La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Les dernières œuvres de papier de Claude Lafortune au Musée Marguerite-Bourgeoys

Trois ans après sa mort, Claude Lafortune revient nous visiter au Musée Marguerite-Bourgeoys dans le Vieux-Montréal. Les dernières œuvres créées par l’enchanteur aux ciseaux et dompteur de papier sont présentées dans le cadre de l’exposition L’arche de Noé selon Claude Lafortune. Entretien avec Jean-François Royal, l’homme qui a fait entrer Claude Lafortune au musée.



La première rencontre entre Claude Lafortune et Jean-François Royal remonte à plus de 10 ans, à l’époque où l’actuel directeur du Musée Marguerite-Bourgeoys dirigeait le Musée des cultures du monde de Nicolet, autrefois connu sous le nom de Musée des religions du monde.

Jean-François Royal:

«C’est Claude Lafortune qui a d’abord cogné à la porte du musée de Nicolet. Il s’était fait dire qu’on était assez fous pour embarquer dans ses projets. Il souhaitait exposer ses personnages en papier. Il est tombé sur la bonne personne. Je suis un enfant de L’Évangile en papier, cette émission de Radio-Canada qu’il a animée durant une saison seulement, mais qui a bénéficié de multiples reprises.

J’ai tout de suite été intéressé. L’Évangile en papier est un phénomène télévisuel. C’était la première fois qu’une génération de parents ne faisait pas l’éducation religieuse à leurs enfants. Ils disaient: "on va se servir de la télévision, il y a quelqu’un qui va leur raconter ça". C’est un moment marquant dans l’enseignement religieux au Québec. Claude ne réalisait pas ça.

Quand je lui ai proposé qu’on raconte ça, il n’était pas sûr. Il disait qu’il n’avait pas eu une carrière si intéressante, qu’il n’avait pas tant de choses à dire. Je lui ai rétorqué: "fais tes personnages et moi je vais m’occuper du reste". Ça a donné Colle, papier, ciseaux, une exposition qui présentait à la fois son travail et son impact à la télévision.»

Les dernières œuvres créées par Claude Lafortune sont présentées dans le cadre de l’exposition L’arche de Noé selon Claude Lafortune. Photo: Claude Deschênes

L’exposition a été un succès. Elle a circulé pendant 10 ans, vue par des milliers de personnes. À mi-parcours de cette tournée à travers le Québec, un deuxième projet d’exposition est né, toujours pour le Musée des cultures du monde de Nicolet.

Jean-François Royal:

«On se téléphonait régulièrement, il me parlait de ses nouvelles créations. Il faisait toutes sortes d’espèces d’animaux en carton, dont beaucoup d’oiseaux. De fil en aiguille, on s’est dit qu’on devrait faire un projet sur le thème de l’arche de Noé, un conte qu’on retrouve dans plusieurs traditions religieuses. À partir de là, il a fait la famille Noé, le père, la mère, les enfants. Au total, on parle de presque une trentaine de sculptures.

Claude Lafortune faisait toutes sortes d’espèces d’animaux en carton, dont beaucoup d’oiseaux. Photo: Claude Deschênes

Cette exposition se veut plus familiale et accessible. En même temps qu’on admire les œuvres, on en apprend sur l’arche de Noé, cette idée de donner une seconde chance, d’un Dieu qui décide d’éliminer ce qui s’est fait de mauvais et de repartir à zéro sur de nouvelles bases. Il y a là une réflexion intéressante à faire par rapport à ce qu’on vit présentement.»

En même temps qu’on admire les œuvres, on en apprend sur l’arche de Noé. Photo: Claude Deschênes

Ces sculptures, les dernières fabriquées par Claude Lafortune, ont déjà cinq ans. Malgré qu’elles soient constamment sous les spots des musées qui les présentent, elles sont dans un état remarquable.

Jean-François Royal:

«Étonnamment, elles vieillissent très bien. On ne note pas vraiment de décoloration. Claude a parfois fait affaire avec de grands producteurs de papier, comme la Papeterie Saint-Gilles de Saint-Joseph-de-la-Rive, il pouvait aussi acheter des papiers rares lorsqu’il en trouvait en voyage, mais pour son travail, il utilisait principalement des cartons achetés chez Omer DeSerres. Il faisait des provisions et, le moment venu, les utilisait selon son inspiration. Dans certains cas, on peut avoir l’impression qu’il a eu recours à de la cuirette ou à du tissu, mais non, il a confectionné ses personnages seulement avec du papier qu’il froissait ou chiffonnait pour obtenir l’apparence souhaitée. Il avait vraiment ce don de bien choisir le bon matériau.»

Ces sculptures, les dernières fabriquées par Claude Lafortune, sont dans un état remarquable. Photo: Claude Deschênes

Toutes ces œuvres ont été fabriquées dans le condo de Claude Lafortune. Une fois qu’elles étaient terminées, le musée allait les chercher pour désembourber la maison. Un cartel nous apprend qu’il faut approximativement trois semaines pour faire un animal, quatre semaines pour un personnage, encore que l’artiste n’est pas du genre à compter son temps, le plaisir de créer l’emportant toujours.

Jean-François Royal mesure aujourd’hui l’effet que la présentation du travail de Claude Lafortune a eu sur le Musée Marguerite-Bourgeoys, qu’il dirige depuis cinq ans maintenant.

«Colle, papier, ciseaux a été un grand succès au Musée Marguerite-Bourgeoys. Ça a changé la mentalité. Depuis, on nous voit moins comme un musée religieux et plus comme un musée historique. Le public nous perçoit moins comme une institution austère, apôtre de bondieuseries.»

Un cartel nous apprend qu’il faut approximativement trois semaines pour faire un animal. Photo: Claude Deschênes

L’exposition L’arche de Noé selon Claude Lafortune sera à l’affiche jusqu’au 17 mars 2024.

Le Musée Marguerite-Bourgeoys, qui gère aussi la chapelle Notre-Dame-du-Bonsecours, proposera prochainement une exposition pour souligner le 250e anniversaire de ce lieu de culte reconstruit de 1771 à 1773, après l’incendie de la chapelle originale, en 1754.

L’exposition L’arche de Noé selon Claude Lafortune sera à l’affiche jusqu’au 17 mars 2024.