Le cinéma porno nouvelle vague
Ne sursautez pas en lisant les lignes qui suivent, je ne profiterai pas aujourd’hui de cette tribune pour faire l’apologie de la pornographie. Par contre, je n’ai pas pu m’empêcher de réagir en lisant un article paru récemment dans Les Inrocks dans lequel il est question de la réalisatrice suédoise Erika Lust, une des pionnières de la pornographie féministe au cinéma. Ce type de porno, dont on parle plus depuis le début des années 2000, répond, selon les Feminist Porn Awards (eh oui, ça existe au pays!), à certaines conditions comme un climat de travail juste, respectueux et équitable des actrices et des acteurs, la remise en question des stéréotypes de genres, une présentation réelle du plaisir sexuel, etc. Bref, on sort des sempiternels clichés bourrés d’irréalisme dégradant pour la femme, de la pornographie généralement présentée sur des sites populaires à la YouPorn ou HamsterX…
Jusqu’à maintenant, Lust, diplômée de sciences politiques qui réside à Barcelone, une quasi quadragénaire extrêmement brillante avec laquelle j’ai déjà eu le plaisir de m’entretenir pour un reportage, s’est démarquée pour son fameux site xconfessions.com sur lequel elle présente justement des courts-métrages pornographiques et féministes inspirés d’histoires vécues d’internautes. Or, le texte des Inrocks traite d’une nouvelle tendance qu’elle vient d’initier, la porno sans sexe, une affaire fascinante qui à défaut de vous exciter, vous fera peut-être, comme moi, sourire…
Avec son premier court-métrage «sans sexe», Do you find my feet suckable?, plus implicite qu’explicite, la scénariste et réalisatrice peut désormais passer sur YouTube sans subir de censure, et ainsi rejoindre plus d’internautes. Dans ce film, dans lequel on voit un étudiant fantasmer avec un fétichisme déroutant sur les pieds de sa rousse consœur, on ne voit pas l’ombre d’un sein, d’une fesse ou d’un sexe, ni brutalité ou domination. En somme, il s’agit là d’une porno qui ne remplacera certes jamais Dora dans le petit écran de vos enfants, mais qui révolutionne très certainement le genre. Et selon moi pour le mieux, en ce sens qu’enfin, cette représentation de l’érotisme et de la sexualité à l’écran ne dégrade pas la femme, en montrant plutôt, pour un plus large public, une autre dimension du désir, tel qu’il peut aussi être vécu dans l’imaginaire des hommes comme des femmes! En comparaison avec les clips musicaux de performances sexy de chanteuses comme Rihanna, Madonna et compagnie, sexuellement bien plus explicites, et visionnés par des tonnes de jeunes, ce que présente Lust est incontestablement soft, «raffiné» et amusant, avec un je-ne-sais-quoi d’aguicheur qui chatouille le regard.
Quant à la qualité de la machine cinématographique du projet, ou la profondeur du propos, on est loin du cinéma de notre Xavier Dolan national, qui recevait les grands honneurs la fin de semaine dernière à Cannes pour Juste la fin du monde, son dernier opus. Mais je ne suis pas prête à dire que ce type de cinéma sombrera dans l’oubli de sitôt… Qui sait, peut-être que la porno traditionnelle a atteint son Waterloo, ou qu’elle s’apprête à connaître un semblant de révolution qui, vous le comprendrez, ne peut pas nuire en mettant la pédale douce sur la vulgarité en vigueur par les temps qui courent.
Ces précieux écrivains
En pensant au fameux film de Dolan, qu’il faudra patienter pour voir en septembre sur nos écrans, j'ai réalisé à quel point son dernier-né, adapté d’une pièce du Français Jean-Luc Lagarce, mais aussi tellement d’autres, peut-être aujourd’hui plus qu’hier même, ne serait-ce qu’au Québec, proviennent de textes de théâtre ou de romans. Récemment d’ailleurs se terminait le tournage de Ça sent la coupe, réalisé par Patrice Sauvé et adapté du roman du même titre de l’écrivain Matthieu Simard (La tendresse attendra, Échecs amoureux et autres niaiseries, Douce moitié), qui a aussi participé à la scénarisation du film.
À ce sujet, en avril dernier, Téléfilm Canada annonçait le financement de 17 films canadiens de langue française, par l’entremise de son Fonds du long métrage du Canada, pour un total de plus de 17 millions de dollars.
Parmi les heureux élus, de nombreux scénarios sont des adaptations de romans, par exemple, Et au pire on se mariera, de Léa Pool (Sophie Bienvenu), La chute de Sparte, de Tristan Dubois (Biz), La petite fille qui aimait trop les allumettes, de Simon Lavoie (Gaétan Soucy), et C’est le cœur qui meurt en dernier, de Alexis Durand-Brault (Robert Lalonde). Dans certains cas, les écrivains collaborent au scénario, dans d’autres non, mais une chose est sûre, — et c’est le genre de constat qui réjouit la passionnée de littérature et auteure que je suis —, ça donne plus de visibilité aux œuvres littéraires d’ici en atteignant un plus vaste public. Le 7e art semble souvent tellement plus accessible… D’ailleurs, il n’est pas rare que je reçoive des demandes de cinéastes à la recherche de mines d’or à adapter. Puisque je lis quelques romans chaque année pour mon travail, je peux leur refiler quelques titres à se mettre sous la dent.
Oui, il y a de forts bons talents chez nos écrivaines et écrivains. Leurs mots font souvent honneur à notre cinéma et malheureusement, parfois il en est question sans que soit trop souligné leur collaboration au film, comme si tout revenait au réalisateur ou aux vedettes qui jouent avec ces textes… Bien sûr, ce n’est pas chaque fois le cas, mais quand ça survient, ça m’irrite profondément, surtout en connaissant le décalage entre des sommes générées par l’industrie du cinéma et celles du modeste monde du livre... Dans le cas de Dolan avec Lagarce — Dolan signe d’ailleurs la plupart des scénarios de ses films — comme dans celui de tous les autres cinéastes, voire de réalisateurs de séries télé au petit écran, n’oublions pas que tout commence d’abord avec les mots. Les mots. Eh oui, même si les lettres sont pas mal moins jet set que le cinéma…
Je craque pour…
Sylvie Paquette qui chante Anne Hébert dans Terre originelle
C’est tout un album que celui-là! J’aimais déjà beaucoup la voix trop méconnue de Sylvie Paquette, mais quand, en plus, elle s’en sert pour faire honneur aux mots de la grande écrivaine Anne Hébert, alors là je peux dire que c’est l’apogée du plaisir des sens pour moi. Épaulée par quelques alliés dont Yves Desrosiers et Philippe Brault (réalisation et arrangements), retrouvant Michel Faubert sur la chanson Marine, Sylvie Paquette épouse la poésie de l’écrivaine en y insufflant sa sensibilité, mais surtout, elle couvre de fleurs, de perles et de respect la mémoire d’une de nos plus grandes. Que la poésie d’Anne Hébert, grâce au talent de Sylvie Paquette, puisse connaître un peu plus de longévité encore.