Claudia au Festival du livre de Paris
Je suis lessivée, mais ô combien comblée; étrennant tout juste mes 46 printemps, célébrés en sol parisien, où je faisais partie de la délégation québécoise d’une quarantaine d’écrivains invités d’honneur au Festival du livre de Paris les 12, 13 et 14 avril, où le Québec était à l’honneur.
Fêter son anniversaire dans la Ville Lumière, ça se place bien dans une discussion, mais après une succession de rencontres, visites, signatures et de repas (trop) bien arrosés, c’est en mangeant du «MacDo» (autant le dire à la française), au lit, avec ma grande amie Marjo que mon corps s’est échoué, exténué par un trop-plein d’excitation et de fébrilité.
Marjo se demande encore comment j’ai pu tenir le coup, me voyant m’évertuer, tirée à quatre épingles, à essayer d’être partout en même temps, tout en me rappelant de boire de l’eau et de recharger mon cellulaire. Ode à cette amitié chère à mon cœur. Il faut dire que les auteurs du Québec présents pour l’événement qui se déroulait au Grand Palais Éphémère, avec vue époustouflante sur la tour Eiffel, avaient un programme chargé et diversifié le jour, et non moins dépourvu d’agréments le soir comme la nuit.
Ce qui se passe à Paris reste à Paris, me diraient certains d’entre eux. Bah, puisque de toute façon, comme le titrait Ernest Hemingway, «Paris est une fête», autant en profiter pour y aller de quelques souvenirs.
«Que chaque nouvelle journée puisse être une fiesta me semblait relever d’une merveilleuse découverte», écrivait-il dans ce roman publié de manière posthume en 1964.
Je peux d’ailleurs vous jurer que 60 ans plus tard, c’est toujours le cas pour les écrivains de la délégation, qui respectaient néanmoins sagement leurs engagements les lendemains de fiesta, avec pour chef de troupe l’inarrêtable Patrick Senécal, un quinqua beaucoup plus en forme que pas mal de plumes émergentes, réussissant même à traîner au karaoké notre ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, qui, semble-t-il, se débrouille plutôt bien comme chanteur, lui. Son collègue à l’Éducation devrait s’en inspirer.
J’en profite pour saluer ses talents de tribun, son authenticité et sa sensibilité tout au long de ce périple qui aurait rendu fier son PM occupé au même moment à divertir le premier ministre français Gabriel Attal au Salon international du livre de Québec, d’où je me suis absentée à regret pour la première fois en 20 ans. Perso, on m’a conviée à rencontrer le président Emmanuel Macron, à qui j’ai tenté de vendre un album du Doudou qui ne sentait pas bon… Ça me fait encore sourire.
Les fantômes de l’Académie
Pour revenir aux choses un peu plus sérieuses, notre visite de l’Académie française dans l’ancien collège des Quatre-Nations que Mazarin fit édifier fut certes l’un des moments marquants de cette virée parisienne.
Parcourir le lieu dont la mission est de conserver et perfectionner la langue française, en compagnie notamment du secrétaire perpétuel Amin Maalouf et de notre Dany Laferrière national, qui y siège comme «immortel» depuis 2015, fut assez particulier, ne serait-ce que pour l’aspect historique qui vient avec.
«On n’entre jamais seuls à l’Académie française. On y entre avec les ombres chères de ceux qui ne sont plus», a écrit Dominique Bona, qui y occupe le fauteuil 33.
Bien qu’attachée férocement au français, je n’ai pu m’empêcher de grincer des dents en me rappelant que ce n’est qu’en 1980 que fut élue la première femme au sein de cette institution patriarcale, en la personne de Marguerite Yourcenar. La phrase «Rien n’est plus lent que la véritable naissance d’un homme», tirée de son célèbre roman Les mémoires d’Hadrien, ne saurait être plus juste dans ce contexte.
Aujourd’hui, Dany siège entre Danièle Sallenave et Chantal Thomas, des dames qui n’ont rien à envier aux messieurs. Et, de grâce, que ça ne cesse jamais. Produite par le Partenariat du Quartier des spectacles et distribuée par Quartier des spectacles international, son expo à ciel ouvert Un cœur nomade, qui reprend des extraits de son univers littéraire et graphique, est aussi présentée jusqu’au 12 mai sur le pont des Arts et sur le parvis de l’Institut de France.
Parmi toutes les autres invitations, impossible de manquer l’avant-première de l’épatant film Chien blanc d’Anaïs Barbeau-Lavalette, adapté du roman de Romain Gary. Au cinéma Le Balzac, près des Champs-Élysées, les spectateurs étaient émus et attentifs lors de la séance suivie d’une discussion avec la réalisatrice et écrivaine, qui a aussi brillé au Festival du livre de Paris. Je doute qu’elle eût terminé sa soirée de rentrée parisienne au «MacDo»…
Joie et honneur aussi pour moi d’animer une discussion intitulée «Les féminismes au pluriel» à la Bibliothèque Gaston-Miron, située au sein de la Bibliothèque Sorbonne Nouvelle sur le campus Nation. Chapeautés par la formidable Anne-Isabelle Tremblay, ces lieux ô combien précieux contribuent au rayonnement de la littérature et de la culture québécoises en France et en Europe depuis 60 ans. Martine Delvaux, Gabrielle Boulianne-Tremblay et Dominique Fortier ont répondu avec aplomb et générosité à mes questions sur leur manière d’être féministes en littérature devant un public captivé et enthousiaste.
Puis, à l’issue de mes discussions avec les Français qui découvrent ou qui connaissent déjà nos lettres, j’ai pu prendre le pouls de leur vive curiosité, doublée d’une franche admiration pour ce qui se fait au Québec. En littérature, mais aussi en culture en général. Sans compter nos qualités de cœur, nos capacités d’émerveillement, notre foi sans bon sens envers ce que nous créons année après année. Il faut garder ça fort et puissant. Se le rappeler aussi en temps incertains.