3 nouveautés cinéma, 3 univers bien différents
Des personnes âgées exploitées par le directeur de leur maison de retraite. Une enfant qui souhaite que ses parents vivent chacun dans leur maison. L’union improbable d’un homme et une femme pour sauver une grande boucherie parisienne. Cette semaine, je vous parle de trois nouveautés cinéma qui nous invitent dans des univers bien différents les uns des autres.
Maison de retraite, comme un Chez-nous des artistes français
Quatre mois après sa sortie en France, la comédie Maison de retraite arrive sur les écrans du Québec, dopée par deux millions d’entrées chez nos cousins, ce qui la place dans la liste des cinq films français les plus vus depuis le début de l’année.
Est-ce que ça en fait un bon film pour autant? Non, mais disons que le fait que l’action se passe dans une résidence pour personnes âgées a piqué ma curiosité, autant que la distribution qui réunit notamment Gérard Depardieu, Jean-Luc Bideau et… Mylène Demongeot (oui, oui, celle qui est apparue en même temps que Brigitte Bardot et que j’aimais tant dans la trilogie des Fantomas). De les voir tous dans ce décor de chaises berçantes et de marchettes peuplé de préposés aux bénéficiaires nous donne l’impression d’un Chez-nous des artistes français, mais dirigé par un dictateur.
En effet, le réalisateur Thomas Gilou (Black mic-mac, La vérité si je mens 1 et 3, Michou d’Auber) installe son histoire dans une maison de retraite tenue par un directeur très rigide qui n’accepte dans son établissement que des vieux sans famille pour mieux les contrôler.
Un jour, un jeune de banlieue condamné pour maltraitance de personne âgée débarque dans la place pour y faire 300 heures de travaux communautaires. On aura droit à tous les stéréotypes imaginables sur la jeunesse qui ne sait pas travailler et les vieux qui se plaignent de tout, tout le temps. Mais évidemment, le vent tourne lorsque le préposé découvre les pratiques frauduleuses de la direction et qu’il entreprend de libérer ses bénéficiaires du joug de leur bourreau.
Le film est l’équivalent d’une peinture à numéro. Toutes les cases sont remplies de manière très prévisible. Parmi les résidents, il y a un patient Alzheimer à la libido très forte, une ancienne enseignante pleine de bons sentiments, un ancien boxeur grognon au cœur tendre, une femme noire qui s’ennuie de son île natale. Du côté du personnel, on a une chef d’équipe de couleur fonctionnant selon le règlement, un infirmier très efféminé, un gardien de sécurité qui fait peur, et notre personnage principal, orphelin qui a manqué d’attention, qui se transforme en super héros devant l’injustice dont il est témoin.
Voilà une production qui sera plus à sa place sur un écran de télé ou d’avion que dans un cinéma. Mais soyons quand même honnêtes, les vieux acteurs de la distribution sont attendrissants, particulièrement Gérard Depardieu et Mylène Demongeot.
Devant le succès obtenu en France, les producteurs ont déjà décidé d’y aller avec une suite. Voilà peut-être un argument pour aller voir Maison de retraite 1.
Pas de chicane dans ma cabane, plaidoyer d’une enfant pour que ses parents vivent dans deux maisons différentes.
Autre sortie cette semaine, au titre accrocheur, Pas de chicane dans ma cabane.
Avouons au départ que je ne suis pas le public cible puisqu’on y raconte la quête d’une fillette de 12 ans pour amener ses parents à divorcer. Comme son père et sa mère, deux avocats, sont toujours en train de se chicaner, Justine pense qu’elle serait plus heureuse s’ils vivaient séparés, comme c’est le cas pour plusieurs parents de ses amis.
À défaut d’avoir l’oreille de la Cour de la famille, Justine monte, pour le spectacle de fin d’année, une pièce où se joueront les procédures de divorce de ses parents avec juge, avocat de la défense, témoins, incarnés par ses camarades de classe.
