CLAUDIA À LA PLAGE OU QUOI LIRE EN AOÛT?
«Claudia, as-tu quelque chose de léger à me faire lire pour mes vacances?»
C'est sans l'ombre d'un doute l'une des questions auxquelles je réponds le plus par les temps qui courent. Honnêtement, je n'ai jamais compris pourquoi, en été, il fallait y aller «léger» côté lecture. Au contraire, avec la tête libre de soucis professionnels ou de contraintes d'horaire, n'est-ce pas justement l'occasion de se choisir un livre plus costaud pour les méninges? Entre deux baignades et une remise de crème solaire sur le nez, hop, dix pages de Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar dans les neurones, et hop, une autre gorgée de mojito et hop, encore un peu de dame Yourcenar et hop...
Non, je ne vous proposerai pas ce classique de la littérature, mais je vous suggérerai plus bas dix titres d'ici et d'ailleurs, récents ou pas, mais qui, à mon humble avis, sans être considérés comme «légers», peuvent sentir la mer et faire entendre le cri des goélands. Ces romans qui me rappellent toujours les vacances agrémenteront, je l'espère, votre mois d'août à la plage ou au bout du quai.
1. Le vieil homme et la mer, Ernest Hemingway, 1952
La plus célèbre des œuvres de l'écrivain américain qui adorait Cuba met en scène Santiago, un vieux pêcheur cubain qui mène une lutte acharnée contre un immense marlin alors qu'il pêche au large du Gulf Stream. N'ayant rien pris depuis trop longtemps, le vieil homme doit prouver aux autres et à lui-même qu'il demeure capable d'attraper de gros poissons. Ce roman sur le respect, la persévérance et le courage en est aussi un sur le rapport entre les humains et la nature. Presque aussi court qu'une nouvelle, ce roman nobélisé se lit en un grand après-midi à proximité des animaux marins.
2. Les Vagues, Virginia Woolf, 1931
D'abord traduit en français par Marguerite Yourcenar (tiens, tiens), il s'agit du roman le plus expérimental de l'écrivaine anglaise Virginia Woolf, qui entretenait une connexion étrange et forte avec l'eau... Sous forme de monologues intérieurs, le roman invite ses lecteurs à faire connaissance avec six membres d'un groupe d'amis «sur un arrière-plan de fluidité marine», décrit Yourcenar dans la préface de sa traduction. Ce livre se lit comme on regarde un paysage changer à travers une même journée. Le rythme est lent, semblable aux mouvements des marées.
3. La traduction est une histoire d'amour, Jacques Poulin, 2006
La plupart des romans de Jacques Poulin auraient pu figurer dans cette liste puisqu'ils sont nombreux à évoquer l'île d'Orléans et le fleuve Saint-Laurent. Ils sentent l'été québécois, et ce onzième titre de l'écrivain n'est pas en reste, nous faisant découvrir Marine, une traductrice irlandaise des romans de Jack Waterman avec qui elle tisse une relation sentimentale troublée par les apparitions d'un chat qui transporte un appel au secours. Du grand Jacques Poulin avec des grandes marées, des chats, une femme mystérieuse, un cœur qui tressaille...
4. L'été funambule, Louise Dupré, 2008
Un été. Des femmes. Qu'elles soient en proie à la détresse psychologique, qu'elles viennent de tourner la page sur une histoire d'amour, qu'elles ne sachent plus si elles ont pris les bonnes décisions au bon moment, qu'elles pleurent ou rient sur les années qui viennent de passer et qui les ont fait vieillir encore un peu plus, ces héroïnes, à travers chacune des nouvelles de ce recueil sensible, vivent un été qui les marquera et qui les façonnera pour le meilleur et pour le pire. À déguster comme la brise au cœur de la canicule.
5. Les petits chevaux de Tarquinia, Marguerite Duras, 1953
Des amis se retrouvent en Italie pour les vacances. Il fait très chaud et, bien sûr, sous la plume de la Duras, la chaleur écrasante se dégage même des pages, si bien que vous liriez ce livre en hiver et vous auriez des sueurs... Sur le bord de l'eau, ces personnages complexes se remettent en question, tentent de comprendre ce qui les attire les uns aux autres. Pendant ce temps, un couple d'Italiens pleure son fils tué par une bombe... Et cette pluie qui se fait attendre toujours, sur le ton inimitable de l'incomparable Duras.
