La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Festival

Femmes de jazz

«Miss Simone, you are idolized, even loved, by millions now. But What happened, Miss Simone?», déclara un jour l'écrivaine afro-américaine Maya Angelou au sujet de la grande artiste jazz Nina Simone. Quand on est idolâtrée, adorée par des millions de personnes, comment peut-on être aussi torturée? Une question qui demeure après le visionnement du splendide documentaire biographique What Happened, Miss Simone? de Liz Garbus, qui vient d'arriver sur Netflix et qui retrace le parcours de celle qui a laissé dans le deuil des fans à sa mort en 2003, à 70 ans.

Traînant avec elle ses grands yeux désespérément tristes, la star n'est venue qu'une seule fois au Festival de jazz de Montréal. C'était en 1992 à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des arts. J'aurais aimé y être, la voir au piano reprendre Ne me quitte pas de Jacques Brel avec sa voix unique de barython. J'avais 14 ans en 92, malheureusement. Malheureusement parce que je ne la connaissais ni d'Ève ni d'Adam, ne jurant sans doute à cette époque que par le grand Jean Leloup. Elle m'aurait fait du bien, parce qu'intense, millitante, entière, amoureuse, en proie à des démons, bref, comme personne d'autre. Ça s'entend. Ce souffle à fendre l'âme est reconnaissable entre tous et touche le coeur des autres mélancoliques comme elle...

Amy, chère Amy

Comme Amy Winehouse, qui 12 ans après la performance de la Simone au Festival de jazz de Montréal, en 2004, était venue au même événement présenter son premier album, Frank, au Club Soda. Amy, un documentaire fort attendu sur sa vie et réalisé par Asif Kapadia a d'ailleurs été présenté à l'Impérial le 4 juillet dernier lors de cette cette 36e édition du Festival montréalais qui s'est terminé le lendemain.

À l'affiche pour sa part le 10 juillet, Amy a fait réagir à de nombreuses reprises la famille de la Britannique toxicomane, boulimique et dépressive qui s'est dissociée du projet...   Depuis la présentation du documentaire à Cannes en mai dernier, les critiques du monde s'emballent, encensent l'oeuvre de celui qui a auparavant donné à voir Senna sur le destin - tragique - du pilote Ayrton Senna.

Malgré ses pourtours remplis de barrières rendant périlleux l'accès au Jazz sur la Place des festivals cette année, sans parler de la difficulté à garer nos vélos sur le site, le Festival a réussi son pari de rejoindre les gens en grand nombre avec une programmation variée. En marge des prestations d'artistes venus des quatre coins du monde, qu'on parle ces jours-ci de ces films sur Simone et Winehouse, deux femmes qui ont tout donné pour leur art, tout pour être aimées absolument, me rappelle à quel point le jazz et ses multiples dérivés sait traduire les inflexions du coeur, surtout porté par celles et ceux qui, sans avoir cherché la célébrité à tout prix, ont hissé cette musique au firmament. Les héritières de leur trempe, ces personnages-comètes qui viennent jouer dans les tripes des spectateurs sans se la jouer, juste avec une désarmante sincérité et un besoin fondamental de créer se font rares par les temps qui courent. Bienvenue aux dames! Et parlant de dames, la chanteuse britanique Joss Stone, semble avoir fait l'unanimité des critiques.

Une 36e édition mi-pluie, mi-soleil

Cette édition 2015 du FIJM, qui a dû se frayer un chemin entre la pluie et le beau temps, a aussi été ponctuée d'autres événements fortement médiatisés, notamment le passage de Mika. Le chanteur britannique d'origine libanaise, que certains n'hésitent pas à surnommer Mika le magnifique, a suscité l'engouement même si d'autres s'interrogent sur la pertinence d'inviter le «roi de la pop sucrée» dans un festival de Jazz.

Par ailleurs, le concert hommage à B.B. King était, selon certains, la seule façon de conclure ce festival, ne serait-ce que pour dissiper les malaises qu'avait provoqué la performance décevante de ce géant du blues lors de l'édition 2014. Le prix qui porte son nom dans le cadre du festival (remis cette année à James Cotton, un harmoniciste âgé de 80 ans) rappellera pour longtemps la contribution du fameux Blues Boy.