Raconter l’histoire de Montréal, un objet à la fois
En 2022, Pointe-à-Callière célèbre ses trente ans d’existence. Dix millions de visiteurs! Pour l’occasion, le musée propose une toute première exposition montée à partir de sa propre collection, laquelle compte déjà, malgré le jeune âge de l’institution, plus de 40 000 pièces conservées dans différents entrepôts de la métropole.
À partir de quatre cent de ces objets, les conceptrices de Coup de cœur! Nos collections s’exposent, Brigitte Lacroix et Julie Chaumont, nous racontent des pans de l’histoire de la métropole à travers un parcours de vingt tableaux. On y traite autant de l’évolution des transports, de l’économie, et du commerce à Montréal, que des racines culturelles et sportives de la ville.
Au fil du parcours, quatre capsules vidéo jettent un éclairage supplémentaire sur les thèmes abordés, avec l’urbaniste Justin Bur, l’archéologue Louise Pothier, l’historien Mario Robert, et votre humble serviteur. On a fait appel à mes plus de trente ans de couverture culturelle pour évoquer la particularité de Montréal, métropole culturelle. Je le dis par souci de transparence. Après y avoir bien pensé, je ne crois pas que cette contribution devrait m’empêcher de vous parler de cette exposition franchement très réussie. Cette admission faite, regardons plus en détail à quoi elle ressemble.
Le premier tableau, intitulé L’Arbre des Montréalais, est un clin d’œil aux fameuses boîtes de classement en carton qu’on empile pour l’entreposage. Par les fentes des poignées découpées, le public peut voir une première série d’objets, tels que des souvenirs relatifs à Expo 67. Pointe-à-Callière possède notamment les fameuses lunettes du maire Jean Drapeau, le père de Terre des hommes.
Sur un mur adjacent, c’est une suite d’images de cartes postales d’autrefois qui défilent sous nos yeux, intercalées de photos des lieux tels qu’on les connait aujourd’hui. Inutile de dire que la ville a bien changé au fil des ans.
Prenons le pont Victoria, qui fait l’objet d’un tableau. À son inauguration en 1860, il était la seule structure enjambant le fleuve. On en parlait comme de la huitième merveille du monde, nous apprend-on. On expose entre autres les jetons de péage que ses usagers devaient utiliser pour faire la traversée.
Torche des Jeux olympiques de Montréal, un des premiers modèles de ski-doo fabriqué par la compagnie Bombardier, service de vaisselle avec fleurs de lys en or commandé par le premier ministre Maurice Duplessis, bonnet d’hiver de Louis-Joseph Papineau, les objets exposés sont hétéroclites, mais ils témoignent chacun d’une époque, d’un style de vie, d’une mode.
La présentation est très ludique, qu’on pense au tableau qui illustre le Montréal commerçant, avec ses accessoires de magasin général jaillissant de la boîte d’un vélo de livraison de dépanneur.
On a même pris soin de créer une trame sonore qui nous permet d’entendre les sons de Montréal comme celui, si caractéristique, du métro.
Le musée Pointe-à-Callière, qui est une destination familiale par excellence, un incontournable des sorties scolaires, offre avec cette exposition une occasion aux enfants de découvrir un monde révolu, et aux plus vieux, de ressasser d’anciens souvenirs. Il y a là matière à avoir de beaux échanges entre générations.
J’imagine déjà la surprise des jeunes de moins de vingt ans lorsqu’ils verront le tableau traitant de l’évolution de la téléphonie, du téléphone à cadran au portable de première génération, ou celui rappelant les vitrines de chez Dupuis Frères, et ses catalogues, ancêtres d’Amazon.
Dans l’allée qui évoque la vie culturelle montréalaise, on peut voir un diaporama de photos de célébrités de tout genre qui sont passées par Montréal, des affiches des Foufounes électriques, une collection de paquets d’allumettes qui rappellent des lieux fameux, aujourd’hui disparus. Au-dessus de nos têtes, pendant qu’on écoute sur écran géant le poème Speak White de Michèle Lalonde, on a suspendu un chapelet de boules aux couleurs de l’arc-en-ciel rescapées de l’installation que l’architecte Claude Cormier avait conçue pour le Village, rue Sainte-Catherine. Il y a aussi un piano droit, accordé, avec des partitions pour ceux qui ont envie de chanter.
Parce que la vie est en marche et qu’il faut aussi témoigner des préoccupations d’aujourd’hui, l’exposition se termine par une œuvre contemporaine que le musée Pointe-à-Callière a commandée à l’artiste autochtone Caroline Monnet.
Comme vous le voyez, l’histoire est convoquée un objet à la fois, et l’ensemble de cette courtepointe finit par évoquer qui nous sommes.
L’exposition est l’affiche du musée Pointe-à-Callière jusqu’au 8 janvier 2023.