6. Douze histoires de plage et une noyade, collectif, 2015
Si on vous disait d'imaginer une histoire noire autour d'une plage en été, qu'est-ce que vous imagineriez? C'est le défi qu'a lancé à onze auteurs québécois l'écrivaine Marie-Chantale Gariépy qui signe elle-même une nouvelle surprenante. Si ces textes d'auteurs de différents genres n'occupent pas tous notre esprit avec la même profondeur, ils font ressortir, du tableau parfait d'une mer calme en apparence, les petits détails qui échappent à l'œil pour en faire la trame d'une histoire d'une inquiétante étrangeté.
7. Un matin je suis partie, Alice Steinbach, 2002
Comme j'ai aimé ce roman, sorte de Mange, prie, aime, mais en tellement, tellement mieux écrit. Il s'agit de l'histoire vraie d'une journaliste qui décide par un mois de mai de quitter le bercail pour partir à l'aventure et voir du pays en espérant s'y retrouver quelque part, entre des paysages à couper le souffle et des êtres rencontrés au détour de chemins escarpés. Elle nous apprend - sans faire cucul la praline - qu'on a beau traverser toutes les contrées, jamais ô grand jamais on ne se sent aussi bien qu'après avoir enfin écouté la voix intérieure de l'enfance, la plus franche d'entre toutes, nous crier d'obéir enfin à nos pulsions.
8. Nous étions le sel de la mer, Roxanne Bouchard, 2014
Roxanne Bouchard est une de nos meilleures conteuses, et son dernier roman nous le prouve encore. Cette fois, celle qui a appris à faire de la voile il y a une dizaine d'années, d'abord sur le Saint-Laurent, puis en Gaspésie, revient avec un roman inspiré du souffle de l'eau et de ses mystères, de ses affaires entendues ici et là, des récits de marins, comme celui qui l'a peut-être inspirée dans l'écriture de son cinquième opus qui parle de Vital qui a ramassé un cadavre dans ses filets de pêcheur, de Moralès qui mène l'enquête et de la narratrice qui vient de débarquer dans ce monde parallèle, stupéfaite, curieuse, volontaire. Suspense, amour, humour surprennent au détour de cette histoire marine et gaspésienne qui lève le voile sur l'arrière-cour des habitants des villages côtiers d'ici.
9. Ma voisine en maillot, Jimmy Beaulieu, 2006
Il s'en passe des belles durant l'été sur les balcons montréalais... Bien sûr, il y a des garçons qui, comme d'éternels ados, se plaisent à mater leurs voisines quand elles se promènent en maillot. En pleine canicule, au beau milieu d'une panne d'électricité, ça devient presque pardonnable et ça sert très bien de toile de fond au bédéiste Jimmy Beaulieu, qui illustre le corps des femmes et leurs courbes comme personne d'autre. C'est avec ce titre, un roman graphique qui raconte la rencontre entre deux voisins en été – avec tout ce que ça comporte de chaud et d'assoiffant – que j'ai découvert cet artiste génial que j'attends avec impatience, album après album. Celui-ci est décidément estival et coquin.
10. Carnets de naufrage, Guillaume Vigneault, 2000
Ne me demandez plus quand sortira son prochain roman, je n'ai jamais réussi à obtenir de réponse claire de sa part. Alors, en attendant, il faut retourner vers ce premier roman, un récit initiatique magnifique sur les rebondissements d'un mec qui, après avoir été largué par sa copine, décide de prendre le large vers le sud, d'émerger ailleurs, loin de l'orage, près des flots, là où il se rafraîchira le cœur et les neurones. On aime ce roman pour l'écriture poétique, pour quelques passages empreints d'une tension érotique qui émoustille. Si vous aimez, vous craquerez aussi pour son Chercher le vent, paru quelques mois plus tard et tout aussi marquant dans l'imaginaire du lecteur.
J'aurais pu vous suggérer 37,2 le matin de Philippe Djian, Vers le sud et pas mal tous les romans de Dany Laferrière, Bonjour tristesse de Françoise Sagan, quelques polars aussi, mais puisqu'il fallait choisir... Vous voilà donc avec cette liste qui, je l'espère, vous plaira. En vacances avec un daïquiri, il vous serait difficile de m'en tenir rigueur. Ciao ciao, bonnes vacances...