Montréal du futur, du présent et du passé
Montréal a eu 381 ans le mois dernier. Incroyable, comment elle s’est transformée et continue de le faire au fil des ans! Cette semaine, je vous propose Montréal en trois temps: un passé bien précis, de 1830 à 1880, un futur proche, les 15 prochaines années, et quelques nouveaux joyaux qui viennent de s’ajouter dans le paysage de la ville.
Le Montréal en devenir de James Duncan au Musée McCord Stewart
Avant l’arrivée de la photo, ce sont les peintres, les graveurs, les dessinateurs qui avaient la charge d’immortaliser les paysages. Le Musée McCord Stewart nous fait découvrir l’un d’eux, James Duncan, arrivé à Montréal de son Irlande natale en 1830. Cette première rétrospective sort l’artiste d’un anonymat difficilement explicable quand on voit la qualité et la quantité de sa production.
Quand il débarque au Canada, James Duncan a 24 ans. Le jeune homme, enchanté par sa terre d’accueil, décide de devenir paysagiste. Je me suis reconnu dans son enthousiasme à faire le portrait de sa ville d’adoption. Presque 200 ans après lui, je me rends régulièrement sur le mont Royal ou l’île Sainte-Hélène, ses lieux de prédilection, pour croquer Montréal.
À l’époque de Duncan, Montréal est une métropole vibrante, comme on peut le voir dans ses aquarelles et ses gravures. Le port est grouillant d’activité, les infrastructures commerciales, financières, judiciaires, religieuses, éducatives et culturelles se développent au rythme de l’accroissement rapide de la population.
James Duncan est comme un photojournaliste avant l’heure. Son travail témoigne de la vie d’alors. Il peint les débats au Parlement du Canada-Uni, les faits divers, pensons au violent incendie de la maison Hayes, les événements météo majeurs, comme les embâcles sur le fleuve Saint-Laurent.
Fasciné par les moyens de transport, il documentera l’évolution de l’offre en transport public de l’hippomobile au tramway, les ancêtres du Réseau express métropolitain (REM).
Le journal anglais The Illustrated London News lui fait des commandes pour montrer à ses lecteurs les particularités de la vie dans la plus grosse ville de l’Empire britannique en Amérique, une ville de neige et de froid.
Cela nous vaut de magnifiques scènes d’activités sportives empruntées aux Autochtones, la raquette, le toboggan ou la crosse.
Son legs artistique nous rappelle aussi la manière dont la population montréalaise s’habillait.
James Duncan a eu toutes sortes de clients. Le juge John Samuel McCord, le père du fondateur du musée McCord, l’a enrôlé en 1831 dans un tour de l’île bien spécial. Durant tout le mois d’août, les deux hommes se sont promenés de Pointe-Claire à Longue-Pointe, en passant par Senneville et le Sault-au-Récollet, pour terminer au Mile End. Sous l’œil scrutateur de son commanditaire, le jeune Duncan a réalisé in situ une douzaine de dessins à l’encre de ces «banlieues» de Montréal.
Jacques Viger lui commandera pour sa part des aquarelles pour illustrer son fameux livre L’album de Consolation.
Cette exposition est un bonheur à parcourir, notamment en raison d’une scénographie très prégnante.
On est aspiré dans l’histoire avec un grand H. En marchant parmi ces œuvres, on est ému de voir toute cette vie qu’il y a eu sur l’île avant nous. Même si certains tableaux se répètent un peu, on va de surprise en surprise et on constate à quel point Montréal a été gâtée par sa situation géographique, une grande étendue de terre avec une belle montagne en son centre, entourée d’eaux souvent tumultueuses qui ouvrent sur le monde.
En plus de nous donner le goût de Montréal avec leur exposition, les commissaires, Christian Vachon et Laurier Lacroix, sortent de l’oubli un artiste qui a largement contribué à entretenir la mémoire de cette ville à une époque où elle s’épanouissait magnifiquement.
Montréal du futur, édition 2023
Parlons du Montréal en devenir maintenant. Depuis 2006, un homme, Robert J. Vézina, organise tous les deux ans un événement qui est l’occasion de voir l’avenir de Montréal. La pandémie a eu raison de l’édition 2021, mais c’est en force que Montréal du futur est de retour cette année, jusqu’au mardi 20 juin, en trois lieux distincts: le 1000, De La Gauchetière, la Tour CIBC et la Place Victoria. Toujours gratuit.
