La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Suggestions culturelles pour le mois de novembre

Au moment où je m’assois à ma table de travail pour écrire cette chronique, j’ai l’impression de revenir de vacances. Quel été des Indiens avons-nous vécu! Soleil et chaleur pendant des jours; cela n’était pourtant qu’une parenthèse. Novembre, le mois des morts, reprend ses droits, et avec la pandémie qui reprend de la vigueur, on recommence à s’inquiéter de la situation dans les CHSLD.



Cette semaine, je veux justement attirer votre attention sur deux films présentés aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) qui nous amènent au cœur des CHSLD, ces milieux de vie méconnus de la majorité d’entre nous. Coïncidence, ces deux documentaires ont été tournés au même endroit, au foyer Émilie-Gamelin, dans le quartier Centre-Sud de Montréal, avant l’arrivée de la COVID-19.

CHSLD, mon amour

Le documentaire du réalisateur Danic Champoux commence de manière saisissante. On assiste au réveil d’une patiente qu’on soupçonne être atteinte d’Alzheimer. Elle ne parle pas. Son visage est fermé. Il faut la palanquer pour la sortir de son lit. L’assoir pour la faire manger. Lui brosser les dents. Le préposé qui s’occupe d’elle nomme chaque geste qu’il pose.

Pendant 75 minutes, on partagera les moments d’intimité de quelques résidents du foyer Émilie-Gamelin, une institution où, comme nombre de CHSLD québécois, cohabite une clientèle variée: personnes tout simplement âgées, en perte d’autonomie, déficientes, victimes d’AVC, d’Alzheimer.

La caméra capte une variété de situations: les échanges – souvent badins – entre le personnel et les résidents, les repas, l’animation, les soins corporels intimes, etc. Aucune voix hors champ ne vient mettre en contexte ce qu’on voit. C’est du cinéma-vérité avec tout ce qu’il peut avoir de déstabilisant. On est projeté dans ce monde qui nous est inconnu, jusqu’au malaise. En fait, le documentaire nous montre ce qu’on ne veut pas voir: à quoi ressemble la vie en institution.

Dans le texte de présentation du film qu’on trouve sur le site du producteur Magasin Général, le réalisateur Danic Champoux écrit ceci:

«Un CHSLD, c’est une planète. Une toute petite planète, comme une maquette du grand monde. Et un titanesque ouvrage collectif. Ce n’est pas un mouroir. C’est un édifice de vie. Certes, la mort fréquente souvent cet endroit, mais elle ne fait que passer. À travers les sales besognes, les questionnaires, les prises de sang, les cris, les étouffements, c’est la vie qui s’accroche comme elle peut. Nous voulons éclairer l’âme du centre d’hébergement Émilie-Gamelin et aussi accéder à la brutale réalité des "vieux" et des "vieilles" de ce pays. Aussi poétiquement que faire se peut…»

Personnellement, j’ai trouvé la réalité décrite plutôt affolante. Le film confirme par ailleurs que le personnel travaillant dans les CHSLD mérite toute notre reconnaissance. Je n’ose pas imaginer à quoi un tel milieu peut ressembler en situation d’éclosion de COVID. Oui, des anges!

Mettez ça à votre agenda, CHSLD, mon amour pourra être visionné sur le site des RIDM du 26 novembre au 2 décembre dans la section Repenser l’intimité.

CHSLD

Le court métrage CHSLD de François Delisle, présenté aux mêmes dates, dans la même section des RIDM, a une approche très différente, beaucoup plus pudique, mais tout aussi saisissante.

Le réalisateur nous propose d’accompagner les derniers moments de la vie de sa mère… en photos. Pendant 20 minutes, les clichés de sa mère qui s’éteint petit à petit défilent, jusqu’au dernier souffle. Cela m’a rappelé l’image de la mienne lorsqu’elle est décédée, le même lâcher-prise, l’identique masque mortuaire.

