Mon été à Balconville
Très heureux de vous retrouver après quelques semaines de pause. Je n’étais pas très loin, à cet endroit qu’on appelle Balconville.
J’ai passé mon été à Montréal. Un peu sur mon balcon, mais beaucoup aux quatre coins de la ville, les yeux grands ouverts aux nouveautés qui apparaissent dans le paysage. Je ne me suis pas ennuyé une seconde, car le panorama de Montréal ne cesse de s’enrichir par l’ajout de nouvelles murales, œuvres d’art public, bâtiments à l’architecture originale. Laissez-moi vous montrer ça!
Avant de m’asseoir à mon ordinateur pour écrire cette chronique, j’ai enfourché mon vélo pour aller voir si le muraliste Laurent Gascon avait terminé son projet de l’été 2024.
C’était ma troisième visite! L’artiste de 75 ans était perché sur son échafaudage et fignolait la 17e mosaïque de sa série consacrée aux icônes de la culture montréalaise. L’an dernier c’était Fanfreluche pour le centenaire de sa créatrice, Kim Yaroshevskaya. Cette année, place à une autre femme adorée des Québécois, Janette Bertrand, qui aura elle aussi 100 ans, en mars prochain.
J’ai piqué une petite jasette avec celui qui se fait appeler Lorenzo. Il m’a raconté ses débuts de muraliste il y a 50 ans, et sa mémorable œuvre murale Espaces verts qui faisait tout un pâté de maisons sur Viger, d’Hôtel-de-Ville à Saint-Dominique.
Au début des années 2000, il raffine en République dominicaine une nouvelle technique de murale en céramique. En 2009, il met son expertise au service du quartier Hochelaga en en réalisant tout le long de la rue Ontario. «Mon objectif, dit-il, c’est toujours le même: mettre de la couleur dans le quartier, et un sourire au visage des gens.»
Disons que le sourire de Janette, à l’angle des rues Ontario et Montgomery (à cinq rues d’où elle est née en 1925), n’a pas fini de se multiplier dans les alentours de ce qu’on appelait autrefois le Faubourg à m’lasse.
Montréal a désormais une murale à l’effigie de René Lévesque. Elle aurait dû être inaugurée pour son centenaire en 2022, mais l’organisme MU, qui l’a produite en collaboration avec la Fondation René-Lévesque, a eu plus de mal que prévu à obtenir la surface pour la créer.
Finalement, c’est sur le mur aveugle d’un édifice de services du gouvernement du Québec sur la rue Crémazie que le muraliste Kevin Ledo a fait apparaître en août le portrait géant de l’ancien premier ministre du Québec. L’artiste s’est inspiré de la photo que le Parti québécois a utilisée sur les pancartes électorales de 1976. Quant à la citation qui l’accompagne, elle date de 1977, l’année de l’adoption de la loi 101. Elle dit ceci: «Que s’affirme un peuple libre qui puisse exprimer en français, avec son accent à lui, toutes les dimensions du monde d’aujourd’hui.»
Les automobilistes qui roulent en direction est sur la Métropolitaine peuvent la voir à la hauteur des rues de Gaspé et Casgrain.
Le photographe montréalais Gabor Szilasi, qui aura 97 ans en février prochain, a aussi eu droit à sa murale cet été. Clin d’œil à sa carrière de professeur, elle a été peinte à l’angle du boulevard De Maisonneuve et de la rue Mackay sur un mur d’un édifice de l’Université Concordia où il a enseigné.
La murale représente une scène d’hiver, photo que Szilasi a prise sur la rue Guy le 4 mars 1971, jour de la tempête du siècle. Elle est l’œuvre de Rafaël Sottolichio.
Le Quartier latin s’est enrichi d’une nouvelle œuvre d’art public de l’artiste Yann Pocreau.
Angle Sainte-Catherine et Berri, à côté de la belle chapelle Notre-Dame-de-Lourdes de Montréal, on trouve désormais son triptyque en bronze intitulé Les diamants irréguliers. Le cartel nous informe que c’est un hommage «à la solidarité, à l’espoir et aux grandes luttes sociales qui ont marqué ce secteur du centre-ville».
Quand on examine de près la surface de ces «diamants» en bronze, on peut lire différentes citations recueillies par l’artiste lors d’échanges qu’il a eus avec des participants au programme Cactus, qui offre des services et des activités de prévention, de sensibilisation et d’éducation aux clientèles en grande vulnérabilité.
