Une visite au Musée des métiers d’art du Québec s’impose
«Eh, bouleau noir!», comme disait Alexis Labranche dans Les belles histoires des pays d’en haut. J’ai découvert un artiste qui fait du très, très beau avec du bouleau imparfait, cueilli sur sa terre à bois aux Éboulements, dans Charlevoix. Il s’appelle Jean-François Lettre. Arboriculteur et ébéniste de profession, il expose ses plus récentes œuvres au Musée des métiers d’art du Québec (MUMAQ) à Montréal jusqu’au 4 août, et ça vaut le déplacement.
Dans son travail, Jean-François Lettre débite le bois qu’il prélève dans sa cour pour en faire des morceaux de différentes grosseurs qu’il agence ensuite en s’inspirant des nœuds, des cernes de croissance ou des traces laissées par l’action des champignons, ce qu’il appelle de la «mycogravure».
En collant ses morceaux qui ressemblent à des réglettes, il crée des tableaux et des sculptures dans lesquels apparaissent des personnages, des bêtes mystérieuses ou des phénomènes naturels.
Pour nous aider à voir ce que ses œuvres suggèrent, il nous donne des pistes avec ses titres évocateurs comme La danse des sorcières, Le bouc, Effet papillon, Big Bang ou Évolution de l’Homme.
Dire que tout ça a commencé lorsqu’une cliente lui a dit qu’elle trouvait sa planche à découper tellement belle qu’elle avait décidé de l’accrocher au mur, comme un cadre! L’ébéniste a vu là une ouverture à laisser aller son imagination à partir d’une matière qu’il connaît bien.
L’exposition présente quelques objets utilitaires, mais la grande majorité des œuvres que la commissaire de l’exposition, Pascale Beaudet, a retenues sont des sculptures et des bas-reliefs.
En plus du bouleau, l’artiste travaille le cerisier, le sorbier, le frêne et l’érable qu’il marie à l’acier, la fonte, l’aluminium, et même le papier Saint-Gilles.
Cette exposition temporaire du MUMAQ propose plus d’une vingtaine d’œuvres, et une vidéo très intéressante, tournée dans l’atelier de l’artiste aux Éboulements, dans laquelle Jean-François Lettre explique sa démarche.
L’artiste, né à Sorel, est très impliqué dans sa région d’adoption. Il est cofondateur de la Coop de l’arbre de Charlevoix, et c’est lui qui fait les trophées des Prix du patrimoine de Charlevoix remis depuis 10 ans pour souligner les efforts faits localement pour la préservation et la transmission du patrimoine.
Poursuivons la visite du MUMAQ
Jusqu’au 28 avril, le MUMAQ présente les œuvres finalistes du Prix Jean-Marie-Gauvreau, la plus haute distinction en métiers d’art au Québec.
Le Banc Looping, du grand gagnant de cette année, Kino Guérin, est tout simplement hallucinant. Il est fait en un seul morceau à partir d’un contreplaqué flexible, plaqué en chêne blanc. L’artiste, originaire du Saguenay, vend 95% de sa production aux États-Unis.
On s’amuse aussi au contact des œuvres ludiques, mais profondes du collectif Viatour-Berthiaume.
On s’émeut devant le livre d’art que les graveurs-imprimeurs Agathe Piroir et son père Alain ont fait avec des poètes (Hélène Dorion, Joséphine Bacon, Chantal Ringuet, Jamasee Pitseolak) sur les thèmes de la nature, de l’autochtonie et de la migration dans le cadre du centenaire de Riopelle.
On y découvrira aussi Marielle Saucier, artisane textile qui a remporté le Prix de la relève Jean-Cartier 2024 avec son œuvre Mille pensées encarrées, traits courbes no.1.
Ne pas passer à côté de l’exposition permanente Objets témoins
On complète sa visite en faisant le tour de la fascinante, mais méconnue exposition permanente du Musée des métiers d’art du Québec, qui couvre plusieurs siècles d’histoire.
Un festin pour l’œil.
J’ai eu un faible pour Charles Daudelin (1920-2001), qui côtoie Madeleine Arbour.
Et pour les arts textiles de Mariette Rousseau-Vermette (1926-2006), qui voisinent une splendide girouette en cuivre de Claude Huot.
J’ai aussi été subjugué par le sofa de Luigi Tiengo, une pièce qui ne fait pas du tout ses 60 ans.
Il faut savoir que le Musée des métiers d’art occupe la chapelle des Frères de Sainte-Croix attenante au Cégep de Saint-Laurent depuis plus de 20 ans.
L’histoire de ce lieu mérite d’être racontée. Cette église a été inaugurée en 1868 sur le boulevard Dorchester, au centre-ville de Montréal!
En 1929, l’église presbytérienne St. Paul est expropriée par le Canadien National pour faire place à la gare Centrale. Les frères Sainte-Croix l’achètent pour un dollar symbolique. On la démonte pierre par pierre pour la reconstruire à son emplacement actuel, avenue Sainte-Croix, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. L’opération prendra 60 jours! On dirait qu’il y a quelque chose qui s’est perdu dans l’efficacité de nos jours!