La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Les impressionnistes en 3D, les coiffes à Pointe-à-Callière et une belle course avec Line Renaud

À l'agenda culturel cette semaine: l'événement La magie des impressionnistes présenté au Studio-Cabaret de l'Espace St-Denis, l'exposition Le monde en tête à Pointe-à-Callière et le film Une belle course avec Line Renaud.


For me, formidable les impressionnistes en 3D!

Plus de 150 ans après avoir ébranlé le monde des beaux-arts, l’impressionnisme continue d’impressionner. Après toutes les toiles de peintres impressionnistes que j’ai vues dans ma vie et les expositions immersives Imagine Monet et Imagine Van Gogh visitées depuis trois ans, voilà que je succombe à l’événement La magie des impressionnistes présenté au Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis. Voir les chefs-d’œuvre de Monet, Manet, Renoir, Degas en trois dimensions, c’est fulgurant!

Mardi soir dernier, je me suis rendu à la toute nouvelle salle du Théâtre St-Denis avec mon scepticisme sous le bras. Je me disais, ah, non, pas encore un promoteur culturel qui fait du millage avec des photos de toiles impressionnistes! Qui plus est, des reproductions à regarder avec des lunettes 3D!

L’événement La magie des impressionnistes est présenté au Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis. Photo: Claude Deschênes

Eh bien, avis aux puristes, on ne résiste pas longtemps à la magie qui se déploie sous nos yeux. Voir une danseuse de Degas se détacher du groupe, pouvoir admirer le motif sur son tutu qui ondule, examiner en détail ses chaussons, apprécier la perfection de son arabesque, c’est stupéfiant!

Même chose quand on nous présente les nénuphars de Monet ou le fameux pont de son jardin de Giverny. On voit, comme jamais auparavant, le fond de l’étang. On a l’impression que les boutons des fleurs sont à la portée de notre main.

Avis aux puristes, on ne résiste pas longtemps à la magie qui se déploie sous nos yeux. Photo: Claude Deschênes

Voir en gros plan les détails des autoportraits de Vincent Van Gogh, la fougue de ses coups de pinceau qui ont donné les fabuleux tournesols, est renversant. Ce traitement 3D donne une toute nouvelle dimension au travail de l’artiste.

Les tableaux, auxquels on a donné de la profondeur et une pointe de mouvement grâce aux nouvelles technologies, défilent sur une bande sonore qui mérite tous nos éloges. La liste musicale est principalement composée de pièces classiques. Satie, Ravel, Debussy, Fauré, Couperin, que du beau! Il y a aussi quelques chansons. D’Édith Piaf et d’Ella Fitzgerald sur des images de Paris. La magnifique Ce sera moi par Nana Mouskouri. Une interprétation vibrante de To The Stars par Adam Fisher. L’émotion atteint son comble lorsque Charles Aznavour chante Hier encore sur les images du célèbre tableau Le bal du moulin de la Galette de Renoir.

Les tableaux, auxquels on a donné de la profondeur et une pointe de mouvement grâce aux nouvelles technologies, défilent sur une bande sonore qui mérite tous nos éloges. Photo: Claude Deschênes

Après avoir été présentée à Miami et Orlando, cette production made in USA débarque pour la première fois au Canada. Le producteur Ed Kasses s’est associé pour l’occasion à deux pointures montréalaises, les promoteurs de spectacles Ruben Fogel et Paul Dupont-Hébert.

Il y a trois ans, lors du vernissage de l’exposition immersive Imagine Van Gogh, Dupont-Hébert vantait le fait que la production qu’il avait fait venir de France respectait l’intégrité des œuvres. Pour lui, c’était sacrilège de donner du mouvement aux tableaux de ces grands maîtres de la peinture moderne comme le faisaient d’autres productions en circulation à travers le monde. J’étais bien d’accord avec lui, mais je me suis ravisé. Lui aussi.

À son avis, nous sommes rendus ailleurs et cette nouvelle proposition permet de renouveler l’expérience du spectateur.

