Les auteurs n’écrivent pas pour les files dans les salons du livre
On a les héroïnes et héros qu’on veut bien avoir… Telle est une partie de ma réponse aux gens qui me demandent si je pense qu’il y a trop de biographies de vedettes qui font leur apparition en librairie ces temps-ci, et surtout juste à temps pour la 41e édition du Salon du livre de Montréal, qui se tiendra à la Place Bonaventure, du 14 au 19 novembre.
Ce «marché de la bio de stars» fonctionne en titi, puisque les éditeurs en publient comme jamais auparavant ici, mais aussi en France, à ce qu’on me dit. Étrange, quand même, à quel point on peut être plus fasciné par une personnalité de la télé québécoise que par Jacques Brel, Simone Veil ou Michelle Obama, parce que ce ne sont pas les bios de ces «vedettes-là», qui sont parues récemment, qui se vendent comme des petits pains chauds par chez nous. Ah, non.
Cette année seulement, parmi la quarantaine de titres d’ici et d’ailleurs reçus chaque semaine en service de presse à ma porte, j’ai tenu entre mes mains (pas tellement longtemps parfois, je m’en confesse) les bios/témoignages/«essais»/conseils/humeurs/réminiscences/recettes… de Jean-François Baril, Étienne Boulay, Annie Brocoli, Michel Courtemanche, Mahée Paiement, Sœur Angèle, Hugo Girard, Debbie Lynch-White, Jérémy Demay, Guylaine Tanguay, Claude «Mégo» Lemay, Olivier Primeau, Emma Verde, divers personnages de téléréalités, youtubeurs et tellement d’autres, certains (bien) écrits «en collaboration», ou en entier, pour beaucoup, par des journalistes de métier ou des auteurs voulant pour certains arrondir leurs fins de mois, et on les comprend étant donné la difficulté, voire l’impossibilité, de gagner sa vie de sa plume au Québec. Je rappelle que selon la dernière enquête d’envergure sur les revenus des écrivains québécois, en 2008, les deux tiers des écrivains québécois ont obtenu moins de 5000$ de leur travail de création littéraire. Une trentaine seulement ont déclaré un revenu de création de 60 000$ ou plus. Le revenu médian provenant de la création littéraire n’était que de 2450$.
Il se peut qu’il soit un peu froissant pour un écrivain d’entendre ou de lire dans les journaux le propriétaire du Beachclub de Pointe-Calumet, Olivier Primeau, comparer la lecture [de son livre] au collage de 500 statuts sur Instagram avec des photos, ou d’autres personnalités, bien gentilles, cela dit, avouer candidement qu’elles n’ont jamais écrit, jamais même lu le moindre roman de leur vie. Pourquoi ces gens qui ne s’intéressent pas aux livres veulent-ils en publier un? Quand, en plus, certains avouent candidement publier pour «relancer leur carrière», personnellement, je trouve ça moyen. Malheureusement, les écrivains, les vrais, ne peuvent pas faire du cinéma, chanter, raconter des jokes comme plan B quand leurs livres ne se vendent pas. Écrire est une profession, ils s’y dédient corps et âmes. Et non, ce n’est pas pour avoir des files dans les salons du livre. Ils écrivent parce que c’est plus fort qu’eux, parce que c’est urgent, fort, obsédant, nécessaire. Ils sont lus par des gens, quelques trop rares lectrices et lecteurs, qui veulent rêver, s’exiler, apprendre, comprendre sur eux et les autres, qui veulent s’imprégner de beauté, de mots qui résonnent longtemps, qui font qu’ils termineront leur lecture un peu changés.
Publier est accessible à tous
Si, avant, le simple fait de publier était un exploit qui épatait toute la famille et les amis, que c’était rare et exceptionnel d’avoir le GO d’un éditeur et que ça faisait oublier le peu d’argent que ça rapporterait, aujourd’hui, avec la prolifération des bios de stars, ça donne l’impression que publier est facile et accessible à tous, que ce n’est plus un tour de force. À voir le travail éditorial «botché» dans certains cas, je me dis que la rigueur n’est même plus un atout.
Je comprends le point de vue des éditeurs qui publient de gros noms pour pouvoir publier des titres moins payants. En fiction pour adultes, j’ai moi-même publié alors que je n’étais pas super lucrative pour ma maison d’édition. Qui sait, c’est peut-être grâce à X, vedette de tel talk-show qui publiait ses mémoires au même moment, que j’ai pu publier mes modestes histoires. Pouvons-nous juste trouver un juste équilibre entre les deux?
Quant à la rencontre de ces mondes au Salon du livre de Montréal, comme dans tous les autres salons qui se déroulent un peu partout dans la province et au pays chaque année, je pense que la présence de «gros noms» attire effectivement des visiteurs et j’ose espérer, un brin optimiste, que ceux qui iront voir de près Jean-François Baril pour avoir un selfie avec lui seront tentés d’approcher une certaine Karoline Georges, tout près, qui vient de remporter le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada dans la catégorie roman pour De synthèse… Non, ce n’est pas un trophée Artis, mais je peux assurer que c’est fort mérité et prestigieux. Inutile, donc, de lui demander à elle et aux autres écrivains où sont les toilettes ou dans quel téléroman ils ont joué. Ça pourrait les faire rire ou les choquer un tantinet. Mais ils ont bon cœur, ils ne vous en voudront pas longtemps. Et la colère peut parfois être très inspirante. Encore faudra-t-il les lire pour le savoir…
Je craque pour…
Petite sorcière – En solo, pièce de Pascal Brullemans, dans une mise en scène de Nini Bélanger, avec Emmanuelle Lussier-Martinez
Pour les 6 à 9 ans à la Maison Théâtre. Jusqu’au 11 novembre.
Nous n’avons pas pensé aux bonbons d’Halloween qui débordaient de nos poches de manteaux, ni qu’il faisait chaud, ni que la voiture était mal stationnée, ni à la liste d’épicerie, ni à la semaine qui s’en venait… Ophélie, 5 ans, et moi, 40 ans, n’avons pensé à rien d’autre qu’à l’histoire émouvante et un peu épeurante, souvent comique, de la petite sorcière devenue orpheline qui doit user de sensibilité et de débrouillardise pour faire son chemin dans la vie. Nous n’avons été distraites par rien tant nous avons été happées par ce solo que je recommande à tous pour terminer l’année 2018 de manière brillantissime.