Les plus belles années d’une vie: Claude Lelouch nous ramène Un homme et une femme
Aussi fictifs soient-ils, il y a des personnages de cinéma qui demeurent bien vivants dans nos mémoires. C’est le cas du mémorable couple du film Un homme et une femme. 53 ans plus tard, le réalisateur Claude Lelouch nous redonne des nouvelles d’eux dans Les plus belles années d’une vie, son 49e film en carrière.
Pour ce faire, il a convaincu Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant de reprendre leurs rôles. Cela nous vaut un autre grand moment de cinéma, d’autant plus que dans l’histoire du septième art, ce serait la toute première fois que des interprètes reprennent les mêmes rôles à plus de cinquante ans d’intervalle.
D’entrée de jeu, j’ai envie de reprendre les mots de la chanson Un homme et une femme pour vous dire à quel point cette célébration de la vie est réussie.
Nos cœurs y croient (badabada dabadabada)
Encore une fois (badabada dabadabada)
Tout recommence, la vie repart (badabada dabadabada)
L’histoire va comme ceci. Placé dans une résidence pour personnes âgées, Jean-Louis, ancien coureur automobile, et coureur tout court, se débat avec sa mémoire. Il oublie les choses récentes et se berce du souvenir lointain d’Anne Gauthier, cette script de cinéma qu’il a aimée, mais n’a pas su garder. À la demande du fils de Jean-Louis, cette femme, toujours aussi belle, se rend au chevet de cet homme qu’elle n’a jamais oublié non plus.
En faisant de son personnage masculin une victime de l’Alzheimer, Claude Lelouch évite le piège de faire une suite bébête au film qui l’a consacré. Il nous amène sur le riche terrain des bilans de vie en convoquant un homme et une femme qui doivent commencer par se reconnaître avant de se reconquérir.
La scène où Jean-Louis renoue avec Anne après toutes ces années de séparation est extrêmement touchante. Elle dure vingt minutes, vingt minutes d’un échange ardu où, dans le brouillard de ses idées, Jean-Louis ne réalise pas à qui il a affaire. Tout bonnement, sans filtre, il dit ce qu’il pense de cette femme qui occupe son esprit. Elle, devant lui, ne précipite rien, laisse les souvenirs remonter à la surface.
Claude Lelouch dit qu’il a tourné cette scène à la vitesse de la vie.
«Ils sont assis l’un près de l’autre, dans un échange à la fois essentiel, tragique, futile et furtif. Cette scène, quand je l’ai imaginée, je savais que pour elle seule, le film valait le coup d’être tenté. Tant pis si on ne faisait qu’un court métrage de vingt minutes. Ces vingt minutes auraient la valeur d’une vie.»
On pourrait trouver que c’est un bien maigre point de départ pour meubler un long métrage. Ce serait cependant oublier combien Claude Lelouch a de tours dans son sac et d’archives précieuses à son compte pour soutenir notre attention pendant une heure et demie. Car en effet, tous les souvenirs de Jean-Louis et Anne prennent la forme d’extraits du mythique film de 1966. Par exemple, lorsqu’ils retournent sur la plage de Deauville et à l’hôtel où jadis ils ont consommé leur amour, les images du présent se marient à celles du passé dans une grâce qui nous submerge d’émotions, qu’on ait vu ou non Un homme et une femme d’ailleurs.
On sent qu’Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant ont aussi été envahis par l’émotion en retournant sur les lieux de ce tournage effectué il y a plus d’un demi-siècle. Claude Lelouch parle de mise en abîme.
«J’ai tant de fois travaillé la dramaturgie en entremêlant le présent et le passé. Mais là, j’ai senti que j’avais atteint quelque chose que j’avais rêvé. J’ai filmé le présent et le passé lointain avec les mêmes personnes, avec leur âge réel dans chaque époque. Leurs regards racontent ce qu’ils ont fait de leur vie. Le réel, la mythologie du réel même – ce qu’on sait et ce qu’on imagine d’Anouk et de Jean-Louis – se mêle alors à la fiction qui se nourrit aussi de la réalité.»
