Odysséo de Cavalia: il faut profiter de la caravane qui passe
Dans Odysséo, le titre de la deuxième production de Cavalia, on peut entendre «hisser haut», un terme marin qui signifie tendre les voiles le plus haut possible. C’est ce qu’a fait Normand Latourelle avec ce spectacle sans limites qui atteint des sommets, autant dans ce qu’il propose que dans ce qu’il récolte. Le dernier tour de piste est en cours à Montréal. C’est à voir, je dirais même à revoir.
C’est la troisième fois que je suis invité sous le plus grand chapiteau du monde et je suis ébahi à chaque occasion. Avec Cavalia, compagnie québécoise créée il y a 15 ans par un ancien du Cirque du Soleil et dont les deux créations ont été vues par 8 millions de spectateurs, on est toujours dans le superlatif. 70 chevaux, 50 cavaliers et acrobates, une scène qui a la dimension d’une patinoire de hockey et qui est constituée de 10 000 tonnes de sable, de terre, de pierre et de poussière de roche, une grille technique qui soutient 80 tonnes d’équipement, tout est méga chez Cavalia.
Mais attention, le gigantisme ne prend jamais le dessus sur l’émotion et l’intimité que le spectacle veut créer, sur le respect des animaux, sur la performance des artistes. Avec les représentations qui s’accumulent (Odysséo est sur la route depuis 2011), la fluidité et la grâce des tableaux atteignent des sommets.
Le numéro où Sylvia Zerbini danse avec 12 chevaux est magnifique de maîtrise. Gus, Silver, Frosty, Nezma, Chief, Pearl, Bravas, Artistry, Effendi, Ernesto, Sanjar et Amurath, ses compagnons, méritent même d’être nommés. Au retour de la pause, la troupe reprend le même exercice, mais cette fois avec plusieurs cavaliers sur la piste, chacun ayant la responsabilité de quatre bêtes avec lesquelles ils marchent en symbiose pour créer un carrousel aux allures bohémiennes.
Il y a aussi de la prouesse dans ce spectacle. Avec ses chevaux Quarter horse, reconnus pour leur hardiesse, Odysséo offre son lot d’émotions fortes.
Et que dire de la prestance du Warmblood, qui donne de la noblesse au numéro de dressage, qui commence dans la pénombre, au sommet de la colline, et qui se poursuit avec plus d’une quinzaine de chevaux qui galopent dans l’étang que la magie de la technologie fait apparaître à l’avant de la piste? Magistral!
On parle beaucoup des chevaux, mais les acrobates sont tout autant des «bêtes de scène». Toujours plus virtuoses, les artistes guinéens, qui nous avaient tant charmés il y a sept ans, insufflent au spectacle une énergie et un bonheur contagieux.
Les numéros qui tiennent plus du cirque, comme le mât chinois, le cerceau aérien et le tissu aérien, sont d’une perfection remarquable.
Le prix des billets peut sembler cher, mais Odysséo est un spectacle généreux et on peut quand même obtenir des places à 30$. Le rapport qualité-prix est excellent.
Normand Latourelle a fait un spectacle en hommage à une espèce qui accompagne le genre humain depuis sa domestication, il y a plus de 5 000 ans, avec tout l’amour qu’il porte au cheval. Jusqu’à maintenant, les voix qui se sont élevées pour reprocher à Cavalia de faire du spécisme (exploitation des animaux) n’ont pas réussi à jeter l’opprobre sur cette production québécoise célébrée à travers le monde. De nos jours, la liberté de création est bien fragile. Il faut donc profiter d’Odysséo pendant que ça passe.