Qu’est-ce qu’on y présente? Ni plus ni moins que les projets qui sortiront de terre dans les 5, 10, 15 prochaines années, et nombre de ceux qui sont déjà en chantier ou en voie d’être complétés.
J’ai l’habitude de dire qu’en développement immobilier, les politiciens font des promesses, les promoteurs, des projets.
J’ai été frappé au fil des ans de voir à cette exposition autant de projets passer de la planche à dessin à la réalisation.
Lors de l’édition 2019, par exemple, le promoteur Prével vantait deux tours à venir dans le village Shaughnessy. Eh bien, aujourd’hui, j’habite l’une d’elles! Il en va ainsi pour les tours de bureaux, à appartements et à condos annoncées à l’époque et aujourd’hui livrées, ou sur le point de l’être.
Que nous réserve donc l’avenir cette fois-ci?
Montoni a une superbe maquette de ce que deviendra la Brasserie Molson.
On voit à quoi ressemblera l’Odea, présentement en construction sur le boulevard Robert-Bourassa. Cette tour de 25 étages, construite grâce à des capitaux autochtones, emprunte son nom à un mot cri qui signifie canoë. C’est d’ailleurs pourquoi les architectes Douglas Cardinal et Jean-François Gagnon ont donné à l’arête du bâtiment la forme d’un canot.
Il y a des projets à toutes les échelles et de toutes vocations, qu’on pense au Pavillon MR-63, espace culturel et gastronomique qui sera érigé angle Peel et Ottawa à partir d’anciens wagons du métro de Montréal.
Ou encore à la grande requalification des abords du Silo no6.
J’ai particulièrement aimé la vidéo du ministère des Transports du Québec sur le tunnel Ville-Marie, qui célèbre ses 50 ans par une grande cure de jouvence. J’ai appris dans ce document que les eaux de pluie et de ruissellement recueillies quotidiennement par les pompes du tunnel représentent l’équivalent du contenu d’une piscine olympique! Je serai dorénavant plus indulgent pour cet ouvrage de 1974 beaucoup plus complexe qu’on pense.
Montréal du futur est possible grâce au concours des grands joueurs du secteur immobilier de la métropole, promoteurs, constructeurs, architectes, etc. La Ville de Montréal, à elle seule, présente près de 40 projets approuvés, qu’on pense à la réhabilitation de la Place des Nations ou à la construction de la place des Montréalaises.
On sort de cette exposition avec la conviction que Montréal n’a pas fini de se transformer.
Montréal, ici et maintenant
Ces jours-ci, on récolte ce qui a été semé ces dernières années. Plusieurs projets en chantier sont livrés et contribuent à améliorer le paysage à Montréal.
Cette semaine, j’ai visité la nouvelle bibliothèque Maisonneuve. Un bijou.
Le bâtiment, de style Beaux-Arts, qui tenait autrefois la bibliothèque à l’étroit, a été agrandi grâce à deux ailes en verre.
Les détails architecturaux d’origine (colonnes, vitraux, marbre, moulures) ont été restaurés et mis en valeur, et se marient désormais aux meubles modernes, aux couleurs vives des murs, au bois blond des rayonnages, au verre. Un lieu inondé de lumière naturelle.
Tout l’aménagement extérieur, y compris la sculpture Bottes de pluie de Clément Gaulejac, héritée de la politique du 1% (pour l’intégration d’œuvres d’art aux bâtiments et lieux publics), rehausse considérablement l’intersection Ontario et Pie IX, dans Hochelaga.
Plus tôt dans la semaine, j’ai assisté à l’ouverture du restaurant Le Molière par Mousso et du bar-terrasse Le Marie-Louise, les deux nouvelles tables de l’Espace St-Denis. Cette ouverture marque une nouvelle étape dans la modernisation du Théâtre St-Denis et un signal fort que le Quartier Latin n’est pas mort.
Je termine avec la tour d’observation du Grand Quai du Port de Montréal, dans le Vieux-Montréal. Là aussi, les travaux ont été longs, mais ont valu l’attente. La tour en verre culmine à 65 mètres de hauteur.
Au 13e étage, la plate-forme offre une vue à 360 degrés sur Montréal. Et de là, on est invité à monter encore plus haut en empruntant un escalier monumental de 59 marches en chêne blanc. Époustouflant.
Ceux qui n’ont pas le vertige iront se prendre en photo dans une petite alcôve dont les murs et le plancher sont en verre.
Je suis persuadé que James Duncan aurait apprécié l’endroit pour sa vue panoramique sur Montréal et le fleuve.