La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

À la mémoire de Charlotte

Cette fin de semaine, après avoir visionné le très fort et nécessaire reportage de Josée Dupuis, de l’émission Enquête sur la disparition de Sindy Ruperthouse, femme autochtone de Val-d’Or et sur celles qui disent avoir été victimes d’abus de la part de policiers de la Sûreté du Québec ces dernières années, j’ai amorcé une lecture qui, bien qu’étant sans lien véritable avec l’affaire présentée sur ICI Radio-Canada, raconte elle aussi une tragédie raciste et longtemps passée sous silence, concernant elle aussi une femme, disparue pour sa part à Auschwitz, il y a plus de 72 ans de cela. Cette Juive berlinoise, Charlotte Salomon, enceinte de cinq mois au moment de son exécution à 26 ans – une parmi tant d’autres –, n’aurait pas fait grand bruit elle non plus si l’écrivain français et plutôt médiatisé David Foenkinos (La délicatesse, Le potentiel érotique de ma femme) n’avait pas ressorti l’affaire en s’en inspirant pour son dernier roman, Charlotte, qui, même s'il ne fait pas l’unanimité chez les critiques européens, s’est tout de même mérité le Renaudot en 2014.

Image: Charlotte Salomon via Wikimedia Commons
Image: Charlotte Salomon via Wikimedia Commons

En découvrant l’affaire Salomon, Foenkinos ouvrait un panier de crabes rempli de détails et de peintures qui ont attiré l’attention médiatique sur cette femme fascinante, dont l’œuvre, Leben? oder Theater?, comprenant gouaches, textes et  morceaux de musique a été produite dans des conditions extrêmes à Nice sous l’occupation, entre 1940 et 1942. Ces jours-ci, la jeune maison d’édition française Le Tripode fait paraître en français Vie? ou théâtre?, l’œuvre intégrale de Salomon gardée en lieu sûr par un ami proche et transmise à ses parents survivants du conflit, un livre de 800 pages pesant plus de cinq kilos...  La vie fulgurante de cette artiste s’y trouve, incluant la guerre, ses persécutions, sa relation avec ses parents et sa belle-mère, une célèbre cantatrice de l’époque, ses amours, le suicide de toute une lignée de femmes de sa famille, comme sa mère et sa tante Charlotte, en la mémoire de laquelle elle fut prénommée… D’une beauté sans nom, avec de l’humour (oui, oui!), ce livre qui, si on aime le genre, supplante tous les beaux livres que j’ai pu voir ces dernières années, est à couper le souffle de grandiose, de fébrilité et de génie. Bien qu’il coûte 170$, sachez qu’il les vaut, au même titre qu’une œuvre d’art vers laquelle on retournerait sans se lasser et auprès de laquelle on découvrirait sans fin des détails renversants sur cette femme, mais aussi sur soi-même... Somptueux.

Marie Curie en maîtresse scandaleuse

Au rang des victimes de persécutions longtemps ignorées, quelques années avant Charlotte Salomon, il y eu aussi Marie Curie, scientifique celle-là. Oui, LA Marie Curie, épouse de Pierre, avec qui elle a partagé son premier prix Nobel en 1903 pour leurs travaux sur la radioactivité. Dans Marie Curie prend un amant, un récent roman au titre aussi frappant que ce texte de 368 pages, la Française Irène Frain (Beauvoir in love) retrace une bouleversante histoire d’amour et d’adultère qui fit réellement scandale au début du vingtième siècle, d’autant plus qu’elle impliquait celle qui avait tort d’être femme, célèbre et «étrangère» de par ses origines polonaises. Bien qu’elle soit veuve de son Pierre depuis cinq ans déjà quand l’affaire débute, c’est plus sur sa tête à elle (misère…) que sur celle de son amant, le très brillant Paul Langevin, ami d’Einstein, marié et un peu plus jeune qu’elle, que la presse à scandale frappe, empoisonnant un peu plus chaque jour l’amour et la vie de celle qui s’apprêtait à recevoir son deuxième prix Nobel.

Pour faire la lumière sur ce qui aurait pu rester un vague souvenir décoloré entre les quatre murs du nid d’amour que le couple s’était loué afin de se cacher, à l’ère où Facebook et les sextos n’existaient pas, Irène Frain a, comme l’a fait Foenkinos pour Salomon, fouillé des archives, parmi des articles et des photos oubliées pour en faire jaillir une histoire crédible, sorte de suspense bien ficelé qui trouve encore aujourd’hui résonance en cette époque où il prévaut encore trop souvent de marcher droit sans sortir des rangs. Irène Frain venge un peu la scientifique et c’est savoureux comme tout.

Pas de cassette au Salon!

Ces deux titres qui redonnent voix à des paroles tues seront notamment disponibles du 18 au 23 novembre au Salon du livre de Montréal. La programmation de la 38e édition a été dévoilée le 21 octobre dernier: Monique Proulx, Larry Tremblay, Audrée Wilhelmy, Gilles Laporte, Sampar, Éric-Emmanuel Schmitt, Jean Désy, Kitty Crowther et José Acquelin en sont les invités d’honneur. Parmi les nouveautés au Salon, notez que le 22 novembre à 15h30, les politiciens Maka Kotto du PQ, Françoise David de Québec solidaire, Jean-François Roberge de la CAQ et un mystérieux invité du parti libéral (pourrait-il s’agir de la ministre de la Culture et des Communications Hélène David?) seront de la partie pour parler de leurs lectures de prédilection. Oh! que cet événement risque d’attirer des foules... En tant qu’animatrice de LIRE, je remarque que le simple échange de paroles autour de titres en dit long, décoince et fait taire la sempiternelle cassette. À suivre…

Je craque pour…

  •      Le retour prochain de la grande, la seule et unique Adele.

Et, c’est l’enfant chéri du Québec, Xavier Dolan, qui porte aussi bien la griffe Vuitton qu’il est capable de réaliser des films, de les monter, de jouer dedans, alléluia, qui signe le clip de Hello, premier extrait du prochain album de la chanteuse britannique de 27 ans, plus magnifique que jamais à travers le regard de Dolan qui a opté pour des images couleur sépia et un décor à travers lequel les terres de Dunham n’auront jamais paru aussi glam. Amen.

  •       L’album Elements de Ludovico Einaudi

En parlant de Dolan, c’est une composition de ce compositeur italien, Experience, qui avait engagé le processus de gestation de Mommy

Son nouvel album instrumental, Elements, est tout aussi planant que ses précédents, mais plus organique, teinté de ce qui nous entoure: les étoiles, la terre, l’air, l’eau, le vent… Comme Glass, Einaudi est de ceux qui déposent des diamants au creux de nos oreilles.