La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Baptiser les 5 nouvelles stations de métro: mes suggestions à la STM

Quels noms donneriez-vous aux nouvelles stations du prolongement vers l’est de la ligne bleue du Métro de Montréal? Je me suis prêtée au jeu.



Je rappelle qu’afin de choisir ces noms, en janvier dernier la Société de transport de Montréal (STM) avait annoncé la composition d’un comité de toponymie. En ce moment même, ces 14 personnes représentatives de l’ensemble des Québécoises et des Québécois doivent se creuser les méninges comme c’est pas possible pour en arriver à une sorte de consensus.

Cinq noms de stations qui croiseront Pie-IX, Viau, Lacordaire et Langelier, entre Saint-Michel et Anjou, devraient être annoncés au cours des prochains mois, bien avant l’inauguration des nouvelles stations en 2026. Aux dires du président du conseil d’administration de la STM, Philippe Schnobb, la tâche s’avère excessivement délicate, ne serait-ce pour le caractère pérenne des choix. Des choix sans taches, il va sans dire… Quant à faire l’unanimité, il n’y compte même pas.

J’ai pensé essayer d’influencer un peu le comité en prévision de leurs prochaines rencontres, d’y aller de mes idées. Pour faire l’exercice avec moi, pensez aux femmes, aux personnalités issues des communautés autochtones et de la diversité culturelle, critères dont tient notamment compte le comité de toponymie. Elles doivent aussi être décédées depuis au moins un an et, j’imagine, être inspirantes à plusieurs autres égards. Ne me jugez pas, mon jupon dépasse en titi, mais c’est un jeu.

Photo: Facebook STM - Mouvement collectif

Station Nelly-Arcan

Écrivaine et philosophe novatrice et audacieuse, décédée à Montréal en 2009, elle a inspiré des générations de jeunes plumes et continue d’éveiller des consciences avec la force de ses écrits, révolutionnaires à la parution de son premier roman, Putain, au début du 21e siècle, époque encore marquée par le patriarcat et le culte des apparences.

Station Mary–Two-Axe Early

Mohawk de Kahnawake, son activisme politique a contribué à la formation d’une coalition d’alliés pour remettre en question les lois canadiennes discriminatoires à l’égard des femmes autochtones. C’est d’ailleurs elle qui a créé en 1968 l’association Droits égaux pour Femmes indiennes. Elle est décédée en 1996.

Station Marie-Uguay

Poétesse montréalaise morte en 1981 à l’âge de 26 ans, son œuvre reste intemporelle et vivante. Constamment rééditée, elle est lue, étudiée et continue d’envoûter des générations de jeunes qui restent marqués par ses écrits. Impressionnante de lucidité, de force et dotée d’une étonnante capacité d’émerveillement se reflétant dans ses textes, elle a fait montre de courage dans la maladie jusqu’à la toute fin de sa trop courte vie.

Station Marcelle-Gauvreau

Née en 1907 à Rimouski, elle est l’une des premières femmes scientifiques du Québec. En rédigeant le glossaire et l’index de la Flore laurentienne et en menant d’importants travaux et des recherches déterminantes, elle a participé activement à la naissance et à la vulgarisation des sciences au Québec, sans compter toutes ces femmes qu’elle a su inspirer.

Station Monique-Sioui

Wendatepar son père et Abénakise par sa mère, elle fut une militante des droits des femmes et des enfants autochtones. Parmi ses grandes batailles, notons celle contre la violence conjugale, familiale et sexuelle, particulièrement sur la communauté algonquine de Kitcisakik en Abitibi. Elle est décédée à Val-d’Or en 1997.

Station Luce-Guilbeault

Cette actrice de grand talent s’est distinguée au théâtre comme à l’écran en incarnant avec une justesse indéfectible le féminisme, comme rarement l’avaient fait les autres avant elle. Elle a ouvert la porte à des générations d’interprètes désireuses de prendre parole, d’inscrire dans l’Histoire un discours jadis novateur sur la place des femmes au Québec et dans le monde.

Station Irma-Levasseur

Née à Québec en 1877, elle fut la première femme médecin de la province, cofondatrice du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, à Montréal, et de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec. À l’époque, puisqu’aucune université canadienne n’acceptait les femmes en médecine, elle avait dû s’exiler aux États-Unis pour parvenir à ses fins. On a trop peu écrit sur cette femme qui a pourtant changé l’histoire de la médecine au Québec.

Station Suzannah-Davis

Cette jeune femme, mise en pension chez des gens dès ses onze ans, devient servante au sein de plusieurs maisons au 19e siècle avant de porter plainte, en 1814, à l’âge de 17 ans, pour viol à l’endroit de son employeur du moment. Au procès, son agresseur est acquitté parce qu’on juge qu’elle a un air «trop sympathique»; en somme, elle aurait dû sembler plus affectée... Plus de deux cents ans plus tard, trop peu de femmes violées osent l’imiter et trop peu sont crues…

Station Myra-Cree

Fille et petite-fille de chefs mohawks à Kanesatake, elle a fait figure de pionnière à la radio et à la télévision de Radio-Canada. Amoureuse de la langue française, érudite, curieuse, engagée dans sa communauté, proche de ses racines autochtones, elle a marqué le monde des communications au pays. Sa voix reste encore gravée dans la tête de plusieurs. Elle est décédée en 2005.

Station des Suffragettes

En 1921, Marie Lacoste Gérin-Lajoie participe à la fondation du Comité provincial du suffrage féminin, puis en devient coprésidente. Une nouvelle génération se joint à ce mouvement en 1927, avec Idola Saint-Jean, qui crée l’Alliance canadienne pour le vote des femmes, suivie deux ans plus tard par Thérèse Forget-Casgrain, qui transforme le Comité provincial du suffrage féminin, dont elle est présidente, en la Ligue des droits de la femme. Malgré leurs efforts et ceux de leurs paires, ce n’est qu’en avril 1940 que le premier ministre Adélard Godbout accorde enfin aux femmes du Québec le droit de voter et de se présenter aux élections provinciales. Cette «victoire» survient après 13 projets de loi déposés en ce sens entre 1922 et 1939, tous rejetés. Notons aussi que les Québécoises ont été les dernières à obtenir ce droit au pays…