La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

La grande nécessité des salons du livre

J’aime les salons du livre autant que d’autres les prennent en grippe, les fuyant comme la peste. Je les aime achalandés et courus dans les grandes villes, ou intimes, et un tantinet dépaysants en région. Je les aime donc à Montréal comme à Gatineau, Trois-Rivières, Sept-Îles ou Québec, un majeur, qui s’ouvre d’ailleurs ce mercredi 13 avril. Ces salons recèlent d’accents variés de la Francophonie et ceux qui s’y rejoignent, auteurs comme visiteurs, ont en commun d’aimer les mots, les histoires, les livres. C’est aussi là qu’un enfant peut, entre autres, les découvrir et les aimer pour la vie.

Ces salons sont essentiels en devenant, le temps de quelques jours, le centre névralgique culturel d’un coin de pays, mettant non seulement de l’avant les auteurs locaux, mais aussi des voix de partout, des émergentes ou les bien installées qui ne bénéficient jamais de trop d’éclairage, bien entendu. Il faut aussi dire que les vedettes du livre attirent des gens! Et non, il ne s’agit pas que d’écrivains, mais, il faut bien l’avouer, souvent de personnalités publiques qui écrivent (nuance importante ici). Ceux qui jouissent d’un peu moins de lumière se retrouvent sur la même «scène» que les gros noms, à bénéficier du rayonnement par la bande et c’est tant mieux. Tous sont égaux à leur stand, devant des files inégales certes, mais qui donnent le pouls de ce qui «pogne» pour le moment. Dois-je spécifier que les meilleurs ne sont pas nécessairement ceux qui jouissent du plus grand nombre de visiteurs? J’en ai vu des majeurs et talentueux siroter leur verre d’eau tiédasse en attendant qu’un quidam ose les approcher. C’est souvent là qu’il faut justement aller voir ces visages moins connus, leur sourire, c’est dans ces moments qu’on fait les plus belles découvertes d’un point de vue littéraire et humain. Les écrivains aiment aussi parler, rire pour la plupart. Non, ils ne sont pas des misanthropes renfrognés et souffreteux qui écrivent la nuit dans leur sombre grenier. Ce n’est pas parce qu’ils ne font pas la une des magazines chaque mois ou qu’on ne leur demande pas de participer à des émissions de veudettes entre veudettes qu’ils sont snobs ou inaccessibles. Non, être intellectuel, intense, poète, passionné, cultivé, curieux, porter des lunettes n’est pas une tare. Ah ces secrets bien gardés… 

Le livre n’a pas (encore) la chair triste



J’insiste, et je ne le ferai jamais assez, la présence de ces salons est vitale, essentielle à une époque où beaucoup d’affaires se brassent en ligne, où, il faut l’avouer, la vie sociale et ses rassemblements de bêtes humaines assoiffées de contacts se passent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Pour le réel de la chair, on repassera. Or, il ne faudrait pas que le monde du livre ait la chair triste. Imaginez comme ça manquerait de chaleur, de cœur, de tripes et de viscères. Il m’arrive de penser – et de craindre – qu’un jour les salons se dérouleront sur Internet avec des auteurs en ligne assignés à des séances de clavardage en direct de leur bureau. À défaut d’avoir Nostradamus à portée de mains pour connaître l’avenir des salons et du livre en général, nous pourrions consulter cartomanciennes et messieurs, mesdames énergie qui viennent eux aussi dans les salons avec leurs roches magiques… C’est d’ailleurs toujours étrange de voir un Michel Tremblay ou une Monique Proulx signer à côté de pseudo devins vêtus d’habits médiévaux pour promouvoir des titres tels Votre santé commence dans votre pierre de naissance… Juste pour ça, les salons sont aussi une source de ravissement pour les fans d’ironie.

Pour votre information, à Québec cette année, c’est l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou qui est le président d’honneur. Son dernier roman Petit Piment est d’ailleurs d’une splendeur vivifiante. Avec lui, des écrivains d’ici certes, mais aussi des Haïtiens, des Franco-Camerounais, des Belges et des Français seront présents, pensons à Philippe Claudel et à son merveilleux, intime et profond roman L’arbre du pays Toraja qui explore le deuil avec brio. L’espace de cinq jours, les auteurs deviennent des représentants de divers pays, disponibles, accessibles, prêts et disposés à répondre aux questions, à laisser une marque derrière la jaquette d’un titre certes, mais aussi dans la cité et la tête de ceux qui la peuplent, tous milieux confondus, parce que les salons ouvrent leurs portes à tout le monde sans aucune restriction pour quelques dollars à peine.

Avenues.ca sera à Québec...

Puisque les salons du livre ne se passent pas, alléluia!, dans un monde virtuel, venez donc saluer les auteurs avec quelques dollars, du Purel, des sachets d’amandes, du baume à lèvres (l’air est souvent sec), de l’eau et un peu de patience. Je connais quelqu’un qui a même rencontré l’âme sœur dans un salon, entre les stands des auteurs Samuel Archibald et Marie Hélène Poitras. Ça fait chic, je trouve. Mais ça, c’est une autre histoire. J’y serai aussi comme auteure et journaliste du jeudi ou dimanche, tout comme ma collègue sur Avenues.ca, Marie-Julie Gagnon, qui a fait paraître il y a quelques mois Le voyage pour les filles qui ont peur de tout. Elle signera des exemplaires au kiosque 222 des éditions Michel Lafon, du vendredi au dimanche. Pour plus de détails sur ces horaires, le site du SILQ est bien détaillé.

J’espère sincèrement vous y retrouver en forme... La maladie et la mort frappent beaucoup ces derniers temps. La semaine dernière, je rendais sur ce site un bien humble hommage à Rita Lafontaine, succédée quelques heures après par le grand dramaturge Marcel Dubé. Pensées pour leurs proches et le riche héritage culturel qu'ils laissent derrière. Je me demande le genre de pièce que le duo peut bien préparer tout là-haut...

Je craque pour…

Renaud. Le nouvel album de Renaud, le seul et unique.

 Renaud l’éraillé, Renaud le poète, Renaud le fragile, Renaud le dur, Renaud le mélancolique, Renaud le sincère, Renaud le lucide, Renaud qui n’a pas changé. Ce nouvel album fort attendu ne décevra pas ses fans des premières heures. Je suis touchée en plein cœur, une fois de plus, parce que lui seul sait comment exprimer les petits et grands drames sans les dénaturer, avec la force inéluctable des battants qu’on admire et à travers lesquels on croit parfois se reconnaître.

Extrait de La vie est moche et c’est trop court

La vie est moche et c’est trop court
À peine le temps d’être malheureux
Tu pleures plus souvent qu’à ton tour
Tu te retournes et puis t’es vieux

Vive Renaud. Joie et allégresse de le retrouver.