«En trois ans, on a fait beaucoup de chemin. On est rendu à aborder de front le mouvement dans leur peinture. À bien y penser, dans leurs yeux et dans leurs têtes, les impressionnistes voyaient un mouvement. La nuit étoilée de Van Gogh, il a bien fallu qu’il voie un mouvement pour faire ça. Ce qu’on propose ici, c’est de rendre visible ce mouvement qu’il suggère dans son tableau. Même chose pour les bateaux de Monet. Ils n’étaient pas statiques sur l’eau. Les infographistes qui ont travaillé sur ce projet ont fait bouger les vagues. Les tableaux ne sont pas transformés, on a seulement animé un peu la scène, comme le peintre l’a vue. Nous sommes quand même toujours dans le respect de l’œuvre.»

Pour Paul Dupont-Hébert, cette nouvelle offre va plus loin que les expositions Imagine Van Gogh et Imagine Monet qu’il a préalablement présentées.

«Après Van Gogh et Monet, ce nouveau spectacle fait découvrir d’autres membres influents de ce courant comme Georges Seurat, Berthe Morisot, Alfred Sisley, Camille Pissarro. Il y a donc un aspect didactique dans notre démarche. La première partie sert à faire les présentations des différents acteurs de ce mouvement, alors qu’en deuxième partie, on s’abandonne à leur univers en 3D.»

Le spectacle est relativement court. Le premier acte d’une quinzaine de minutes est suivi d’un entracte et d’une deuxième partie d’une durée de 50 minutes. Pendant la représentation, on peut prendre un verre (ou deux?) et engouffrer petits fours et mignardises proposés sur le Menu des impressionnistes concocté par le chef du Mousso (oui, le petit-fils du peintre Mousseau).

Pendant la représentation, on peut prendre un verre (ou deux?) et engouffrer petits fours et mignardises. Photo: Claude Deschênes

Paul Dupont-Hébert a confiance en son nouveau projet. L’homme connaît bien les goûts du public québécois, après tout, il est un des artisans de la réussite du spectacle Notre-Dame de Paris et il est derrière les succès de Francis Cabrel chez nous depuis presque 50 ans. Pour le moment, La magie des impressionnistes est à l’affiche jusqu’au 12 mars, mais la salle est réservée jusqu’en avril pour répondre à l’éventuelle demande. Après Montréal, la production sera présentée à Vancouver.

Avis aux intéressés, à partir du 1er février, l’Espace Saint-Denis comptera une brasserie de type parisienne gérée par Jean Pilote, ancien propriétaire du restaurant Il Teatro et du Capitole de Québec, un lieu pour manger avant ou après le spectacle.

Le tour du chapeau du Musée Pointe-à-Callière

Au hockey, un tour du chapeau c’est lorsqu’un joueur marque trois buts. Au Centre Bell, les Canadiens ne nous offrent pas ça souvent. Je suis donc allé voir le tour du chapeau du Musée Pointe-à-Callière. Je parle de Le monde en tête, une exposition de chapeaux provenant des coins les plus reculés du monde. Rien de moins que 300 artéfacts! Cent fois le tour du chapeau! Un festin pour l’œil!

Présenté à Pointe-à-Callière, «Le monde en tête» est une exposition de chapeaux provenant des coins les plus reculés du monde. Photo: Claude Deschênes

Chapeau, coiffe, bandeau, bonnet, calotte, capuche, casque, chèche, cimier, couronne, diadème, hure, tiare, toque, turban, la langue française a tous les mots qu’il faut pour nommer les différentes coiffes que le collectionneur Antoine de Galbert a accumulées au fil des ans. Cette collection, précieusement conservée par le Musée des Confluences à Lyon, est prêtée à notre musée d’histoire montréalais jusqu’au 12 mars.

L’exposition est divisée par thèmes. Il y a pour commencer les couvre-chefs utilitaires qui protègent contre le soleil, la pluie, les moustiques. Ceux qu’on utilise aux champs, à la chasse, à la pêche, pour porter de gros objets sur la tête.

La sophistication des coiffes que le collectionneur Antoine de Galbert a accumulés au fil des ans est remarquable. Photo: Claude Deschênes

Ce n’est pas parce qu’ils sont utilisés tous les jours qu’on les fait simples. La sophistication de ces accessoires est remarquable. Parfois, apprend-on, ils servent à séduire, à donner de la prestance. Le chapeau surmonté d’un crâne de singe ou d’un bec d’oiseau permettra à celui qui le porte de s’enfoncer dans des environnements où la faune serait hostile sans ces symboles ostentatoires.