Descendons la rue Saint-Denis vers le sud.
On remarque maintenant devant l’entrée principale du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), l’impressionnante sculpture L’imploreur de l’artiste Mathieu Isabelle. Elle était autrefois devant l’Hôtel-Dieu, qui l’avait reçue en cadeau des Cinémas Guzzo en 2012.
Un coin de rue plus loin, angle Saint-Denis et Viger, on retrouve, après des années d’absence, le fameux Mastodo du square Viger. La fontaine-sculpture a été complètement restaurée, mais amputée de son mouvement de bascule sous le poids de l’eau imaginé par son créateur, Charles Daudelin.
Un mot sur la nouvelle place Michel-Bélanger (Grand Montréalais qui a dirigé la Banque Nationale de 1979 à 1990). Depuis cet été, on peut aller s’y asseoir en compagnie d’un Dodo géant, sculpture monumentale de l’artiste Myfanwy MacLeod.
Ce petit parc adjacent au nouveau siège social de la Banque Nationale, rue Saint-Jacques, sera la dernière contribution du regretté architecte de paysage Claude Cormier (1960-2023) à Montréal, et l'on y retrouve tout son génie à faire des espaces publics beaux, pratiques et ludiques.
Le saviez-vous? On peut désormais déambuler sur l’avenue Pierre-Dupuy et s’offrir la vue imprenable sur le centre-ville de Montréal qu’on avait à bord de l’Expo Express, ce train électrique sans conducteur qui nous menait à l’Exposition universelle de Montréal en 1967.
En effet, après des années à avoir laissé l’emprise de la voie ferrée en friche, l’Administration portuaire de Montréal a décidé d’aménager cette bande de terrain qui lui appartient et d’en faire une promenade avec observatoire. Cette extension sud du quai Bickerdike est rehaussée de panneaux d’information sur l’histoire et la vocation du port de Montréal.
Avec le concours d’Espace pour la vie et de la firme NIPaysage, le Musée des beaux-arts de Montréal a de son côté renippé les aires vertes de ses lieux d’exposition en plein air.
Plus de 8 000 végétaux ont été plantés dans son Jardin des sculptures le long de la rue du Musée. Quand la végétation va gagner en maturité, Claudia (2003), la vache de Joe Fafard, va peut-être avoir plus l’impression d’être dans un champ qu’en ville!
Du côté de l’architecture, il me faut souligner la réussite de la reconstruction de l’Octogone, la bibliothèque de LaSalle. La Ville a détruit l’ancien bâtiment érigé en 1980, pour refaire, au même endroit (rue Dollard, à la hauteur du boulevard De La Vérendrye), un lieu moderne, accueillant, spacieux, lumineux.
Cette reconstruction est le résultat d’un concours d’architecture remporté par Anne Carrier Architecture + Labonté Marcil, associés en consortium. L’architecture de paysage est signée Rousseau Lefebvre.
À l’intérieur, une très belle œuvre suspendue, En circulation, de Karilee Fuglem, s’ajoute à Signal dans l’espace de Claude Lamarche, réalisée en 1984, et qui accueille de manière spectaculaire les visiteurs à l’extérieur. On a vraiment l’impression d’être à la bonne place. Sur la cible!
Un projet immobilier qui livre ses promesses au centre-ville maintenant.
L’édifice à condos locatifs Odea, boulevard Robert-Bourassa, donne du oumf à cette grande entrée de Montréal. Maintenant que la livraison du bâtiment approche, on peut vraiment voir se concrétiser l’idée de l’architecte Douglas Cardinal.
D’origine autochtone, Cardinal a imaginé une tour avec deux arêtes en forme de canot d’écorce. Une au sommet, côté nord-ouest, et une du côté sud-ouest qui part de l’entrée principale et se termine en pointe quelque part autour du 20e étage.
Ça vaut la peine de le mentionner, ce projet est développé par des intérêts cris (CREECO, société mère de Eeyou Eenou Realty Properties Inc.), avec Cogir Immobilier.
Je pourrais continuer et vous parler de mes découvertes du côté de l’architecture d’utilité publique comme le nouveau poste de district Lionel-Groulx de la Société de transport de Montréal (STM), le bassin de rétention Rockfield à Lachine, ou le nouvel édicule de la gare de Montréal Ouest, mais terminus!, tout le monde descend ici.
On a eu un bien bel été, comme le chante Clémence.