La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain, une belle histoire d’amour racontée au cinéma

Dans un mois, c’est Noël. Si vous aimez la musique, offrez-vous un concert dirigé par Yannick Nézet-Séguin. Il se passe toujours quelque chose de renversant lorsqu’il est au pupitre. Si vous ne me croyez pas sur parole, allez voir le film Ensemble, qui prend l’affiche cette semaine. Le documentaire de Jean-Nicolas Orhon, qui nous révèle une partie du mystère YNS, vous en convaincra.



Lorsque j’ai pris ma retraite de Radio-Canada en 2013, une productrice m’avait approché pour faire un documentaire sur Yannick Nézet-Séguin, un sujet en or. Quel beau défi! Malgré un horaire extrêmement chargé, le dynamique maestro avait accepté qu’on le suive et qu’on raconte sa vie. Malheureusement, comme cela arrive souvent dans le milieu de la télévision, le diffuseur qu’on avait approché, essentiel au succès de l’entreprise, avait passé son tour.

Inutile, donc, de vous dire que je suis totalement convaincu de la pertinence d’un film sur Yannick Nézet-Séguin. Je le considère comme un des meilleurs ambassadeurs du Québec à travers le monde. Je n’oublierai jamais toute la fierté que j’avais ressentie en le voyant triompher à l’issue d’un concert à la Philharmonie de Berlin dans lequel il dirigeait avec fougue et brio le mythique orchestre dans un programme qui comptait notamment la Symphonie no 4 de Mahler.

Photo: Francois Goupil
Photo: Francois Goupil

Aujourd’hui, Yannick Nézet-Séguin a 43 ans, est aux commandes de deux des plus prestigieux orchestres américains, celui de Philadelphie et celui du Metropolitan Opera de New York, il a le titre de Chef honoraire de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et il poursuit son histoire d’amour avec l’Orchestre Métropolitain de Montréal (OM) depuis l’année 2000.

C’est à cette relation fusionnelle entre l’OM et YNS que le film Ensemble s’intéresse. Imaginez, lorsque Yannick Nézet-Séguin a été nommé chef et directeur musical de l’Orchestre Métropolitain, il avait 25 ans. Cette nomination, basée sur la promesse d’un grand avenir, lui a permis de se faire connaître sur la planète musique et de devenir la superstar qu’il est.

Dans le film, un musicien dit: «Yannick Nézet-Séguin aurait pu se contenter de régner chez lui, mais il avait beaucoup plus d’aspiration que ça, et du coup, ça a rejailli sur nous.» En effet, il a été ambitieux pour lui-même et pour son orchestre aussi. Sous sa gouverne, l’OM est devenu une grande formation musicale qui peut se permettre d’aborder n’importe quel répertoire, alors qu’avant son arrivée, l’orchestre se cantonnait à des œuvres qui demandaient moins d’engagements.

Le documentariste Jean-Nicolas Orhon n’a pas lésiné sur les heures de tournage pour nous montrer la chimie qui existe entre le chef et ses musiciens. C’est dans ces images captées en répétitions qu’on perçoit la méthode Nézet-Séguin, un mélange de pédagogie, de communication humaine et de don de soi. Le musicien sait partager sa connaissance très approfondie des œuvres, mais aussi insuffler à chacune des personnes qu’il a devant lui l’émotion qu’il ressent à la lecture de sa partition et qu’il veut partager avec le public.

Dans un savant montage du son et des images, le film nous fait passer de la salle de répétition à la salle de concert. On est alors à même de constater que la magie qui opère sur scène est le résultat d’un travail profond et sérieux en amont, sans parler d’une écoute mutuelle de tous les instants.

«Quand tout le monde sur la scène est dans la même volonté, dit la violon solo Yukari Cousineau, ça devient super intense. C’est une multiplication d’âmes.»

La cohésion des musiciens, voilà un autre aspect que le film Ensemble aborde. L’OM, c’est comme une famille. On le sent à travers les huit portraits (comme les huit lettres du mot ENSEMBLE) qu’on nous fait de huit musiciens de l’orchestre. Ce choix du réalisateur nous permet de constater à quel point un orchestre est composé d’éléments disparates, que ce soit les origines sociales, l’âge, l’expérience, l’instrument, et quand toutes ces personnes jouent ensemble sous la direction inspirée d’un être aussi charismatique que Yannick Nézet-Séguin, ça fait des miracles. Cette fusion organique, osons dire l’amour qui existe entre les musiciens et leur chef, est très perceptible lorsqu’on assiste à un concert de l’Orchestre Métropolitain.

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Ce qui nous amène au troisième «mouvement» de ce film: la tournée. Jean-Nicolas Orhon a suivi l’Orchestre Métropolitain lors de son premier déplacement à l’étranger de son histoire, à pareille date l’an dernier. Ça nous permet de voir à l’écran les grandes salles de concert de Dortmund, Cologne, Hambourg, Amsterdam, Rotterdam et Paris. Intéressant d’entendre Yannick Nézet-Séguin, qui les connaît toutes, décrire à ses musiciens l’acoustique de chacune et le type de public qui les fréquente. Mais le meilleur, c’est de ressentir à l’écran l’accueil chaleureux et enthousiaste que notre Orchestre Métropolitain a obtenu dans ces grandes villes de musique. Encore là, c’est la relation fusionnelle entre Yannick Nézet-Séguin et ses musiciens qui a fait la différence auprès de ce public européen aussi connaisseur qu’exigeant.

Je reviens à ce que je disais au début, faites-vous le cadeau de cette expérience. Yannick Nézet-Séguin revient à la barre de l’Orchestre Métropolitain juste avant Noël. Le 21 décembre, à la Maison symphonique, il dirigera la Symphonie no 9 de Mahler et accueillera son amie, la soliste Hélène Grimaud, qui interprètera le concerto pour piano de Schumann. Le 23 décembre, on fera place aux voix avec le Chœur Métropolitain dans un programme composé d’œuvres de Britten, Dvorak et de cantiques de Noël. Ce sera une belle occasion de voir et d’entendre ce que «jouer ensemble» et dans l’amour veut dire.