Montréal: l’exposition permanente du MEM
Avec presque un an de retard, le MEM – Centre des mémoires montréalaises a enfin ouvert son exposition permanente. Ce musée, qui remplace le Centre d’histoire de Montréal, loge dans un édifice tout neuf à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent, dans le Quartier des spectacles. L’exposition, intitulée Montréal, se présente comme une mosaïque de tous ceux qui l’habitent. Elle offre une plongée dans un milieu de vie à nul autre pareil, «grand comme un désordre universel».
Cette citation du poète Gaston Miron, tirée de sa chanson La marche à l’amour, nous accueille au début du parcours. Elle donne le ton. Montréal est une grande ville imparfaite, soit!, mais dont la grandeur s’explique par sa riche histoire, sa manière de vivre, de parler, de faire sa place dans le monde, d’intégrer ses nouveaux arrivants, dans les solutions que les administrations ont trouvées pour la faire fonctionner dans chacune de nos quatre saisons.
Le contenu de l’exposition a été développé à partir d’entrevues. Quatre-cents personnes ont collaboré, du nombre, 85 ont livré des témoignages, notamment à la caméra, ce qui donne plus d’une trentaine de capsules vidéo pour un total de 185 minutes de visionnement.
Certains témoignages sont bouleversants, notamment dans la partie de l’exposition qui traite de la vie extrêmement rude qui avait cours dans certains quartiers montréalais. D’ailleurs, sous ce prétexte, on les a fait disparaître pour faire place «au progrès». C’est le cas du Faubourg à m’lasse et du Red Light, qui ont été rayés de la carte dans les années 1950 et 1960.
La soumission de ces familles expropriées contraste avec le rappel des squats Overdale et La Fontaine, alors que de jeunes manifestants ont tenu tête aux autorités municipales et policières pendant des jours en 2001. Il faut savoir que 23 ans plus tard, la maison Louis-Hippolyte-La Fontaine, qui avait été squattée par les manifestants, a été restaurée par le promoteur du projet immobilier YUL. Elle est cependant toujours inoccupée bien qu’elle soit entourée de tours à condos habitées en grande partie par de nouveaux arrivants.
Tout ce pan de l’histoire du logement à Montréal est raconté dans un environnement de boîtes de carton qui rappelle que le Québec a cette particularité de déménager souvent.
En fait, depuis le régime français, qui avait décrété que le 1er mai était la journée officielle du déménagement. En 1973, le gouvernement du Québec a changé cette date pour le 1er juillet, pour permettre aux enfants de terminer leur année scolaire avant le grand dérangement annuel.
Sujet de l’heure, l’habitation est aussi traitée sous l’angle des différents types d’habitation existant à Montréal: duplex, maisons en rangée, bungalows, HLM, plex à l’italienne, condos.
Une grande vitrine, contenant plus d’une centaine d’artéfacts, permet aussi de voir ce qui meublait l’intérieur des maisons au fil des ans. J’ai été personnellement fasciné par les sacs à Tousignant, des sacs d’épicerie en papier kraft, les premiers munis de poignées en corde. L’ancêtre du sac recyclable! Michel Tremblay utilise même l’expression «sac à Tousignant» dans les Chroniques du Plateau Mont-Royal.
Les concepteurs de l’exposition n’ont eu peur d’aucun sujet. La langue parlée à Montréal a droit à quelques mises en contexte avec des statistiques, mais aussi avec une approche audio amusante qui permet d’entendre à quoi ressemble l’accent montréalais typique ou cette étrange manière de parler à la fois en anglais, en français, en portugais ou en italien dans la même phrase. Il y a évidemment un mot pour ça (en anglais seulement!): le code-switching!
Les écoliers, les touristes et les Québécois qui visiteront l’exposition Montréal du MEM auront droit à toute une leçon d’histoire, notamment dans la section consacrée à l’administration municipale. On y apprend par exemple que c’est le premier maire de Montréal, Jacques Viger, qui a créé les armoiries de la Ville, auxquelles on a ajouté un pin blanc en 2017 pour y inclure les nations autochtones fondatrices.
Amusant de voir la première souffleuse à neige, l’époque des tramways, l’effervescence d’Expo 67, ou de compléter le puzzle des arrondissements qui forment la Ville de Montréal.
Il faut mettre une bonne heure et demie pour la visite de cette exposition, et prévoir du temps pour les expositions temporaires gratuites qui sont présentées dans les espaces publics du musée.
Jusqu’au 6 octobre, l’espace citoyen du MEM est occupé par l’histoire de Milton-Parc, de la fondation de l’Hôtel-Dieu au développement d’institutions d’éducation prestigieuses (McGill, École des Beaux-Arts, école FACE), en passant par les grandes luttes qui ont été menées pour la sauvegarde des logements abordables du quartier.
Le MEM s’est aussi enrichi récemment de la collection de lanterneaux du Bureau du taxi de Montréal, qui a cessé ses activités en décembre 2022.
Le Centre des mémoires montréalaises pourra ainsi préserver le souvenir d’une industrie qui a traversé le siècle, de Taxi Boisjoly, première compagnie de taxi à Montréal en 1918, à l’anonyme UBER d’aujourd’hui.