Pour ajouter aux retrouvailles, les deux gamins du film Un homme et une femme sont aussi de retour à l’écran pour jouer leurs rôles d’enfants devenus grands, c’est-à-dire avec 52 ans de plus, eux aussi. Cette idée formidable nous fait excuser le jeu un peu amateur de ces non-acteurs.
Pour ce qui est de la bande sonore, Francis Lai, artisan de l’inoubliable musique d’Un homme et une femme, a eu le temps de composer deux nouvelles chansons avant de mourir, et c’est Nicole Croisille, qui d’autre!, qui les chante avec Pascal Obispo, Pierre Barouh n’étant plus de ce monde pour faire duo avec elle.
Quand je dis que Claude Lelouch ne manque pas de ressources pour nous tenir en haleine, il nous en fait la démonstration vers la fin de son film. Alors que son histoire commence à n’aller nulle part, il plaque sur son récit des images spectaculaires sorties de ses archives. En fait, il s’agit d’un court métrage intitulé C'était un rendez-vous, qu’il a tourné en août 1976 (et que vous pouvez voir ci-dessous). Dans ce plan-séquence de 8 min 24 s, Claude Lelouch, au volant de sa Mercedes-Benz, traverse Paris au petit matin à 200 à l’heure. On peut difficilement reprocher à un réalisateur de recycler un tel fait d’armes. C’est grisant à regarder, mais on cherche tout de même le lien avec les personnages.
https://www.youtube.com/watch?v=HgPoiKiMRFQ&feature=youtu.be
Cela me fait croire que finalement ce film est peut-être aussi beaucoup un film sur Claude Lelouch. Les citations pleines de panache qu’il met dans la bouche de Jean-Louis, comme «il est plus facile de séduire mille femmes qu’en séduire une mille fois» ou «la mort est l’impôt de la vie», sont du Lelouch tout craché. Quand on est rendu à son 49e film et à 82 ans, cela doit être bien tentant de partager les plus belles années de sa vie. En tout cas, comme spectateur, on ne peut qu’être comblé par ces retrouvailles.
Vu le spectacle de la tournée Courage de Céline Dion au Centre Bell
Mardi, au deuxième soir de sa série de spectacles à Montréal, Céline Dion a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements et des cris stridents comme on n’en entend pas souvent au Centre Bell. C’était tonitruant. La chanteuse semblait franchement émue par cet accueil et ravie de renouer avec son public montréalais, et elle a plongé dans ce spectacle comme un poisson dans l’eau.
La scène est un naturel pour cette fille. Deux heures de spectacle, soit plus d’une vingtaine de chansons, mais moins en français que j’avais espéré (je préfère Céline dans la langue de Molière). La voix de Céline Dion est encore à son zénith. Elle peut faire caracoler les notes comme personne d’autre (notamment dans The Power of Love, All By Myself, It's All Coming Back to Me Now et un nouvel emprunt au répertoire australien, You’re the Voice) ou nous émouvoir tout en douceur (Ziggy, S’il suffisait d’aimer). Elle n’a fait que deux titres de son nouveau disque, Courage. J’ai bien aimé Imperfections.
C’est un spectacle somptueux. Projections, éclairages, scénographie, tenues de scène de l’artiste, tout cela est d’un grand raffinement. Pendant les changements de costumes, Céline continue de nous surprendre dans des séquences vidéos ultras léchées. Elle y fait la preuve de l’étendue de ses talents, notamment dans une scène de ballet où elle est tout simplement prodigieuse aux côtés de son partenaire Pepe Munoz.
Le spectacle se termine dans l’apothéose avec My Heart Will Go On alors que Céline est entourée de drones qui font virevolter autour d’elle des dizaines de lumières. Complètement inédit pour moi.
Pour avoir une opinion juste sur Céline Dion, il faut l’avoir vue au moins une fois sur scène. C’est là que toute sa grandeur s’affirme. Elle sera de retour au Centre Bell en février.