Photo: Claude Deschênes

Dans la section de l’exposition qui parle du mimétisme qu’on retrouve dans la confection des parures pour la tête, il y a des trouvailles amusantes. Pensons à ces Nigérians qui, pour imposer le respect de ceux qui tentent de les coloniser, se sont fabriqués des coiffes inspirées des chapeaux militaires britanniques ou des perruques des juges de Sa Majesté la reine.

Photo: Claude Deschênes

Dans une telle exposition, on s’attend à voir des casques avec plumes et perles, moins à tomber sur des bonnets ornés de dents d’animaux, de colifichets ou de pièces de monnaie. Il y a plusieurs exemples de tout ça.

Un couvre-chef orné de pièces de monnaie! Photo: Claude Deschênes

La salle du deuxième étage est principalement consacrée à la culture africaine et chinoise. Dans un premier temps, la scénographie, qui rappelle les huttes africaines, nous transporte dans un monde où les rituels sont aussi fascinants qu’exotiques. Les vidéos projetés aux murs sont un complément parfait à la grande variété d’objets mystérieux exposés sous cloche.

Au deuxième étage, la scénographie rappelle les huttes africaines. Photo: Claude Deschênes

On termine la visite, et ça tombe bien en ce Nouvel An lunaire, en découvrant plusieurs traditions chinoises, entre autres celles qui consistent à protéger la tête des enfants des esprits malveillants en la camouflant sous des bonnets ornés de symboles de bonne fortune comme le lapin (fortune).

Photo: Claude Deschênes

Le monde en tête est à l’affiche depuis le 17 novembre. Jusqu’à cette semaine, je pensais passer mon tour. Si vous êtes comme moi, détrompez-vous, cette exposition est d’une grande richesse et mérite le déplacement. Elle permet de voyager dans des lieux improbables et de voir l’incarnation du génie humain quand il s’applique à des choses aussi simples que de se protéger la tête.

En tout cas, je trouvais la tuque que je me visse sur la tête en hiver bien ordinaire en revenant à la maison.

Une belle course en taxi avec Line Renaud

Retournons à Paris maintenant pour faire une traversée de la Ville Lumière en taxi avec nulle autre que Line Renaud. À 94 ans, la vénérable actrice tient sur ses épaules le film Une belle course de Christian Carion, qui prend l’affiche cette semaine.

À 94 ans, la vénérable actrice Line Renaud tient sur ses épaules le film Une belle course de Christian Carion, qui prend l’affiche cette semaine.

L’histoire est simple. Madeleine, 92 ans, n’a plus vraiment le choix, l’heure de la maison de retraite est arrivée. Mais avant de rompre avec sa liberté, elle s’offre une course en taxi, histoire de revoir les lieux qui ont compté dans sa vie. Cela nous vaut une belle balade à Paris. La tour Eiffel, la Seine, les Champs-Élysées, l’Opéra Garnier, tous les monuments y passent. Chemin faisant, Madeleine, assise sur la banquette arrière, raconte sa vie au chauffeur. Son histoire d’amour éphémère avec un GI américain qui lui a laissé un enfant, l’enfer que lui a fait subir le mari alcoolique qui a pris le relais, le séjour en prison qu’elle a fait pour avoir voulu mater cet homme violent avec elle et son fils.

Louise Renaud dans le rôle de Madeleine qui, à 92 ans, doit se résigner à aller en maison de retraite.

C’est Danny Boon qui est au volant. Le chauffeur de taxi taciturne qu’il incarne finit par s’illuminer au contact de sa passagère. Comment en effet ne pas succomber à cette battante que Line Renaud rend parfaitement attachante? Son jeu est d’une grande justesse autant dans les épanchements que dans la résilience dont cette femme fait preuve.

Le chauffeur de taxi taciturne qu'incarne Danny Boon finit par s’illuminer au contact de sa passagère.

Malheureusement, il y a de l’eau dans le gaz. Les retours dans le passé de Madeleine sont cahoteux. On est surpris que le réalisateur de Joyeux Noël, grand film historique s’il en est un, soit aussi gauche dans la reconstitution historique, et aussi prévisible dans le dénouement larmoyant de sa nouvelle offrande.

On est surpris que le réalisateur de Joyeux Noël, grand film historique s’il en est un, soit aussi gauche dans la reconstitution historique

Alors, on monte ou pas dans le taxi? Oui, pour Line Renaud et la balade dans Paris, d’autant qu’on n’a pas à régler la course, qui tournait autour des 300 euros la dernière fois que j’ai remarqué le compteur.