Un centenaire festif pour la Société chorale de Saint-Lambert
Le saviez-vous? Au Québec, 510 000 personnes pratiquent le chant choral. S’ils habitaient tous la même municipalité, ce serait la troisième ville en importance après Montréal et Québec.
Il y a 3 300 chœurs, mais un seul est centenaire, et c’est celui de Saint-Lambert. La vénérable Société chorale de Saint-Lambert aura officiellement 100 ans en février, et durant tout le mois, une panoplie d’événements sont prévus pour souligner cet anniversaire.
Pour prendre la mesure de ce que ça veut dire cent ans, remontons dans le temps. L’année 1919 est marquée par la mort de Wilfrid Laurier, la naissance de Pierre Elliot Trudeau, le début du règne de William Lyon Mackenzie King, l’inauguration du pont de Québec et du monument à Sir Georges-Étienne Cartier sur le mont Royal, la signature du traité de Versailles et l’annulation de la finale de la coupe Stanley à cause de la grippe espagnole.
Pendant ce temps, sur la rive sud de Montréal, un groupe de mélomanes de Saint-Lambert, alors une municipalité de 4 000 âmes à 62% anglophone, décide de fonder la St. Lambert Amateur Operatic Society. À l’époque, le public est très friand des opéras-comiques et des opérettes. On lui offre régulièrement des œuvres de Gilbert et Sullivan.
En 1919 et en 1920, une partie des revenus engendrés par les productions The Yeomen of the Guard et The Gondoliers de ce célèbre duo vont à la construction du mémorial des soldats de Saint-Lambert. Le niveau des spectacles est tel qu’on les reproduit au Théâtre Saint-Denis et au chalet du Mont-Royal.
Cette orientation dure jusqu’à la moitié des années 1960, après quoi le répertoire prend une tangente plus classique; même que le nom de l’organisme change en 1971 pour St. Lambert Choral Society.
En 1991, à la faveur de l’accroissement de la présence francophone, la chorale ajoute à son nom l’appellation française Société chorale de Saint-Lambert (SCSL).
Depuis 2015, un vent de renouveau souffle sur la SCSL. Le jeune chef Xavier Brossard-Ménard succède à David Christiani, qui occupait la direction artistique depuis 35 ans. Selon Geneviève Sarda, présidente du conseil d’administration et choriste, ce 18e chef dans l’histoire de la société lambertoise amène une nouvelle dynamique. «Aujourd’hui, les chefs sont très formés, c’est le cas de Xavier. En plus d’être facile d’accès, direct et ouvert, il a de grandes habiletés sur le plan pédagogique. Sa capacité à nous faire comprendre le texte qu’on chante nous fait avancer collectivement.»
Xavier Brossard-Ménard, qui est clarinettiste de formation, a dirigé plusieurs chœurs avant d’arriver à Saint-Lambert, notamment à l’Université de Montréal.
«Quand on m’a approché pour la direction, j’étais emballé à l’idée d’être à la tête d’une formation bientôt centenaire. Il y a dans une organisation qui a résisté au temps une capacité d’adaptation et un désir d’excellence. Cela permet de mettre la barre haute. Le chœur de Saint-Lambert est certainement parmi les dix meilleurs chœurs du Québec. Quand je suis arrivé, en 2015, j’ai fait un plan sur quatre ans, et déjà, en novembre 2017, on est arrivé à faire le Requiem allemand de Brahms, 70 minutes d’une musique très difficile. Ça a été miraculeux.»
Les choristes qui font partie de cette formation sont issus de différents milieux et formations, et ont en commun de ne pas être des professionnels du chant. Leur chef s’attend d’eux qu’ils s’engagent à travailler.
«C’est une chorale où l’on vient plus que pour le social. Je peux être drôle, faire des niaiseries, dit-il, mais je travaille sérieusement, ce qu’apprécient les choristes. Et si tu allies le plaisir à la confiance et à l’exigence, tu réussis.»
Geneviève Sarda insiste pour que le côté amateur demeure.
«Il faut que nos rangs restent ouverts aux gens qui ont envie de chanter. Du reste, on passe des auditions, on demande que nos membres aient une connaissance du solfège, et on s’attend d’eux qu’ils travaillent fort. Tout ça est important pour atteindre les défis qu’on se donne. Et c’est tellement gratifiant quand on y arrive.»
Pour être membre de la Société chorale de Saint-Lambert, il faut même mettre la main à sa poche. S’inscrire coûte 300$, une somme qui inclut les frais pour les partitions et la location des salles de répétition. D’aucuns diraient que c’est bien peu pour le bien que le fait de chanter rapporte.
Pour Geneviève Sarda, cette contribution financière des choristes est essentielle, car le financement des chorales est de plus en plus difficile. Selon elle, les chœurs amateurs sont très peu soutenus par les programmes d’aide des gouvernements même s’il s’agit d’une pratique très répandue.
Selon une étude réalisée pour l’Alliance chorale du Québec, un Québécois sur quatre a déjà chanté dans une chorale et plus d’un million d’adultes québécois ont assisté à des concerts de chœurs en 2016.
Selon la même étude, les organisations chorales qui ont déclaré des recettes doivent compter sur leurs propres revenus pour vivre, la contribution des gouvernements ne représentant que 5% de leurs revenus. Le budget restreint de la SCSL empêche entre autres d’augmenter les effectifs, et par conséquent impose des limites sur le plan du répertoire.
Pour le concert du centenaire du 11 mai, qui prévoit des œuvres de Leonard Bernstein et Ralph Vaughan Williams, Geneviève Sarda souhaite faire passer de 50 à 70 le nombre de choristes. Elle fera appel pour l’occasion à des chanteurs de l’extérieur.
Xavier Brossard-Ménard rêve d’augmenter ses effectifs, mais pour le moment, il est tout de même content de la masse sonore qu’il parvient à obtenir de ses 50 chanteurs. «Ils y arrivent parce qu’ils lisent la musique. Ça fait toute la différence», précise-t-il.
Pour revenir aux festivités du centenaire, elles commencent le 1er février avec un spectacle de Nicolas Pellerin (le frère de Fred) et les Grands Hurleurs. Le lendemain, la SCSL produit un concert mettant en vedette trois chœurs d’enfants de la Rive-Sud. Des films (Maria par Callas, Ensemble), des conférences, dont celle du journaliste Michel Rochon sur le cerveau et la musique, et une exposition sur l’histoire de la Société chorale de Saint-Lambert, préparée en collaboration avec la Société d’histoire Mouillepied, sont également prévus.
Cette offensive est peut-être le prélude à la création d’une Maison de la culture à Saint-Lambert. Il y a dans cette chorale des gens de cœur qui ont envie de redonner à leur ville la vitalité culturelle qu’elle avait en 1919. Mais ça, c’est une autre histoire. À suivre…