La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Mafia inc.: du gros calibre!

Même si je garde un excellent souvenir du film Réjeanne Padovani de Denys Arcand, je n’ai jamais vraiment été attiré par les films de mafia en général et encore moins ceux faits ici. C’est donc avec beaucoup de circonspection que je me suis rendu au visionnement de presse de Mafia inc. lundi matin. Et puis, BANG!, j’ai été happé par le sixième film de Podz. Du gros calibre!



Inspiré du livre Mafia inc. des journalistes André Cédilot et André Noël, anciennement de La Presse, le film nous amène dans le monde interlope montréalais des années 1990, un écosystème où le règne de la puissante mafia sicilienne commence à battre de l’aile.

Pour les besoins de l’histoire, on a imaginé que le dérèglement de l’ordre établi par la famille Paternò vient de la trop grande ambition d’un protégé québécois du parrain. Vincent Gamache, incarné par Marc-André Grondin, n’hésite pas à dépasser les bornes pour gagner du galon. Attention cœurs sensibles, la manière dont il procède pour faire entrer des kilos de cocaïne au Canada est aussi ignoble qu’immorale, même pour des mafiosi endurcis.

Vincent Gamache, incarné par Marc-André Grondin. Photo: Bertrand Calmeau

Le film aurait pu se contenter d’être une guerre de clans où des méchants se tirent dessus brutalement, ce que laisse abusivement croire la bande-annonce d’ailleurs. Mais Mafia inc. vise plus haut que ça. Avec son scénariste Sylvain Guy (Louis Cyr : L’homme le plus fort du monde), Podz a plutôt choisi d’explorer les nuances de gris qui peuvent exister même dans le crime organisé.

On se retrouve donc avec un parrain, Frank Paternò, partagé entre son affection pour Vincent Gamache, qu’il a un jour pris sous son aile comme si c’était son propre enfant, et l’obligation de punir cet électron libre pour ses frasques incompatibles avec les valeurs de la familia.

Mylène Mackay dans le rôle de Sofie, la sœur de Vincent. Photo: Bertrand Calmeau

Ajoutez à ça que la sœur de Vincent, Sofie, est la promise du cadet du parrain et que leur père, Henri Gamache, est le tailleur de la famille Paternò depuis toujours, et vous avez là un autre beau dilemme où la notion d’allégeance de chacun sera mise à rude épreuve.

La sœur de Vincent, Sofie, est la promise du cadet du parrain. Photo: Bertrand Calmeau

Dans le rôle principal, l’acteur italien Sergio Castellitto est tout simplement prodigieux. Son parrain est manipulateur, bonimenteur, calculateur, colérique, mais aussi capable d’affabilité, de sensibilité, de générosité envers ceux qui lui sont loyaux. Une prestation digne d’un prix d’interprétation.

Dans le rôle principal, l’acteur italien Sergio Castellitto est tout simplement prodigieux.
Dans le rôle principal, l’acteur italien Sergio Castellitto est tout simplement prodigieux.

Marc-André Grondin hérite aussi d’un beau personnage, et il s’acquitte avec brio de la tâche de jouer le ti-coq fendant que rien n’arrête. Derrière l’image du gars blindé, sans émotion, qui peut descendre à bout portant quiconque peut lui nuire, son Vince a tout de même une brèche qui laisse poindre des blessures d’enfance jamais guéries. Podz aime ça, suggérer les raisons qui font que les vilains sont des vilains. Ça oblige le spectateur à être moins catégorique dans le jugement qu’il porte sur les personnages.

Marc-André Grondin s’acquitte avec brio de la tâche de jouer le ti-coq fendant que rien n’arrête. Photo: Bertrand Calmeau

Podz aime aussi que ses films sonnent vrai. Il a donc fait appel à de nombreux acteurs d’origine italienne: Donny Falsetti, Tony Nardi, Cristina Rosato, Michael Ricci, Vittorio Rossi, Domenic Di Rosa, pour n’en nommer que quelques-uns. Il y a 50 rôles parlant dans Mafia inc.! Tout ce beau monde s’exprime indifféremment en italien, en anglais, et en français, comme les Italiens le font à Montréal, et c’est terriblement crédible. On ne pourra pas reprocher à cette nouvelle production québécoise de manquer de diversité.

L'acteur d’origine italienneDonny Falsetti. Photo: Bertrand Calmeau

Gilbert Sicotte a une moins grande place dans l’histoire que ce à quoi je m’attendais. Le tailleur qu’il incarne est un être faible, incapable de s’affirmer devant sa femme, ses enfants, son client. Un rôle un peu ingrat.

Gilbert Sicotte interprète un tailleur faible, incapable de s'affirmer devant sa femme, ses enfants et son client. Photo: Bertrand Calmeau

Même si la mafia est surtout un monde d’hommes, le scénario a su faire une petite place aux femmes, et il y a fort à parier que la suite qu’on sera tenté de donner à cette histoire mettra en vedette l’excellente Mylène Mackay. La fin ouverte de Mafia inc. laisse imaginer que la prochaine fois, ce sera au tour de l’ambitieuse Sofie, sœur de Vincent, d’avoir le momentum. Qui souffrira de sa vengeance? Il faut commencer par aller voir Mafia inc. 1.