La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

À voir à Québec cet été!

Cet été, Hergé, le père de Tintin, est à Québec. Le Musée de la civilisation lui consacre une grande exposition, et c’est toute une aventure.



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Photo: Claude Deschênes

Première particularité, le parcours est rétrochronologique. On commence par la fin de la vie du célèbre dessinateur de bande dessinée et on termine par ses débuts dans la Belgique qui l’a vu naître.

L’idée de parcourir à l’envers les cheminements personnel et professionnel d’Hergé n’est pas la trouvaille du siècle. Alors, permettez-moi de vous raconter ma visite dans le sens chronologique.

N’est-ce pas intéressant de savoir, avant tout, que Georges Remi a commencé jeune? Il aurait un don inné. Dès l’âge de sept ans, il crayonne déjà des histoires en images, inspiré par les films muets qu’il allait voir hebdomadairement avec sa mère. Le cinéma, c’est manifeste tout au long de l’exposition, a façonné sa manière d’approcher la bande dessinée.

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Photo: Claude Deschênes

Le personnage Hergé, lui, s’impose en 1924. C’est cette année-là que George Remi choisit de signer ses illustrations du nom d’Hergé, qui est la transcription phonétique des initiales de ses nom et prénom.

Cinq ans plus tard, le 10 janvier 1929, le dessinateur met au monde Tintin et Milou. Au début, il n’y consacre pas tout son temps. La publicité l’occupe et l’exposition s’intéresse à cette période méconnue où il a été un graphiste très efficace. De nombreuses affiches en témoignent. Les réclames qu’il dessine pour la compagnie aérienne Sabena, de grands magasins ou des produits alimentaires révèlent un style simple, coloré et empreint de mouvement qui sera par la suite sa marque de commerce.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

De Tintin au pays des Soviets en 1930 à Tintin et les Picaros en 1976, l’art d’Hergé ne cesse jamais de se raffiner.

Derrière cette œuvre très maitrisée, qui coule pour le lecteur, se cache un travail titanesque que l’exposition nous amène à découvrir. Les croquis, les scénarios, les ébauches, la recherche documentaire, les différentes étapes d’impression, le visiteur a droit à toute l’arrière-scène de la production d’un album de Tintin. Le Musée Hergé, qui a créé cette exposition, ne manque pas de pièces à conviction! Plus de 300 documents sont exposés.

Dans la salle consacrée au Lotus bleu – produit en 1934!!! –, on peut, par exemple, apprécier des subtilités qui nous ont échappées comme lecteur, comme le sens des mots écrits en caractères chinois.

Dans celle qui se penche sur Objectif Lune et On a marché sur la Lune, deux albums sortis 15 ans avant l’exploit de l’astronaute américain Neil Armstrong, premier homme à marcher sur la Lune, on met l’accent sur l’immense recherche qu’ont nécessité ces deux aventures pour qu’on leur prête un peu de crédit. On peut notamment observer la maquette de la fusée rouge et blanc en écoutant la chanson Ground Control to Major Tom de David Bowie. C’est là tout l’art d’Hergé: inventer des histoires qui reposent sur des faits historiques, scientifiques ou des traits culturels et sociologiques.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Au fil des ans, Hergé a publié 23 Aventures de Tintin, des ouvrages qui ont été traduits en 100 langues, dialectes ou patois. Très impressionnant de voir réunies, côte à côte sur un mur, ces différentes versions.

Cette réussite d’Hergé repose sur un labeur incessant qui s’est fait au détriment d’une carrière de peintre à laquelle le dessinateur a renoncé par manque de temps pour s’y consacrer sérieusement. Les quelques toiles signées de son nom qu’on peut voir nous convainquent qu’il aurait pu rivaliser avec les artistes de son époque, comme Miro, pour n’en mentionner qu’un.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

L’exposition présente aussi quelques œuvres qu’Hergé a collectionnées, au nombre desquelles on retrouve une magnifique série de sérigraphies représentant la cathédrale de Rouen signées Roy Lichtenstein. Ce goût pour l’art abstrait et le pop art donne une image différente de cet homme qu’on a souvent qualifié de raciste, conservateur et sexiste. Il y a aussi le portrait qu’Andy Warhol a fait du dessinateur belge qui contribue à le rendre très cool aux yeux du visiteur.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Bref, dans cette nouvelle aventure, Hergé mérite tout à fait l’attention qu’on lui accorde. Il a été un personnage majeur de l’histoire de la BD, on pourrait même dire du XXe siècle. Voilà une exposition qui peut plaire aux 7 à 77 ans et qui donne envie de relire les Aventures de Tintin.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Les nouvelles expositions du pavillon Lassonde

Un an après l’inauguration de son magnifique pavillon Lassonde, le Musée national des beaux-arts du Québec nous invite à y revenir. L’institution de la Grande Allée a programmé pour l’été deux expositions très contrastées qui piquent la curiosité: une constituée d’œuvres d’art religieux, et l’autre célébrant un photographe dont la carrière a été intimement liée à celle du peintre Salvador Dali.

