Place aux femmes!
Cet été, le Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny présente les robes de Julie Snyder signées Michel Robidas, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) nous fait découvrir Helen McNicoll, une peintre impressionniste trop méconnue, et l’église Saint-Georges, en Beauce, s’illumine grâce à une artiste de la place, Suzanne Giroux. Suivez-moi, vous en aurez plein la vue!
Michel Robidas pour Julie Snyder – 30 ans de costumes fous
Au début des années 1990, une nouvelle figure débarquait à la télévision de Radio-Canada: une petite démone du nom de Julie Snyder. L’animatrice s’est vite démarquée par son style d’animation, mais aussi par ses tenues concepts imaginées par un styliste du département des costumes de Radio-Canada, Michel Robidas.
Le Centre d’art Diane-Dufresne présente le fruit de leur collaboration depuis 30 ans. La vingtaine de robes confectionnées par le couturier pour sa muse nous permettent d’apprécier son génie créatif.
Dans une vidéo incluse dans le parcours de l’exposition, Julie Snyder déclare que son partenaire n’a pas de limites. Il lui suffit de suggérer un thème pour que son imagination s’emballe et accouche de costumes fous.
Les robes de Robidas sont comme des pièces montées. Elles défient souvent les lois de la gravité: en forme de sapin, de poussin, de coffre-fort!
La robe coffre-fort. Photo: Claude DeschênesPour l’animatrice, cette envie d’être costumée aurait pu être une lubie de débutante, mais non, c’est devenu une marque de commerce. On peut voir des robes de l’époque de L’enfer c’est nous autres jusqu’à La semaine des 4 Julie, en passant par Le Banquier et autres tenues portées lorsqu’elle était animatrice en France, notamment à l’émission Du lundi au vendredi c’est Julie.
Michel Robidas, qui cumule 50 ans d’expérience, a travaillé pour Diane Dufresne, Céline Dion, le Cirque du Soleil. Quand on scrute les croquis de ses créations, on voit qu’on a affaire à un artiste qui connaît parfaitement son métier.
Il fait de la haute couture déjantée. Il sait que ses créations sont exigeantes à porter, certaines pesant plusieurs kilos. Comme il se plaît à dire, voilà des tenues extravagantes qui s’adressent à des femmes qui ont de la personnalité, qui ne s’effaceront pas derrière autant d’apparat.
Sur un grand mur de la salle d’exposition, un montage de coupures de journaux rappelle les nombreux coups fumants du duo d’enfer que Julie Snyder et Michel Robidas forment. Dans un des articles, on lit que la confection d’une robe pouvait coûter jusqu’à 5 000 $… en 1995!
Chacun aura sa création préférée, en ce qui me concerne, la palme de l’exposition va à la robe Feu de camp, avec sa jupe en rondins de bois et son bustier en flammes.
Helen McNicoll. Un voyage impressionniste. Une célébration de la lumière
Au printemps 2022, le Musée des beaux-arts du Canada braquait l’attention sur un courant méconnu de la peinture au Canada: l’impressionnisme.
Dans ce groupe de peintres impressionnistes canadiens, une artiste avait alors attiré mon attention: Helen McNicoll (1879-1915). Quel bonheur de la retrouver dans une grande rétrospective consacrée à son travail magistral, une véritable célébration de lumière, comme le suggère le titre de cette exposition rassemblant plus de 65 peintures!
Ce n’est pas un hasard si le Musée national des beaux-arts du Québec est à l’origine de cet événement. Plus du tiers des œuvres présentées (25) proviennent de la collection de Pierre Lassonde, le mécène qui a donné son nom au pavillon où les tableaux sont accrochés jusqu’au 5 janvier.
Avant de parler du talent d’Helen McNicoll, il importe de la situer dans son environnement et de raconter son histoire pas banale.
Voilà une artiste qui a grandi à Montréal dans une famille appartenant à l’élite protestante de ce qui était alors la métropole du Canada. Très jeune, Helen McNicoll perd l’ouïe à la suite d’une scarlatine. Le père (un très haut placé dans l’industrie ferroviaire canadienne) et la mère encouragent leur aînée à développer ses talents artistiques. En même temps, les parents ne favorisent pas l’apprentissage de la langue des signes. La jeune fille lira plutôt sur les lèvres de ses interlocuteurs (la lecture labiale) et s’adonnera avec beaucoup de ferveur à la peinture, une discipline qui favorise la contemplation.