La trame sonore de cette suite de portraits est constituée d’échanges entre le fils et sa maman. Atteinte d’Alzheimer, Jacqueline Courtemanche répond aux questions qu’on lui pose en peu de mots: merci, c’est bon, ça me fait plaisir, c’est ça la vie, et… le mauvais prénom quand on lui demande d’identifier son fidèle visiteur. On y entend aussi le personnel qui prend soin de la mère du réalisateur. Encore une fois, l’évidence, ceux qui travaillent auprès des personnes âgées et en fin de vie sont des anges.

CHSLD a été fait avant CHSLD, mon amour et avant la pandémie. François Delisle se trouve privilégié d’avoir pu accompagner sa mère jusque dans ses derniers moments. Dans le générique de fin, il écrit:

«Si ce petit film peut mettre un peu de baume sur cette cicatrice à la fois intime et planétaire, l’expérience en aura valu la peine.»

Les 23es Rencontres internationales du documentaire de Montréal ont commencé jeudi et se poursuivent jusqu’au 2 décembre. 109 films, y compris 48 longs métrages, peuvent être visionnés à partir de la plateforme du festival.

Arion, Orchestre baroque

L’orchestre baroque Arion a 40 ans. Ça ne me rajeunit pas, moi qui suis cette formation avec intérêt depuis ses débuts sous la houlette de Claire Guimond. Maintenant que cette dernière a pris sa retraite, c’est le musicien Mathieu Lussier qui en assure la direction artistique.

Évidemment, la pandémie a changé les plans d’Arion. Le 40e anniversaire sera célébré en ligne plutôt qu’à la salle Bourgie, son lieu de résidence à Montréal.

À toute chose, malheur est bon, d’où qu’il soit au Québec, le public peut visionner dans le confort de son foyer deux concerts qu’Arion a enregistrés le 6 novembre dernier. Ils sont offerts sur le site de l’ensemble depuis jeudi et jusqu’au 3 décembre.

Au programme du premier concert, des extraits de l’œuvre Les Nations de François Couperin (1668-1733), alors que le deuxième est constitué de compositions de Corelli, Muffat, Geminiani et Handel. Chaque programme est d’une durée approximative d’une heure. Pour vous donner un avant-goût, regardez cette vidéo enregistrée en août dernier par les musiciens d’Arion au Stade olympique.

Dans la bulle des Ballets jazz de Montréal

Tout le monde essaie de continuer à vivre malgré la pandémie. Dans le milieu culturel, ça donne lieu à toutes sortes d’initiatives pour parvenir à créer malgré les interdits.

Photo: Sasha Onyshchenko

Dernièrement, les danseurs des Ballets jazz de Montréal se sont constitué une bulle. Après avoir fait une quarantaine et s’être fait tester négatifs, les danseurs et l’équipe des BJM ont mis le cap sur la région de Charlevoix pour faire une résidence de trois semaines au Domaine Forget. C’est dans ce cadre enchanteur qu’ils ont créé – sans la contrainte des masques et de la distanciation – l’œuvre Approximately Close - Quand le passé n’est presque plus d’Ermanno Sbezzo.

Photo: Sasha Onyshchenko

 

Ces jours-ci, la troupe se retrouve en résidence au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts pour mettre la touche finale à ce spectacle, qui fera l’objet d’une captation offerte gratuitement en direct sur la page Facebook des Ballets jazz de Montréal et sur YouTube le 19 novembre à 18h30. La prestation demeurera en ligne pour 48 heures.

Photo: Sasha Onyshchenko

Si Dieu existe

Le directeur artistique et chef attitré de l’Orchestre symphonique de Longueuil récidive avec un autre bon coup.

Après la reprise du Blues du businessman, vu plus d’un million de fois sur Facebook et YouTube, Alexandre Da Costa a de nouveau réuni ses musiciens autour, cette fois, de Claude Dubois pour l’exécution de la toujours émouvante chanson Si Dieu existe.

Tourné sur plusieurs sites emblématiques du Québec, le vidéoclip, qui met en vedette le chanteur toujours aussi en voix, les musiciens de l’OSL et le Stradivarius d’Alexandre Da Costa, est époustouflant.