Un photographe étonnant

Ce photographe, c’est Philippe Halsman (1906-1979). Je me suis rendu compte que je connaissais plus son travail que son nom. La fameuse photo d’Hitchcock avec un oiseau perché sur son cigare, c’est lui. On lui doit également ces nombreuses photographies de personnalités publiques en train de sauter. Ce rituel qu’il imposait aux sujets qu’il photographiait porte le nom de jumpology.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Letton d’origine, Halsman a commencé à exercer son métier à Paris en photographiant des célébrités comme Gide, Chagall, Malraux. Fuyant les persécutions juives, il se retrouve à New York durant la Deuxième Guerre grâce à Albert Einstein. Aux États-Unis, son travail est alors rapidement exposé à un vaste public puisqu’il collabore à de grands magazines populaires. Aucun autre photographe n’a fait aussi souvent la une du Life que Philippe Halsman. Une centaine!

Il a souvent travaillé avec Marilyn Monroe, dont il a repéré le potentiel dès 1949. L’exposition est généreuse en photos de cette icône qui nous fascine toujours autant.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Son plus grand partenaire de travail, et de jeu, j’oserais dire, c’est le peintre surréaliste Salvador Dali. Sur plus d’une quarantaine de séances en studio, les deux hommes se sont amusés à fusionner leur monde. Celui de la publicité et du portrait pour Halsman, et celui de l’art et du fantasme pour Dali.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

L’exposition s’intitule Étonnez-moi!, et c’est exactement l’effet que ça fait. 

Des tableaux religieux au destin rocambolesque

L’autre exposition du MNBAQ présentée au Pavillon Lassonde célèbre un bicentenaire bien spécial. Il y a 200 ans, le Québec accueillait plus d’une centaine de tableaux religieux réalisés par des peintres français et ayant échappé à la destruction lors de la Révolution française.

Au cœur de cette histoire rocambolesque, il y a deux prêtres, les abbés Philippe-Jean-Louis et Louis-Joseph Desjardins, qui jouent à la fois les rôles de marchands d’art, de sauveurs du patrimoine et de propagateurs de la foi. Leur entreprise permettra à de nombreuses paroisses de décorer leurs églises avec faste. Devant la grande demande, les œuvres importées de France seront aussi beaucoup copiées.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Parmi les 70 œuvres exposées, il y a des originaux et des copies qu’on peut d’ailleurs prendre plaisir à comparer.

Même si on n’est pas si sensible à ce type d’art, on ne peut qu’être impressionné par l’aspect monumental des tableaux et l’incroyable parcours qu’ils ont emprunté pour aujourd’hui s’offrir à nos yeux.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

L’exposition Le fabuleux destin des tableaux des abbés Desjardins est à l’affiche à Québec jusqu’au 4 septembre, après quoi elle traversera l’Atlantique pour être présentée au Musée des beaux-arts de Rennes du 14 octobre 2017 au 28 janvier 2018. L’histoire de ces tableaux continue de s’écrire!

Et pourquoi pas traverser de Québec à Lévis?

La ville de Lévis mérite plus que jamais qu’on traverse le Saint-Laurent pour profiter de ses berges réaménagées avec panache. Ça a commencé par une nouvelle gare fluviale en 2015 à laquelle s’est ajouté un parc flambant neuf en 2016, réalisé par le cabinet d’architectes Lemay. Le Quai Paquet, c’est le nom de ce nouvel espace, est doté de la fontaine la plus puissante au Canada. Elle compte 160 jets s’élevant jusqu’à neuf mètres de hauteur. Il y a un spectacle son et lumière offert gratuitement tous les jours et une programmation de spectacles et d’événements comme la course de grands voiliers qui aura lieu du 18 au 23 juillet. Et c’est bien connu, la plus belle vue de Québec, c’est Lévis qui l’a!

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

La grande histoire d’un petit bateau

À deux pas de là, au lieu historique national du Canada du chantier A.C. Davie, on peut voir, jusqu’au 31 octobre, une exposition du Musée naval de Québec qui raconte l’histoire du Jeffey Jan II, un luxueux yacht datant de 1939 qui a servi à transporter des participants à la Conférence de Québec, dont le premier ministre anglais Winston Churchill. Le bateau a été complètement restauré ces dernières années et affiche une mine à la hauteur de sa légende.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Stayin’Alive, Stayin’ Alive, Ah, ha, ha, ha…

Dernier arrêt, le Capitole, qui fait revivre cet été la fièvre du samedi soir avec un spectacle inspiré du film Saturday Night Fever, qui célèbre ses 40 ans. À la base, ce spectacle a été conçu en France, mais les producteurs québécois y ont apporté une touche locale en confiant le rôle principal et l’adaptation au danseur vedette Nico Archambault, qui partage la scène avec son épouse,  Wynn Holmes.

C’est une grosse production, avec une vingtaine de personnes sur scène et d’énormes moyens mis sur la scénographie.

Personnellement, j’ai eu des réserves sur l’histoire, plutôt mincissime, et sur le jeu. Les artistes semblent avoir été davantage choisis pour leur talent de danseur que d’acteur. Par contre, chapeau aux chanteurs qui honorent ce répertoire mythique des Bee Gees. Les éclairages et les projections contribuent également à en mettre plein la vue.

En tout cas, ceux qui se sont déhanchés sur la piste du Dagobert, célèbre boîte de la Grande Allée, ou tout autre lieu semblable éclaboussé des rayons de la boule-miroir, devraient, avec ce spectacle, succomber de nouveau à la frénésie du disco.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes