La culture des licornes
La culture vit des temps moroses ces jours-ci. Ça prendrait plus que de la spiruline et un champ de lampes solaires pour faire revenir les licornes. Pourtant, elles sont là, dans les coulisses de quelques offres culturelles dont, bienveillante-comme-je-suis, je vous ai dressé la liste.
Je ne suis pas dans le déni, ni dans l’évitement, je suis même plus cynique et pessimiste qu’optimiste et heureuse, surtout en culture, où les «affaires» noires et ténébreuses à la Virginia Woolf me branchent plus que les clowns du Cirque du Soleil. Or, ces jours-ci, on peut dire que la culture vit des temps moroses. Avec en plus, en arrière-scène, les frasques trumpiennes qui perdurent, ça prendrait plus que de la spiruline et un champ de lampes solaires pour faire revenir les licornes. Pourtant, elles sont là, dans les coulisses de quelques offres culturelles dont, bienveillante-comme-je-suis, je vous ai dressé la liste que voici, pour se cultiver dans la joie et l’allégresse et, qui sait, voir apparaître quelques chevaux ailés à travers la grisaille.
Les zombies de Robin
Le plus récent film du réalisateur Robin Aubert, Les affamés, dont il signe aussi la scénarisation et qui compte plus de zombies que dans n’importe quel autre long-métrage québécois des dernières années, possède tout ce qui fait qu’un film permet d’oublier le reste du monde, avec son caractère inédit, audacieux, à la fois poétique, thrillant et profondément révélateur des facettes plus ou moins glorieuses de l’espèce humaine. Il est de ce genre de films dont on s’extirpe étourdi, chancelant, longtemps possédé, comme dans un rêve éveillé. Avec, entre autres, Marc-André Grondin, Marie-Ginette Guay, Monia Chokri, Brigitte Poupart, Micheline Lanctôt, des tops parmi les tops, on ne peut que saluer le concentré de talent rassemblé en un même Ham-Nord, où le film a été tourné, à deux pas de la table d’écriture d’un Robin Aubert très instinctif. Son authenticité émane du début à la toute fin de ce qui restera longtemps comme un modèle de film-culte de notre culture cinématographique. De quoi nous donner presque envie de devenir l’un d’eux…
Gallucio, si, si, si…
Du côté des arts de la scène, jusqu’au 2 décembre chez Duceppe, c’est l’Italie qui est à l’honneur à travers des personnages hauts en couleur et attendrissants, de ceux qui font presque oublier les vilains messieurs aux mains longues à «l’affiche», eux, dans l’actualité des derniers jours… La plume efficace et drôle de Steve Gallucio a tout pour charmer un public varié dans Les secrets de la Petite-Italie, mis en scène par Monique Duceppe, avec Davide Chiazzese, François-Xavier Dufour, Michel Dumont, Roger La Rue, Danièle Lorain, Marie Michaud et Pascale Montreuil. L’auteur de Mambo Italiano ne laissera sans doute personne de glace avec cette nouvelle tragicomédie dans laquelle un homme sans nouvelle de son épouse voit sa vie chambouler à l’arrivée d’une bien étrange personne. Rien de reposant, on imagine aisément, dans le rythme effarant d’un quotidien exubérant d’une famille italienne à Montréal. On peut facilement imaginer à quel point une tornade méditerranéenne de la sorte peut devenir un baume au cœur d’un automne morose… C’est bienvenu. On opte pour cette pièce «gallucienne» les yeux fermés!
Des amoureux, en toute intimité
Faite elle aussi de grands éclats, l’histoire d’amour entre Jean-Paul Riopelle et la peintre américaine Joan Mitchell saura conquérir tout le monde, même les moins passionnés d’arts visuels, tant elle est digne des unions les plus fascinantes de notre Histoire culturelle. Cette relation qui dura de leur rencontre en 1955 à leur séparation en 1979 n’avait, on s’en doute, rien de banal, s’accompagnant d’un investissement mutuel dans une carrière artistique qui a fait d’eux des géants. Il n’est donc pas étonnant que l’expo consacrée à leur parcours artistique et présentée jusqu’au 7 janvier au Musée national des beaux-arts du Québec soit depuis ses débuts, il y a quelques jours à peine, si courue, même au sein de ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les musées. Le croisement inédit de leurs œuvres – principalement des tableaux de grand format –, certaines sur papier, ainsi que des documents d’archives, en provenance de plus d’une trentaine de prêteurs, de collections privées et muséales, françaises, canadiennes et américaines, démontre à quel point l’amour et le contact d’une âme sœur peuvent façonner une trajectoire créatrice. Tout dans ces salles à l’honneur transpire le partage, la fusion et le génie. Pour vivre une passion dévorante… par procuration, et sans aucun risque d’être déçu ou de se faire mal, Mitchell/Riopelle – Un couple dans la démesure atteint des sommets de satisfaction. Courez-y.
JE CRAQUE POUR…
Mes petites comptines à écouter
Pincez-moi quelqu’un: j’ai écouté un album de comptines pendant que mes petits étaient à la garderie. Écouté et réécouté. En boucle. Juste de même. Juste parce que c’est vraiment une des plus envoûtantes et singulières voix de chez nous que possède Maryse Letarte, qui revisite avec grâce et sobriété de célèbres comptines comme À la claire fontaine, Ainsi font, font, font, Frère Jacques, etc. Le CD magique est inséré dans un album illustré par Nathalie Taylor. Bien qu’il s’agisse d’un album pour enfants, promis juré, ça vous cassera une mélancolie dans le temps de le dire. Aussi fort que ses fameux albums de Noël Des pas dans la neige ou La parade, devenus des classiques des Fêtes.