Voilà un sujet qui devrait parler à un public très large. Dans une conversation avec le tough de la classe, Justine sort une statistique implacable: une famille sur deux vit séparée.
L’idée de Sandrine Brodeur-Desrosiers et Maryse Latendresse d’aborder ce thème par le biais d’un spectacle de fin d’année est amusante, mais mince. Avant d’arriver au fameux procès joué devant élèves, professeurs et parents, les coscénaristes étirent leur concept avec quelques intrigues parallèles qui explorent différents dysfonctionnements de la famille et la fragilité de l’amitié à l’école primaire.
Malheureusement, les enfants, et les adultes, manquent de direction, ce qui nuit au rythme et à l’émotion du projet. Peut-être qu’avec tous les ingrédients qu’on a ajoutés au film pour faire jeune (planches à roulettes, origami, coiffures, vêtements, jokes de pets et de vomi), le vrai public cible n’y verra que du feu. Mais l’adulte en moi a trouvé qu’on était loin de la maîtrise des Contes pour tous de Rock Demers.
Tendre et saignant, comme si on fermait la Maison du rôti
J’ai gardé le meilleur pour la fin: Tendre et saignant de Christopher Thompson (Bus Palladium).
Même si c’est seulement son deuxième film comme réalisateur, Thompson est rompu aux codes du cinéma populaire. Le fils de Danièle Thompson (Fauteuils d’orchestre, La reine Margot, La boum) et petit-fils de Gérard Oury (La grande vadrouille, Les aventures de Rabbi Jacob) est visiblement tombé dans la potion magique quand il était petit. Son film fait mouche dès les premières minutes.
Dans son scénario, il fait se rencontrer deux mondes qui auraient bien peu de chance de se rencontrer dans la vraie vie: la mode et la boucherie.
Charly, qui mène d’une main de fer un magazine de mode qui dicte les tendances, se voit contrainte de remettre les pieds dans le commerce de son père lorsque celui-ci meurt subitement. Elle trouvera derrière l’étal du boucher un commis très entreprenant qui mettra tous les moyens qu’il peut pour sauver l’entreprise de la fermeture décidée par l’héritière.
Moi, qui ai été très chagriné en janvier dernier de la fermeture définitive de ce qui a été ma boucherie pendant plus de 30 ans, Slovenia, sur le boulevard Saint-Laurent, pour la nommer, j’ai aimé qu’on fasse du défi de sauver une entreprise artisanale un sujet de film.
Dans l’histoire, Martial, le boucher idéaliste, défend un art qui se perd à cause de l’absence de relève et du poids tout puissant des grands groupes industriels sur la transformation de la viande.
Tendre et saignant va certainement faire frémir les végétariens, mais il fera par contre saliver ceux qui aiment la bonne viande, produite avec amour par des producteurs attentionnés pour leur cheptel. Le film nous amène d’ailleurs sur les routes de France chez des éleveurs qui se démènent pour maintenir de hauts standards de production.
Le comédien Arnaud Ducret est très convaincant avec son tablier, ses couteaux et sa bonhommie de garçon boucher. La relation avec sa brigade m’a rappelé les belles heures de Slovenia avec Georges, Daniel, André, Jean, Joël et Dario, des hommes qui ont toujours eu le souci des choses bien faites et du service courtois.
Dans le rôle de l’héritière du commerce de son père, on retrouve Géraldine Pailhas, que je ne connais pas vraiment (elle est la conjointe du réalisateur). L’élégante actrice brille autant dans le milieu chromé de la mode que dans celui de la vente au détail de viande fraîche. D’ailleurs, les images font honneur à l’art de la boucherie, où une pièce de viande bien bardée peut avoir des allures de haute couture. À tout le moins dans l’œil du carnivore qui s’assume.
Comme cela arrive souvent, le film se perd un peu vers la fin, mais pas au point de gâcher la cuisson finale du morceau. L’image culinaire du titre, Tendre et saignant, rend bien justice au menu que nous propose Christopher Thompson.