Après des cours de peinture à l’Art Association of Montreal, la Montréalaise ira se perfectionner en Europe. Pas en France, pays des impressionnistes, mais en Angleterre, notamment pour une question de langue.
La jeune artiste développe un réel talent à transposer la lumière sur la toile, comme l’ont fait les maîtres français du genre, Monet, Matisse, Pissaro et compagnie.
Comme eux, elle peint en plein air. Aux champs, à la plage, sur le bord d’un chemin ou d’une rivière. Souvent, elle commence par de petits formats (pochades), qu’elle reproduit ensuite en plus grande dimension en atelier.
Est-ce une impression personnelle, mais il y a du silence dans ses œuvres. On sent que l’artiste observe ses sujets, sans mot dire.
Autre fait remarquable, ses personnages sont des femmes ou des enfants. Pas d’hommes, à deux exceptions près, si mon compte est bon.
L’artiste, qui partageait sa vie avec la peintre Dorothea Sharp, n’avait pas d’enfants, mais aimait les mettre en scène. On raconte qu’elle traînait avec elle une garde-robe de beaux vêtements pour habiller ses sujets, qu’elle recrutait au gré de ses déplacements.
Quant aux femmes qu’elle représente dans ses tableaux, c’est souvent dans des tâches qui leur incombaient à l’époque: couturière, nourrice, vendeuse de fruits, glaneuse.
À une époque où l’impressionnisme est pour plusieurs un genre controversé, des œuvres d’Helen McNicoll produites sur le Vieux Continent sont régulièrement envoyées à Montréal, où elles recueillent d’excellentes critiques, en plus de lui valoir un fan club de collectionneurs très argentés habitant le Mille carré doré, notamment William Van Horne, le grand patron du Chemin de fer Canadien Pacifique.
Mentionnons que lors de ses nombreux voyages au pays, la peintre immortalise plusieurs scènes d’hiver montréalaises à la manière impressionniste.
Sa cote est si bonne, en 1912, que le Musée des beaux-arts du Canada acquiert une de ses toiles, intitulée Champs de chaume.
Son décès, à 35 ans, des suites de complications dues à son diabète, met un terme à son irrésistible ascension dans un monde de l’art alors réservé aux hommes.
Dix ans après sa mort, en 1925, l’Art Association of Montreal, l’ancêtre du Musée des beaux-arts de Montréal, lui consacre une rétrospective. Cent cinquante tableaux sont présentés au public. Et après? Plus rien, pendant cent ans. Helen McNicoll a été oubliée par l’histoire de l’art.
Bravo au MNBAQ d’avoir mis un terme à ce trop long hiatus.
Magnificat de Suzanne Giroux, à Saint-Georges de Beauce
La Ville de Saint-Georges de Beauce offre une nouvelle proposition culturelle à ses citoyens et visiteurs cet été. Tous les soirs, jusqu’au 11 août, l’église Saint-Georges (dans l’ouest) est illuminée.
L’artiste Suzanne Giroux, native de l’endroit, a créé Magnificat, un spectacle immersif qui utilise l’extérieur de l’église comme écran pour la projection de neuf tableaux inspirés des débâcles de la rivière Chaudière et du dragon terrassé par saint Georges, sculpture emblématique de la paroisse Saint-Georges-de-Sartigan (Msakkikhan est l’ancien nom abénaquis de la rivière Chaudière).
L’artiste a filmé le mouvement des eaux et des glaces lors des débâcles de 2022, 2023 et 2024. Les images ont ensuite été traitées avec des logiciels pour leur donner une panoplie de couleurs et de mouvements que renvoient d’immenses projecteurs sur la façade de cet immeuble érigé en 1900 d’après les plans de l’architecte David Ouellet (1844-1915).
Selon les tableaux de Magnificat, les eaux semblent ruisseler du clocher au parvis, ou, à l’inverse, jaillir du sol et monter jusqu’à la croix, comme une inondation.
Les scènes inspirées du dragon donnent quant à elles l’impression que l’église flambe.
Ce spectacle contemplatif gratuit, d’une durée de 30 minutes, est répété en boucle de 21h30 à 4 heures du matin. Des gradins ont été installés devant l’église pour permettre au public de se laisser aller à la rêverie suggérée par l’artiste.