en cinq épisodes présentée sur Netflix, Les meurtres d’Alcasser (El caso Alcasser) ne laissera certainement pas de glace celles et ceux qui raffolent des grandes histoires criminelles qui ont secoué le monde. Je ne connaissais pas celle-ci, pourtant foudroyante, et qui concerne trois adolescentes assassinées dans l’horreur en 1992 en Espagne. Convaincu de la présence de nombreuses irrégularités dans cette affaire, le père d’une des victimes n’a cessé de mener un combat des plus périlleux afin de faire la vraie lumière sur les événements et trouver le véritable coupable. On ne peut que remettre en question la place qu’accordent les médias aux histoires tragiques et le traitement qu’ils leur réservent. À donner froid dans le dos.